LA BONNE NOUVELLE a malheureusement un arrière-goût. Face au nombre croissant des naissances, 834 000 en 2008, et à un indicateur conjoncturel de fécondité supérieur à 2, il y a une « réalité beaucoup plus péjorative de la mortalité maternelle, de la morbidité et de la mortalité périnatales », indique le Pr Gilles Crépin, dans l’éditorial du dernier « Bulletin épidémiologique hebdomadaire ». « Si la mortalité maternelle, documentée depuis plus de quinze ans par l’OMS, situe la France dans la moyenne des pays européens, elle reste en deçà des meilleurs, et très loin de la Suède, dont les taux sont deux fois plus faibles », relève le gynécologue-obstétricien.
Ce constat, qui concerne la période de 2001 à 2006, est le fruit d’un travail mené par l’unité INSERM 953 Recherche épidémiologique en santé périnatale et santé des femmes et des enfants, le Comité national d’experts sur la mortalité maternelle et l’Institut de veille sanitaire. Le taux de mortalité maternelle est estimé entre 8 et 12 décès pour 100 000 naissances, soit annuellement de 70 à 75 femmes qui décèdent de leur grossesse ou de ses suites. Or, « le plus alarmant réside dans le chiffre de 50 %
de morts évitables ou présumées telles, le plus souvent liées à des mesures thérapeutiques inappropriées », s’indigne Le Pr Crépin.
L’âge, l’Îe-de-France, les Dom.
D’après la classification internationale des maladies, la mort maternelle est le décès d’une femme survenu au cours de la grossesse ou dans un délai de 42 jours après sa terminaison. S’il n’y a pas d’évolution statistiquement significative d’une année à l’autre, les experts notent toutefois une tendance à la baisse continue depuis 1996 (à l’exception du pic inexplicable de l’année 2002). L’âge moyen des femmes décédées est de 33,3 (l’âge moyen à l’accouchement étant de 30 ans). La mortalité maternelle est d’autant plus fréquente que l’âge augmente (trois fois plus élevé 35-39 ans qu’à 20-24 ans, huit fois plus à 40-44 ans et 30 fois plus au-delà de 45 ans).
L’Île-de-France et les départements d’outre-mer ont des taux systématiquement supérieurs à la moyenne nationale bien que ni l’âge, ni la nationalité des femmes n’expliquent ce surrisque de mortalité maternelle. En IDF, la mortalité maternelle est supérieure de 30 % et dans les DOM, elle est au moins trois fois plus fréquente qu’en métropole. « Ces taux élevés, combinés au nombre élevé de naissances, font de ces régions les principales contributrices aux décès maternels en France », indiquent les experts.
Les femmes de nationalité non européenne ont une mortalité maternelle supérieure à celle des Françaises ou des Européennes. Une analyse spécifique a montré que le surrisque pour les femmes des nationalités d’Afrique subsaharienne était lié à des causes obstétricales spécifiques : les complications de l’hypertension et les infections. Une plus grande fréquence de prise en charge non optimale des femmes de ces sous-groupes a été également observée.
Plus des trois quarts (77 %) des décès maternels se produisent dans les établissements hospitaliers publics, 10 % à domicile et 8 % en clinique privée. La plupart du temps, les femmes décèdent après un transfert dans une structure d’urgence ou de réanimation. Un quart des morts maternelles survient au cours de la grossesse, dont 9,5 % avant 22 semaines d’âge gestationnel. Un tiers survient dans les premières 24 heures du post partum et un autre tiers dans le post-partum à moins de 42 jours. Enfin, 6,5 % correspondent aux morts maternelles tardives, soit moins d’un an après la terminaison de la grossesse.
Mais le Pr Gilles Crépin remarque qu’« un tiers des décès n’a pas été soumis à l’enquête faute de dispositions officielles permettant une exhaustivité pourtant essentielle. De même, on ne relève que 20 % d’autopsies, chiffre beaucoup trop faible comparé aux pays anglo-saxons. De telles lacunes dans le système de recueil d’informations à l’échelon national peuvent laisser supposer un nombre encore plus important de morts évitables », déplore-t-il.
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