PEUT-ON, COMME le quotidien britannique « The Independent », qualifier l’étude de « tournant historique » dans la maladie d’Alzheimer ? La presse anglo-saxonne dans son ensemble a réservé un accueil particulièrement enthousiaste pour les travaux scientifiques dirigés par Giovanna Mallucci à Leicester et publiés dans « Science Translational Medicine ». Si l’équipe britannique avec le soutien des laboratoires GSK a identifié une nouvelle voie prometteuse dans les maladies neurodégénératives, les journalistes outre-Manche ont sans doute fait preuve d’un emballement médiatique envers leurs compatriotes.
« Les résultats de cette étude sont très intéressants, estime Stéphane Haïk, directeur de recherche à l’INSERM Maladie d’Alzheimer-Maladies à prions de l’Institut du Cerveau et de la Moelle Épinière (ICM) et du centre national de référence des prions. C’est une toute nouvelle piste thérapeutique dans les maladies neurologiques conformationnelles des protéines, et en cela, les travaux méritent d’être salués. Il n’existe aucun traitement convaincant à l’heure actuelle. Mais les résultats obtenus sur ce modèle murin expérimental de tremblante sont très loin d’une quelconque application dans les maladies à prions, et le sont encore moins dans la maladie d’Alzheimer ».
L’équipe britannique ouvre la voie des inhibiteurs de PERK dans les maladies conformationnelles des protéines, une branche de la réponse UPR (pour unfolded protein response en anglais). « La maladie à prions est le paradigme des maladies neurodégénératives avec mauvaise conformation des protéines », explique le chercheur spécialiste de la maladie à prions. Au cours de la maladie d’Alzheimer, de la maladie de Parkinson, de la sclérose latérale amyotrophique et de la maladie à prions, sont mis en jeu les mêmes mécanismes de mauvaise conformation des protéines avec formation d’agrégats. Se déclenche alors la réponse UPR, une réponse de stress au sein du réticulum endoplasmique, qui entraîne une baisse d’expression des protéines nécessaires au bon fonctionnement du neurone.
Un modèle expérimental imparfait.
L’administration du composé par voie orale s’est révélée très prometteuse chez la souris. Après avoir montré que la molécule a une bonne pénétrance cérébrale et inhibe la réponse UPR, les chercheurs ont eu la satisfaction de constater qu’elle ralentissait l’apparition des symptômes cliniques comportementaux et des lésions cérébrales à différents stades de la maladie. « Mais c’est très loin d’être suffisant pour conclure à l’efficacité de la molécule dans la maladie d’Alzheimer, commente Luc Bouée, neurobiologiste directeur de recherche INSERM à Lille. La caféine dans l’eau de boisson a aussi donné de bons résultats dans un modèle murin d’Alzheimer ». Rien de renversant donc à disposer d’un candidat oral au stade préclinique.
Des effets secondaires gênants.
Pour Stéphane Haïk, les limites de l’étude sont de deux ordres. Tout d’abord, le modèle expérimental choisi est très éloigné de la pathologie humaine. « Il s’agit d’un modèle de maladie à prions très particulier. Ce sont des souris transgéniques surexprimant une protéine mal conformée peu fréquente. D’une part, les effets cellulaires peuvent être différents du fait de ce repliement atypique et la surexpression, qui n’existe pas chez l’homme, peut changer la donne ». L’autre limite concerne la toxicité, puisque de nombreux effets secondaires ont été rapportés chez les animaux, perte de poids et diabète. D’autres composés pourraient être mieux tolérés.
« La question centrale reste l’évaluation de l’efficacité, insiste Stéphane Haïk. Plusieurs points restent en suspens. Les effets persistent-ils dans le temps ? On ne dispose d’aucune donnée sur le moyen terme, compte-tenu de l’arrêt prématuré pour effets secondaires. De plus, compte-tenu de la complexité de la maladie, il y a fort à parier qu’il faille jouer à plusieurs niveaux, sur les conséquences de la réplication mais aussi sur le mécanisme princeps. Dans un premier temps, il faut multiplier les modèles expérimentaux. En dépit de mécanismes communs, il est impossible de transposer les résultats obtenus dans un modèle transgénique de maladie à prions à un autre, et encore moins à la maladie d’Alzheimer. Il faut en apporter la preuve expérimentale. Dernier point, il n’existe pas de modèle parfait animal de la maladie d’Alzheimer, le passage à l’homme reste le moment de vérité ».
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