ON NE LES ATTENDAIT pas là. La metformine et l’aspirine ont créé l’événement il y a quelques années avec la mise en évidence d’effets « anticancer ». Avec la publication de deux nouvelles études, les preuves s’accumulent pour ces molécules que l’on pensait pourtant connaître par cœur. Dans « Cancer », une étude montre que la metformine diminue la mortalité par cancer de l’ovaire et dans le « Journal of the National Cancer Institute », une autre suggère que l’aspirine et autres anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) protègent du cancer du foie. Les effets ne seraient pas marginaux, ce qui fait penser que les deux molécules pourraient gagner des indications supplémentaires en cancérologie.
Pour l’aspirine, l’effet préventif a été largement documenté, dans le cancer colo-rectal en premier lieu, et aussi pour l’œsophage, l’estomac, les voies biliaires, le sein et la survenue de métastases en cas de cancer connu. L’aspirine semble agir précocement dans la carcinogenèse, de l’initiation à la dissémination. Une méta-analyse chez plus de 77?540 participants a retrouvé ainsi une mortalité par cancer en baisse de 15 %, avec un bénéfice dès trois ans à forte dose (≥ 300 mg/jour) et après cinq ans à ≤ 300 mg/jour.
Réponse par oui ou par non.
Voilà qu’une grande étude américaine chez 300 000 sujets âgés de 50 à 71 ans suivis pendant plus de dix ans montre aujourd’hui que les AINS dont l’aspirine diminuent à la fois le risque de cancer du foie et la mortalité par maladie du foie. Au cours du suivi, plus de 400 sujets sont décédés de maladie chronique du foie, et 250 ont présenté un carcinome hépatocellulaire. En cas de prise d’AINS (réponse par oui ou par non, quelle que soit la fréquence de prise), le risque d’hépatocarcinome est diminué de 41 % et la mortalité par maladie du foie de 45 %. L’aspirine semble avoir un effet protecteur plus fort que les autres AINS, puisque, en l’excluant, la mortalité par hépatopathie n’est plus diminuée que de 26 % et il n’y a plus d’effet sur le risque de cancer du foie.
Pour la metformine, la découverte des propriétés anticancéreuses est plus récente. Une étude épidémiologique publiée en 2005 a d’abord suggéré que la metformine pouvait diminuer la mortalité par cancer chez les diabétiques de type 2. Par la suite, plus d’une vingtaine d’essais cliniques se sont mis en place pour tester les effets de la molécule dans différents cancers. Des résultats encourageants ont déjà été obtenus dans le cancer du pancréas, de la prostate ou colorectal.
Une survie multipliée par 3,7.
L’étude parue dans « Cancer » suggère aujourd’hui un effet dans le cancer de l’ovaire chez 239 patientes concernées, en comparant les 61 d’entre elles prenant de la metformine aux 178 n’en prenant pas. Après ajustement, les chercheurs ont constaté que les patientes traitées par metformine avaient une chance de survie au cours de l’étude multipliée par 3,7 par rapport aux autres. Alors que 67 % du groupe metformine étaient en vie à cinq ans, cela ne concernait que 47 % du groupe non traité.
Pour le Dr Shridar, investigateur dans l’étude metformine : « Cette étude ouvre la porte à l’utilisation de la metformine dans des essais randomisés à grande échelle dans le cancer de l’ovaire, ce qui pourrait conduire au final à ce que la metformine devienne une option thérapeutique dans cette maladie. » Des essais de ce type sont en cours actuellement dans le cancer du sein pour la metformine.
Quant à l’aspirine dans le foie, elle pourrait trouver sa place, car, hormis le vaccin contre l’hépatite B et espérons-le contre l’hépatite C, les facteurs de risque classiques tels que l’obésité et l’alcoolisme sont difficiles à contrôler, demandant différents niveaux d’intervention, de l’échelon individuel à celui du système de santé.
le 3 décembre 2012.
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