« Il y a une sorte de "guerre de religion" entre ceux qui pensent que l’on ne peut pas prouver le lien entre prises de benzodiazépine et Alzheimer sans étude randomisée, et ceux qui, comme nous, estiment que plusieurs études observationnelles faites par des équipes différentes sur des populations différentes et qui vont dans le même sens, rendent ce lien très probable. » Le Pr Bernard Bégaud, chef l’unité « Pharmacoépidémiologie et évaluation de l’impact des produits de santé sur les populations » à l’université de Bordeaux, résume ainsi la controverse ouverte depuis la publication des premiers résultats du projet « Benzodem », qui attribuaient une augmentation de 20 à 50 % du risque d’Alzheimer chez les utilisateurs réguliers de benzodiazépines.
Pas du surrisque pour les prescriptions « normales ».
De nouveaux résultats publiés mercredi sur le site du « British Medical Journal » viennent de renforcer cette suspicion, avec un surrisque de 51 % de diagnostic d’Alzheimer chez les patients ayant pris des benzodiazépines depuis au moins cinq ans. « Ce surrisque ne s’applique pas aux patients qui avaient bénéficié d’une prescription normale de benzodiazépines, c’est-à-dire inférieure à trois mois, » tient à préciser Sophie Billioti Gage, chercheur à l’université de Bordeaux et première auteure de l’étude, qui avait déjà signé une étude observationnelle parue dans le BMJ en septembre 2012. Il s’agirait donc bien d’un risque lié au mésusage.
Au delà de 180 doses.
S’il n’y avait pas de surrisque significatif chez les patients qui s’étaient vus prescrire moins de 91 doses, soit une exposition cumulée de moins de trois mois, il y avait en revanche une augmentation significative du risque d’Alzheimer de 32 % chez les patients ayant pris entre 91 et 180 doses (de 3 à 9 mois d’exposition) et de 84 % chez les patients ayant pris plus de 180 doses. En outre, le risque d’Alzheimer était plus important chez les patients prenant des benzodiazépines à longue durée d’action que chez ceux ayant pris des benzodiazépines à durée d’action plus courte. « C’est la première fois que l’on voit un tel effet dose-dépendant », affirme le Pr Bernard Bégaud, pour qui ces résultats doivent attirer l’attention sur la surprescription de benzodiazépine en France « connue depuis longtemps. »
Les patients de la « Belle Province ».
Alors que l’étude de 2012 était menée sur la cohorte française PAQUID, les chercheurs bordelais ont cette fois utilisé les données de la sécurité sociale québécoise, dont le programme spécifique aux personnes âgées oblige les médecins à renseigner, entre autres, des informations sur l’anxiété et les troubles du sommeil. « Nous avons pu inclure un plus grand nombre de patients, assurer un suivi plus long et ajuster nos résultats pour les troubles associés au début d’un Alzheimer, » précise Sophie Billioti Gage. En tout, ce sont 1 796 patients ayant un premier diagnostic d’Alzheimer et suivis pendant au moins six ans qui ont été comparés à 7 184 patients contrôles.
À l’avenir, Sophie Billioti de Gage souhaiterait étudier le lien entre prise prolongée de benzodiazépines dans une population jeune et risque de démence, mais « les bases de données ne sont pas assez anciennes pour le permettre, » déplore-t-elle.
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