UN SOURIRE A ILLUMINÉ son visage. Pour cette femme tétraplégique de 58 ans, c’était la première fois qu’elle était capable de boire seule de nouveau, depuis son accident vasculaire cérébral (AVC), il y a près de quinze ans. Par l’exercice de sa volonté, en essayant de reproduire mentalement les mouvements à faire, Mme «?S3?» a pu actionner un bras articulé robotisé grâce à une interface cerveau-ordinateur en charge de « traduire » l’ordre donné. D’abord, il s’agissait de diriger le bras vers un objet cible et de l’attraper. Jusqu’à reproduire l’exercice avec une bouteille de café puis arriver à la porter à sa bouche, boire avec une paille et la reposer sur la table.
Ce dispositif nommé BrainGate est en cours d’évaluation aux États-Unis, et les premiers résultats s’annoncent déjà prometteurs. Comme Mme S3, un autre patient âgé de 66 ans, paralysé depuis 2006 lui aussi des suites d’un AVC, M. « T2 » a participé à l’essai clinique mené en collaboration par des chercheurs du département américain des anciens combattants, de la Brown University, de l’hôpital général de Massachusetts, de l’université de Harvard et du centre allemand d’aérospatiale.
Une puce implantée dans le cerveau.
Tout le système repose sur l’interface cerveau-ordinateur, un dispositif miniaturisé de la taille d’un « cachet d’aspirine ». Il se présente sous la forme d’une « puce » carrée en silicone hérissée de 96?mini-électrodes, directement implantée au niveau du cortex moteur et reliée à un ordinateur extérieur. Ce dernier traduit les influx neuronaux en commandes afin de diriger le robot. Deux types d’appareil ont été testés dans l’étude, l’un développé par DLR Institute of Robotics and Mechatronics et l’autre par DEKA Research.
Les deux participants ont appris à utiliser leur activité neuronale pour contrôler directement le bras robotisé. Et la tâche est moins simple qu’il n’y paraît. Ce que l’on fait habituellement sans même y penser, il leur a fallu s’entraîner à « repenser » des mouvements oubliés et à le faire en trois dimensions. De plus, le diamètre de la « cible » correspondait à la moitié de la largeur de la main robot, ce qui demandait aux participants de se concentrer pour exercer un contrôle précis.
Sur 158 essais étalés sur 4 jours, Mme S3 a touché la cible dans 48,8 % avec le bras DLR et 69,2 % avec l’autre. Pour 45 essais avec le bras DEKA, M. T2 a atteint la cible dans 95,6 %. Pour chaque essai avec « touche », Mme S3 a réussi à attraper dans 43,6 % des cas avec le DLR et 66,7 % avec le DEKA, quant à M. T2, il a réussi dans 62,2 % des cas.
Des années après la paralysie.
La mise en place reste lourde et le dispositif est encore « à des années-lumière » d’une utilisation dans la vie courante. Il faut à chaque utilisation qu’un technicien effectue un calibrage d’une durée de 31 minutes en moyenne. L’un des objectifs à l’avenir est de mettre au point un système « sans fil », puisque le capteur, et donc le patient, est connecté au reste à l’aide de câbles. La précision et la rapidité sont également des points nécessitant une amélioration.
Il n’en reste pas moins que, pour le Pr Leigh Hochberg, professeur à la Brown University et neurologue en réanimation au Massachusetts Hospital, ces résultats sont décisifs car « des années après la survenue de la paralysie (...) il est toujours possible d’enregistrer des signaux cérébraux porteurs d’une information multidimensionnelle sur un mouvement et ces signaux peuvent être utilisés pour faire bouger un dispositif externe ». Il se trouve de plus que l’interface est toujours fonctionnelle plusieurs années après son implantation. Tous ces éléments font penser que, avec des améliorations techniques, le dispositif a de l’avenir. L’objectif ultime serait de se passer du bras robotisé et de stimuler directement les muscles paralysés. Un essai a montré des résultats positifs chez des singes paralysés de façon transitoire par un bloc moteur grâce à un appareil de stimulation électrique.
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