BIEN QUE la consommation totale d’antibiotiques en France ait baissé de plus de 10 % depuis 2000, elle reste excessive et repart à la hausse de manière préoccupante depuis cinq ans. Aujourd’hui, la France est l’un des pays européens plus gros consommateurs d’antibiotiques en ville, juste derrière la Grèce. Les raisons de cette surprescription sont connues : pression des patients, défaut de formation des médecins, mais aussi incertitude diagnostique, liée en partie à un usage encore limité des tests de diagnostic rapide (TDR), qui pousse à faire des ordonnances « par prudence ». Ses conséquences aussi : une augmentation exponentielle des résistances, responsable de milliers d’hospitalisations et de décès – dont un rapport demandé par la ministre de la Santé devrait prochainement évaluer le nombre.
Après les trois grandes vagues de pénicillinases dans les années 1960, des ESBLs (bêtalactamases à spectre étendu) dans les années 1980, les carbapénèmases des années 2000 sont inquiétantes.
Peu de nouveautés.
Le retrait du marché d’une trentaine de substances et la commercialisation, ces 15 dernières années, d’un petit nombre de nouvelles molécules (ou associations) - liée à quelques échecs retentissants et aux choix des industriels (médicaments destinés aux maladies chroniques, biothérapies) - ne rendent pas optimistes. « C’est comme pour le réchauffement climatique. Nous courons à la catastrophe si nous ne réagissons pas rapidement, explique le Pr Vincent Jarlier, chef du service bactériologie et hygiène hospitalière à l’hôpital Pitié-Salpêtrière (Paris). Mais nous ne savons pas de quelle ampleur sera le phénomène ni comment moins prescrire d’antibiotiques. Il faudrait prendre des risques, mais aujourd’hui c’est inconstitutionnel ! Le principe de précaution prime… »
« Nous sommes au bord du gouffre, convient le Dr Philippe Prokocimer (Merck Clinical Development, États-Unis). Mais la prise de conscience des pouvoirs publics est réelle et les nouvelles approches développées par des petites sociétés de recherche et relayées par des grandes firmes internationales sont rassurantes. Un nouveau partenariat s’instaure aussi avec les agences de régulation et c’est une vraie révolution. Ce dialogue est profitable à tous. »
Malheureusement, les Guidelines concernant la prescription des antibiotiques ne sont pas harmonisés. Les États-Unis les ont revus totalement et, pour gagner en objectivité, ont développé une nouvelle discipline, la « science réglementaire ». Mais l’Europe n’a pas suivi ces nouveaux Guidelines. De plus, comme dans d’autres domaines, elle ne parle pas d’une seule voix. Même s’il existe une Agence européenne du médicament (EMA), chaque pays a son agence nationale qui émet ses recommandations.
Le gouvernement américain a aussi annoncé un plan national à 5 ans pour combattre le problème des résistances. La France a certes lancé un 3e Plan d’alerte sur les antibiotiques (2011-2016) et s’est fixé comme objectif une réduction de 25 %, qui ne sera pas tenu. Mais elle n’a pas de véritable plan de lutte contre les résistances.
Cela dit, les pistes de réflexion ne manquent pas pour inverser la tendance et les leviers sont multiples. Depuis la mise au point - annoncée - de nouveaux outils de diagnostic rapides, notamment des tests miniatures et de prix raisonnables, pratiqués sans connaissances spécialisées, jusqu’à la prise en compte d’un « service écologique rendu » dans l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des antibiotiques et la fixation de leur prix, proposé par le Pr Marie-Hélène Nicolas-Chanoine (service de microbiologie à l’hôpital Beaujon, Clichy). En passant par le traitement des effluents et une organisation différente de l’élevage des animaux d’abattage, des volailles et des poissons d’élevage, surtraités par des antibiotiques… qui se retrouvent dans notre alimentation.
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Françoise Amouroux
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