L’UNION régionale des professionnels de santé (URPS) Pharmaciens Ile-de-France en est convaincue : le pharmacien a un rôle majeur à jouer en matière de prévention des grossesses non désirées. La France affiche 220 000 interruptions volontaires de grossesse (IVG) chaque année. Un nombre qui reste stable depuis une dizaine d’années. Et l’Ile-de-France, avec un taux d’IVG pour 1 000 femmes en âge de procréer de 19,3, se situe au-dessus de la moyenne nationale de 14,7. Par ailleurs, les infections sexuellement transmissibles (IST) sont plus fréquentes chez les Franciliennes que chez les femmes des autres régions.
Identifier l’inobservance.
Un contexte qui a mené l’URPS Pharmaciens Ile-de-France a lancé, entre mars et juin 2014, une expérimentation « Contraception, IST… Pour en savoir plus… » auprès de quatre pharmacies dans quatre départements franciliens (Essonne, Paris, Seine-et-Marne, Yvelines). En amont, durant le premier trimestre 2014, les équipes officinales (pharmaciens et préparateurs) ont été formées, via un e-learning et du présentiel, à la santé sexuelle. « L’objectif est de faire de l’officine pharmaceutique un lieu d’informations et de conseils sur la santé sexuelle ainsi qu’un lieu d’orientation vers les autres professionnels de santé. L’information au comptoir est essentielle en matière de santé sexuelle. Le pharmacien est un professionnel de santé bien placé pour identifier chez les patients-consommateurs les difficultés d’observance, la méconnaissance des conduites à tenir en cas d’oubli de prise et de l’utilisation de la contraception d’urgence. Les patients apprécient d’ailleurs de trouver au sein de l’officine des brochures d’information de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) ou encore du Cespharm », souligne Jean-Christophe Mercier, l’un des quatre pharmaciens expérimentateurs, installé à Montereau Fault Yonn (Seine-et-Marne).
Au-delà de la sensibilisation au comptoir, l’expérimentation vise à développer au sein de l’officine, lorsqu’un besoin est détecté ou qu’un contraceptif est délivré, la réalisation d’un entretien sur la santé sexuelle, dans un espace de confidentialité. « La contraception n’est pas abordée de la même manière chez un Européen, un Africain ou un Nord-Africain. Il faut en tenir compte dans l’accompagnement. À nous, professionnels de santé, de faire un entretien gratuit et de proposer en toute confidentialité des solutions à toutes les femmes et tous les hommes. Il y a 14 moyens de contraception, or en France on fait du "tout pilule" », ajoute Renaud Nadjahi, président de l’URPS Pharmaciens Ile-de-France.
Convaincre l’ARS.
Ce projet « Contraception, IST… Pour en savoir plus… » s’inscrit dans le cadre d’une coopération interprofessionnelle, afin de mettre en lien les différents acteurs concernés : pharmaciens, médecins généralistes, médecins gynécologues, sages-femmes, infirmières scolaires, mais aussi les structures spécialisées (centre de planification et d’éducation familiale, centre de dépistage…). « Dans le cadre de cette expérimentation, nous nous sommes identifiés auprès de tous les prescripteurs du secteur : médecins gynécologues, sages femmes, planning familial, protection maternelle et infantile (PMI) et le réseau REVHO, un réseau de santé ville-hôpital permettant aux femmes d’avoir recours à une IVG médicamenteuse avec leur médecin de ville », explique Jean-Christophe Mercier.
Cette approche interprofessionnelle a séduit l’URPS Sages Femmes Ile-de-France qui s’est associée à l’expérimentation. « Le renouvellement de la pilule en 2012 par le pharmacien était déjà un premier pas. Plus on est d’intervenants à entourer la contraception, mieux c’est ! Les femmes ont besoin d’informations. Il y a encore trop d’idées reçues. L’URPS Sages Femmes approuve l’idée d’un entretien confidentiel en officine sur la santé sexuelle. Une contraception mal prise, mal comprise est une mauvaise contraception », considère Annie Gandrez, trésorière de l’URPS Sages Femmes Ile-de-France.
Désormais, l’URPS Ile-de-France envisage d’étendre cette expérimentation sur une cinquantaine de pharmacies. Une étape supplémentaire vers la pérennisation ? Encore faudrait-il résoudre un certain nombre de préalables, parmi lesquels l’épineuse question du financement. « Quelle rémunération pour ces entretiens d’une durée de vingt minutes ? Comment les inscrire dans l’économie de l’officine ? Comment convaincre de l’utilité du rôle du pharmacien ? », interroge Jean-Christophe Mercier. L’URPS Pharmaciens Ile-de-France devra convaincre l’agence régionale de santé (ARS) de l’intérêt de ces entretiens en officine dans la prévention des grossesses non désirées. Des démarches pour obtenir un financement ont également été engagées auprès du Conseil régional d’Ile-de-France. La campagne de l’INPES en faveur de l’interprofessionnalité dans le domaine du suivi de la contraception y contribuera peut-être…
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