Face à l'arrêt de commercialisation du Cytotec qui disparaîtra du marché français au 1er mars prochain, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) explique pourquoi ce médicament était massivement utilisé pour des indications qui ne figurent pas dans son autorisation de mise sur le marché (AMM).
Il y a tout juste une semaine, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) informait de la décision de Pfizer de cesser définitivement la commercialisation du Cytotec (misoprostol) en France (lire notre article « abonné »). À la question de savoir pourquoi, l'Agence n'a pu que renvoyer les curieux vers le laboratoire américain. Interrogé, ce dernier a botté en touche. De son côté, l'ANSM a rappelé l'usage quasi exclusif du Cytotec, indiqué dans l'ulcère, hors AMM, en France comme ailleurs, insistant sur le fait que si le hors AMM est permis, il doit rester l'exception et devient problématique quand il est massif. D'autant que l'AMM est « la traduction d'essais cliniques » et protège ainsi autant « le praticien que le patient ».
Réponse d'Israël Nisand, président du CNGOF : « Le ministère de la Santé en 1992 (...) a encouragé les médecins à le dispenser dans le cadre de l’IVG bien qu’il n’ait pas d’AMM dans ce cadre. C’est ainsi que nous nous sommes habitués à utiliser cette prostaglandine nommée Cytotec en gynécologie. Ce n’était donc pas un dévoiement, mais bien l’impossibilité de faire autrement en France. » Oui mais, depuis lors, des mises en garde se sont multipliées, notamment de la part de l'ANSM en 2005 et 2013 (déjà critiquées par le CNGOF) et de la Haute Autorité de santé en 2008 et 2015, restées sans effet. Par ailleurs, le Pr Nisand souligne que ses pairs « ont continué d'utiliser le Cytotec du fait des preuves scientifiques de son efficacité dans (ces) indications, de l'absence d'alternative thérapeutique dans certaines indications (comme la fausse couche ou l'induction du travail dans les interruptions médicales de grossesse du second trimestre), de son moindre coût par rapport aux spécialités ayant l'AMM dans l'IVG médicamenteuse ».
Pour le déclenchement des accouchements, l'ANSM remarque que le comprimé de Cytotec, dosé à 200 µg, doit être coupé en huit, d'où un risque d'erreur de dosage, et qu'il est administré par voie vaginale, ce qui est discutable, alors même que des médicaments dédiés existent (dinoprostone en gel ou tampon). Quant à son usage dans l'IVG médicamenteuse, son dosage ne pose pas de problème mais là encore une utilisation intravaginale est discutable, alors que deux médicaments possédant l'AMM dans l'IVG sont disponibles : Gymiso (200 µg) et Misoone (400 µg). Certes beaucoup plus chers que le Cytotec, mais le forfait de l’IVG médicamenteuse est calculé en fonction du prix du Gymiso et non en fonction du prix du Cytotec, « on ne crée donc pas de tension économique », précise Dominique Martin, directeur général de l'ANSM.
Pour le CNGOF, le problème vient plutôt du laboratoire qui « n'a jamais souhaité modifier son AMM à cause de l'implication de Cytotec dans l'IVG » et n'est pas prêt à assumer « les retombées négatives promises aux États-Unis » sur ses autres médicaments.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques