Il est possible de trouver des biofilms partout où il y a des bactéries, au fond d’un évier mal entretenu comme à la surface des grandes étendues d’eau douce que constituent les lacs mais aussi dans notre propre organisme bien sûr. Pouvant empêcher les traitements antibiotiques d’atteindre les bactéries, le biofilm devient particulièrement dangereux lorsqu’il se forme sur ou au sein de tissus cellulaires, envahit des sutures ou recouvre la surface de cathéters. Chaque année, des centaines de milliers de décès sont ainsi attribués sur la planète à des infections post-chirurgicales ou urinaires associées au développement de biofilms.
La gestion thérapeutique des biofilms s’avère particulièrement difficile car, longtemps, le mécanisme intime de leur formation, voyant des bactéries menant une existence initialement individuelle finir par former une sorte d’entité collective, est demeuré incompris. Des chercheurs américains des universités Yale et de San Diego ont récemment découvert un mécanisme clé expliquant cette transition et modélisé la formation de biofilms.
Des interactions complexes
Ces scientifiques ont pour cela imaginé et conçu des systèmes microfluidiques (la microfluidique est une branche des biotechnologies ayant pour objet la manipulation des fluides à l'échelle micrométrique). Ils ont aussi produit des gels spécifiques pouvant héberger et nourrir des populations d’Escherichia coli uropathogènes. Ces bactéries forment des colonies en 3D au sein des cellules épithéliales du tractus urinaire et constituent la cause de la majorité des infections urologiques récurrentes en échappant aux réponses immunologiques internes développées par leurs hôtes et en échappant aussi aux antibiotiques exogènes. Les chercheurs sont ainsi parvenus à reconstituer l’environnement au sein des cellules humaines hébergeant les bactéries invasives à l’origine des infections. Ils ont montré que les colonies de ces micro-organismes se développaient jusqu’à un seuil critique où leur croissance était contrainte mécaniquement (par les parois de la micro-cavité où elles étaient cultivées, par l’hydrogel les environnant, etc.) et où l’accès aux nutriments leur devenait également plus difficile. Les colonies ne pouvaient plus s’étendre et le stress physique alors induit constituait le point de départ de la création d’un agencement spatial différent, avec formation d’un biofilm 3D (les contraintes mécaniques sont connues de longue date comme un déterminant essentiel dans la transformation d’une colonie 2D en une colonie 3D). Il est probable que les bactéries réagissent à une modification dans la viscosité de leur environnement. Celle-ci étant elle-même liée à l’augmentation de leur nombre dans un volume restreint par une modification de la régulation de l’expression de certains gènes conduisant à la production d’exopolysaccharides et de fibres à la base de leur agencement en amas 3D qui, eux-mêmes, favorisent l’apparition d’autres amas en créant de nouvelles contraintes mécaniques.
Les interactions complexes entre les bactéries intégrées au film et leur environnement peuvent potentiellement conduire à l’apparition de structures élaborées ayant des propriétés propres (les bactéries des biofilms deviennent ainsi soudainement très résistantes aux antibiotiques). Partant de ces observations, les microbiologistes peuvent créer des systèmes microfluidiques mimant d’autres environnements cellulaires et explorer ainsi les stratégies de défense bactérienne face à des contraintes mécaniques toujours fréquentes dans les micro-environnements, ainsi que les modalités de formation d’autres types de biofilms pathogènes. La facilité avec laquelle ces systèmes peuvent désormais être obtenus et leur reproductibilité vont également autoriser l’essai prochain de médicaments spécifiques.
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