Caractérisée par des manifestations occasionnelles ou chroniques, la dysfonction érectile se traduit par une incapacité à obtenir ou à maintenir une érection suffisante pour permettre une activité sexuelle satisfaisante. Couvrant un spectre allant de l’impossibilité totale de pénétration à une pénétration peu durable, elle est ressentie comme dévalorisante. Une prise en charge médicale se justifie dès qu’elle a un retentissement psychologique et, a fortiori, conjugal.
Épidémiologie. 2 à 4 millions d’hommes sont concernés par une dysfonction érectile en France.
Physiopathologie. La verge associe deux systèmes érectiles : les corps caverneux et les corps spongieux. Sous l’influence de stimulations sexuelles, les muscles lisses artériels se relâchent (à l’état flaccide, ils sont contractés sous l’influence du tonus sympathique). Le sang afflue dans les corps caverneux et la verge se rigidifie. L’érection se maintient d’autant plus que les sinus emplis de sang compriment contre l’albuginée les veines susceptibles de le drainer : cette occlusion veineuse facilite l’augmentation de la pression intracaverneuse. Après éjaculation, l’activité sympathique induit une contraction des artérioles et des espaces sinusoïdaux. Le sang est éliminé des corps caverneux, l’apport de sang artériel étant réduit par la vasoconstriction.
Étiologie. Trois types d’étiologie expliquent les dysfonctions érectiles : les dysérections psychogènes, organiques et mixtes.
- Dysérections psychogènes. Des traumatismes psychologiques ou une affection psychiatrique peuvent expliquer une dysérection, particulièrement chez un homme encore jeune.
- Dysérections organiques. Elles sont liées à l’âge ou à une maladie, ces deux causes étant généralement intriquées.
> Modifications physiologiques liées à l’âge. L’insuffisance érectile augmente en fréquence comme en intensité avec l’âge : sa prévalence excède 66 % à partir de 70 ans. Plusieurs altérations physiologiques expliquent que le pénis devienne moins rigide : les vaisseaux sanguins perdent leur souplesse (plaques athéromateuses) et l’influx nerveux n’est plus transmis avec efficacité. L’érection, d’installation lente, nécessite des stimulations directes et dure peu.
> Pathologies organiques. Diverses maladies chroniques expliquent les troubles érectiles : pathologies cardio-vasculaires (modifications du calibre et de la souplesse des vaisseaux, hypo-oxygénation, lésions tissulaires par manque d’oxygène et de nutriments), hyperlipidémie, diabète de type 2, hypertrophie bénigne de la prostate, voire ulcère gastroduodénal, rhumatismes, etc. sans même évoquer les maladies ou traumatismes perturbant la connexion cerveau/pénis (traumatismes de la moelle épinière, accidents vasculaires cérébraux, connectivites telle la sclérose en plaque).
Le tabagisme constitue un facteur indirect de dysfonction érectile. L’alcoolisme et le cannabisme augmentent la fréquence des épisodes de dysérection aiguë chez le sujet jeune, mais aussi celle de la dysérection chronique chez le consommateur régulier.
> Iatrogénie. Les dysfonctions érectiles d’origine iatrogène ont pour origine des médicaments variés dont notamment des psychotropes (neuroleptiques, antidépresseurs), antihypertenseurs (vasodilatateurs notamment), hypoglycémiants, anticancéreux, anti-androgènes, substituts opiacés.
- Dysérections mixtes. Une dysfonction érectile organique est souvent à l’origine d’une angoisse et/ou d’un sentiment de culpabilité et de dévalorisation. Son ressenti est à l’origine d’une réaction psychologique s’ajoutant elle-même aux troubles somatiques. Cette dysérection, ayant une origine double, est dite « mixte ».
Quelle qu’en soit l’origine, les conséquences émotionnelles d’une dysérection sont importantes pour le couple : elles participent à l’entretien d’un cercle vicieux (trouble de l’érection ► angoisse et angoisse ► dysérection) susceptible de la pérenniser, parfois même lorsque ses causes sont traitées. Ces conséquences concernent l’homme mais également sa (son) partenaire qui développe un sentiment de culpabilité en s’estimant moins désirable et désiré(e).
Une fois appréciés les antécédents médicaux, voire chirurgicaux, du patient ainsi que la participation d’un tabagisme ou d’un alcoolisme à la dysérection, le médecin cherche les facteurs de risque, souvent cumulés ainsi que les signes cliniques (hypogonadisme, neuropathie pelvienne, artériopathie, etc.). Il peut prescrire une pléthysmographie pénienne ou un Doppler ainsi qu’une épreuve d’érection provoquée (injection de papavérine par exemple, hors AMM). Il n’est parfois pas inutile de recevoir les deux partenaires dans un cadre psychothérapique.
Traitement systémique. Le traitement d’une dysérection impose des mesures hygiéno-diététiques strictes : observance du régime de contrôle d’un diabète ou d’une hyperlipidémie, suppression ou réduction du tabac et de l’alcool, éventuelle modification d’un traitement suspecté induire une dysérection iatrogène. Une prise en charge sexologique du couple est toujours pertinente.
Le traitement systémique, facile à utiliser, est réduit en pratique aux inhibiteurs de la 5-phosphodiestérase (IDP-5) (avanafil = Spedra, sildénafil = Viagra et génériques, tadalafil = Cialis, vardénafil = Lévitra) dont l’action accompagne la physiologie spontanée de l’acte sexuel. Une stimulation induit au niveau des corps caverneux la libération de monoxyde d’azote (NO). Ce médiateur active la guanylate-cyclase et augmente ainsi le taux de guanosine monophosphate cyclique (GMPc), d’où relaxation des cellules musculaires lisses, permettant l’efflux de sang dans les corps caverneux. En inhibant la dégradation physiologique du GMPc, les IPD-5 accentuent les effets myorelaxants du NO.
Les IPD-5 agissent sur tous les types de dysfonction érectile : d’usage aisé, ils s’administrent par voie orale, à raison d’un comprimé avant le rapport sexuel, selon une posologie déterminée par l’expérience du patient à partir d’une dose moyenne initiale. Les dosages réduits du tadalafil (Cialis 2,5 mg et 5 mg) sont conçus pour un usage quotidien, optimisant la spontanéité de l’acte sexuel.
Les effets indésirables, liés à leur activité vasodilatatrice, se traduisent par des céphalées, des bouffées de chaleur, une rougeur du visage, etc. On observe également des douleurs épigastriques et des dyspepsies, des modifications transitoires de la vision colorée (action sur les phosphodiestérases de la rétine), des vertiges, une congestion nasale. Les effets cardio-vasculaires, rares, essentiellement décrits au premier trimestre du traitement, cèdent par la suite mais justifient pour l’essentiel leurs contre-indications :
- Traitement par un dérivé nitré (trinitrine, mono- ou dinitrate d’isosorbide, etc.), un donneur de monoxyde d’azote (molsidomine) ou par un produit ayant une activité de type nitré (nicorandil) ;
- Utilisation de poppers (car à base de nitrites) ;
- Patient auquel une fonction cardiaque altérée fait déconseiller toute activité sexuelle ;
- Antécédents récents (< 90 jours) d’infarctus du myocarde, angor instable ou des douleurs angineuses pendant les rapports sexuels, insuffisance cardiaque supérieure ou égale à la classe 2 de la classification NYHA au cours des 6 derniers mois, troubles du rythme non contrôlés, hypotension artérielle (< 90/50 mm Hg) ou hypertension artérielle non contrôlée, accident vasculaire cérébral au cours des six derniers mois.
- Perte de la vision d'un œil due à une neuropathie optique ischémique antérieure non artéritique (NOIAN) - que cet événement ait été associé ou non à une exposition antérieure à un IPD-5 -.
La yohimbine (Yocoral 5 mg), un alpha-2 bloquant d'action périphérique et centrale, est indiquée dans le traitement continu de la dysfonction érectile à la dose de 2 à 20 mg en 1 à 3 prises quotidiennes. Un délai de 2 à 3 semaines peut être nécessaire pour observer les premiers effets et l’efficacité de ce traitement reste généralement minime.
Traitement médicamenteux local. Modalité contraignante, l’injection intracaverneuse expose à un risque de douleur ou d’infection si elle est réalisée avec maladresse et, souvent, le patient abandonne le traitement au bout de quelques mois ; le dispositif trans-urétral est mieux adapté au plan pratique comme psychologique. Le traitement local induit une érection mécanique en 5 minutes environ, sans stimulation sexuelle. Il repose sur l’administration d’alprostadil, une prostaglandine (PGE1) relaxant les fibres musculaires des corps caverneux ainsi que de l’artère caverneuse dont elle augmente le débit. Elle est présentée sous trois formes :
- Forme topique. L'application pénienne d’une crème à base d’alprostadil (Vitaros) au-dessus du méat urétral induit un effet dans un délai de 5 à 30 minutes, et persistant environ 1 à 2 heures. Le patient doit être formé à la technique d'application par un professionnel de santé. La fréquence d'utilisation ne doit pas excéder 2 à 3 utilisations par semaine, à raison d'une seule fois par tranche de 24 heures. Une dose initiale de 300 µg peut être envisagée, en particulier en cas de dysfonction érectile sévère, d'affection concomitante ou d'échec des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (PDE5).
- Dispositif transurétral. Le bâton pour usage urétral (Muse) induit une érection en 5 à 10 minutes. Elle persiste 30 à 60 minutes. Ne pas excéder 2 doses/j et 7 doses sur 7 J.
- Forme injectable. La solution est reconstituée extemporanément et l’injection impose un apprentissage préalable (stylo pour injection intracaverneuse : Caverject, Edex).
L’injection peut être à l’origine d’une rougeur de la verge, de douleurs dans les bourses ou au niveau du périnée, d’une hypotension orthostatique, de céphalées (vasodilatation des vaisseaux du cerveau). L’administration trans-urétrale induit parfois une douleur pénienne, une sensation de brûlure urétrale voire un saignement urétral. Quelle que soit la voie d’administration, le patient doit recevoir des instructions lui permettant de maîtriser la technique d'administration ; il doit être informé des effets indésirables possibles (sensations de vertige ou évanouissement, par exemple) et de la nécessité d'éviter la conduite ou l’utilisation de machines tant que la bonne tolérance au médicament n'est pas établie.
Traitement chirurgical. Des situations limites (ex : traumatisme du bassin ayant lésé les artères irriguant le pénis) font indiquer la pose d’une prothèse pénienne. Ce geste, exposant à un risque infectieux non négligeable, est envisagé lorsque les autres traitements ont échoué.
Ondes de choc extracorporelles à faible intensité. Ce traitement en phase d’investigation vise à régénérer les vaisseaux sanguins du pénis par stimulation de la production de facteurs de croissance. Il ne semble pas induire de réaction iatrogène.
Greffe de cellules-souches. Testée sur des patients souffrant de troubles de l’érection après prostatectomie, cette technique vise à prélever des cellules-souches dans la moelle osseuse, au niveau de la hanche, pour les réinjecter dans le pénis : une amélioration (qualité de l’érection, de l’orgasme…) a été constatée six mois après l’injection et elle s’est maintenue au moins un an. Pour l’instant, seul un petit nombre de patients a bénéficié de ce traitement.
Injection de plasma enrichi. Cette méthode expérimentale consiste à prélever le sang du patient et à en séparer le plasma riche en plaquettes qui est réinjecté dans le pénis sous anesthésie locale pour favoriser la régénération des tissus : des études préliminaires ont produit des résultats encourageants avec un traitement d’attaque en deux ou trois séances suivi de séances d’entretien.
Usage d’une pompe à dépression (« vacuum »). Ce dispositif mécanique comprend un cylindre positionné sur la verge dans lequel le patient fait le vide à l'aide d'une pompe. L'érection, obtenue par dépression à l'intérieur du cylindre, est maintenue, après avoir ôté le cylindre, par une bande constrictive élastique placée à la racine de la verge. Les effets secondaires restent minimes : douleurs, sensation de pénis froid et difficultés à l'éjaculation.
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