C’EST UN PHARMACIEN Chinois, Hon Lik, qui, en 2003, a élaboré la première cigarette électronique. Depuis, l’accessoire n’a cessé de gagner du terrain dans le champ très convoité du sevrage tabagique… et des parts de marché. Notamment en France, où se murmure depuis peu que le tassement des ventes de substituts nicotiniques serait lié aux progrès de l’e-cigarette. « La e-cig, ça marche », soutiennent aujourd’hui un nombre toujours plus grand d’utilisateurs. N’empêche, la cigarette électronique n’est pas un médicament. Le Parlement européen a récemment tranché à ce sujet en décidant que sa vente sera certes réglementée, mais n’obéira pas aux règles encadrant les médicaments. Conséquence logique, l’accessoire, qui ne fait déjà pas partie de la liste des produits pouvant être vendus en pharmacie (article L5125-24 du Code de la santé publique), est encore moins légitimé à prendre place dans les rayons des officines. Parce que cela ne semblait pas évident à tous, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a émis à plusieurs reprises des avertissements pour le rappeler ; de même que l’Ordre national des pharmaciens, notamment dans l’édition de juin du « Journal de l’Ordre ».
Pourtant, 36 % des officines proposent des e-cigarettes dans leurs rayons, selon un rapport du Pr Bertrand Dautzenberg, remis fin mai à la ministre de la Santé. Cela en toute illégalité.
Prendre ses responsabilités.
Pourquoi certaines officines franchissent-elles la ligne jaune ? L’opportunisme commercial ne peut être le seul argument invoqué, dit en substance Jean-Marc Leder, titulaire parisien investi de longue date dans l’aide au sevrage tabagique. Selon lui, « en matière de santé publique, face à une avancée nouvelle, autant prudence et rigueur sont indispensables, autant immobilisme, attentisme et frilosité sont assimilables à une fuite et à un refus de prendre ses responsabilités. Une attitude d’autant plus grave qu’il s’agit là de lutter contre un véritable fléau. On doit raisonner en termes d’évaluation de la balance bénéfice/risque. La validation et la labellisation de produits estampillés et reconnus comme ayant un rapport bénéfice/risque favorable me semblent être une démarche cohérente et responsable pour ne pas rester sur le quai et être disqualifiés comme acteurs de santé publique. »
Si la labellisation n’est pas pour demain, les atouts de l’e-cig dans le sevrage tabagique sont déjà patents. Les futurs ex-fumeurs sont conquis. La raison ? « La cinétique du produit, très proche de celle de la cigarette combustible, est un élément majeur fort apprécié par les candidats à l’arrêt du tabac », estime Jean-Marc Leder. De fait, l’efficacité de la substitution nicotinique ressentie par les « vapoteurs » explique ce succès sans précédent. Quant au risque cancérogène de l’e-cig, même l’Office français de prévention du tabac (OFT) reconnaît que l’« on n’en connaît pas suffisamment sur ces produits ». Les quelques études déjà menées pour comparer la toxicité de la e-cig à celle de la cigarette, mènent sensiblement toutes aux mêmes résultats : le propylène glycol, le glycérol ou l’acroléine, substances potentiellement cancérogènes, sont bien présentes dans l’e-cig, mais à des doses bien inférieures à leur seuil de toxicité. De plus, ces substances sont beaucoup moins dangereuses que celles dégagées par la combustion (bien réelle celle-là) des vraies cigarettes.
L’appel des 100.
Un constat partagé par de plus en plus de médecins. Car même du côté des prescripteurs, la e-cig semble gagner chaque jour un peu plus en crédibilité. La preuve en est le récent « appel des 100 médecins » lancé à l’initiative du tabacologue Philippe Presles. Cent praticiens ont apposé leur signature au bas d’un appel en faveur de la cigarette électronique. Leurs arguments ? Elle aide manifestement de nombreux fumeurs à tourner la page du tabac. Qui plus est, la e-cig présente des dangers infiniment moindres que ceux du tabac. Fort de ces arguments, l’appel enjoint les autres médecins à s’informer sur la cigarette électronique, notamment en se référant au rapport de l’OFT (mai 2013). Mais il soutient aussi la position française de ne pas en faire un médicament exclusif. Pour l’heure, l’Ordre des pharmaciens, qui ne revendique pas non plus le statut de médicament, se borne à rappeler que la vente de cigarettes électroniques n’étant pas prévues par le Code de la santé, toutes les officines qui les vendent aujourd’hui sont dans l’illégalité. Un état de fait qui pourrait bien changer car le nombre croissant de pharmacies proposant la « vapoteuse » pourrait faire bouger les lignes. « Avec cet objectif, confie Jean-Marc Leder, les pharmaciens n’excluent pas de lancer, eux aussi, leur propre pétition pour défendre et promouvoir l’intérêt de la e-cigarette comme aide au sevrage tabagique et militer pour sa labellisation. »
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