La chirurgie bariatrique, de plus en plus pratiquée avant l’âge de 18 ans, a fait débat en France et continue de poser question. Deux études, l’une américaine (FABS-5+), l’autre suédoise (AMOS) publiées conjointement dans « The Lancet Diabetes and Endocrinology » apportent des éléments de réponse sur l’efficacité à long terme : oui, chez les mineurs, la perte de poids est importante et durable à plus de 5 ans.
Cet argument confirme la position actuelle à considérer la chirurgie comme une option valable chez les adolescents ayant une obésité sévère, à partir de l’âge de 15 ans et jamais avant 13 ans, notamment en raison des conséquences sur la croissance. Après s’être prononcée contre en 2011, – sauf cas extrêmement sévères –, la Haute Autorité de santé (HAS) a assoupli sa position dans de nouvelles recommandations fin mars 2016 sous la pression de professionnels en raison des « résultats peu satisfaisants obtenus lors de la prise en charge professionnelle pluriprofessionnelle classique de l’obésité ».
Des recommandations françaises confortées
Des spécialistes universitaires, tels que le Pr Patrick Tounian, chef de service de nutrition pédiatrique à l'hôpital Trousseau à l'AP-HP avaient réagi avec virulence et fait pression pour autoriser cette pratique sous conditions. « En 2011, notre service avait déjà une expérience de 10 ans, explique Patrick Tounian. Nous étions le seul pays développé à ne pas autoriser la chirurgie bariatrique chez l'adolescent. La qualité de vie de ces gamins est transformée si l'indication est bien posée et que l'adolescent est prêt à assumer l'intervention et ce que cela implique par la suite. Les résultats de ces deux études confortent tout à fait notre expérience à Trousseau et les recommandations actuelles en France ».
En France, 495 mineurs ont subi une chirurgie de l’obésité entre 2009 et 2013 d’après une étude de l’Assurance maladie, dont 114 opérations en 2013. Plus des deux tiers des mineurs opérés avaient une obésité dite morbide avec un indice de masse corporelle (IMC) compris entre 40 et 49 kg/m2. Un tiers était obèse avec un IMC compris entre 30 et 39 kg/m2.
Si trois techniques (anneau gastrique, bypass gastrique, gastrectomie partielle dite « sleeve ») peuvent être utilisées chez l’adolescent, les deux récentes études ont évalué les résultats à long terme d’une seule technique, le bypass gastrique qui consiste à court-circuiter une grande partie de l’estomac et de l’intestin. « Le bypass a l’avantage d’être réversible, la sleeve d’être techniquement plus facile, commente le Pr Tounian, dont l’équipe est la seule à réaliser la technique de bypass chez l’adolescent en France. L’anneau donne de mauvais résultats ».
Dans l’étude américaine menée chez 58 adolescents âgés de 13 à 21 ans, la chirurgie a permis à un an de faire passer l’IMC de 58,5 à 36 kg/m2. Après 8 ans de suivi en moyenne, leur IMC s’est stabilisé à 42, soit une perte de poids de 30 % (environ 50 kg) par rapport à leur poids avant l’intervention. Dans le même temps, le pourcentage des sujets diabétiques a diminué de 16 à 2 %, celui des hypertendus de 47 à 16 % et ceux ayant un cholestérol trop élevé de 86 à 38 %.
L’efficacité dans la seconde étude, menée chez 81 adolescents suédois à l’IMC moyen initial de 43, est comparable avec une perte de poids de 28 % (environ 37 kg, soit 13 points d’IMC) au bout de 5 ans. De la même façon, les cas d’hypertension artérielle, d’hypercholestérolémie ont diminué significativement avec même une quasi-disparition des cas de diabète. À l’inverse chez les 80 adolescents témoins non opérés, l’IMC n’a fait qu’augmenter.
Des risques à ne pas sous-estimer
La chirurgie de l’obésité n’est pas sans risques. « Cela reste une chirurgie lourde sur un terrain fragile, souligne Patrick Tounian. Des enfants sont réopérés, il peut y avoir des hypoglycémies rebelles, des cas de dénutrition, des calculs rénaux, mais pas davantage qu’à l’âge adulte ». Les deux études pointent du doigt des carences nutritionnelles fréquentes (vitamine B12, vitamine D, anémie), ce que les auteurs rapportent à une observance de la supplémentation particulièrement mauvaise à l’adolescence. Dans l’étude américaine, presque la moitié des adolescents avaient une anémie modérée et une hyperparathyroïdie ; dans l’étude suédoise, 72 % des sujets opérés présentaient au moins un type de carence nutritionnelle.
Les réinterventions abdominales (occlusions intestinales, calculs biliaires, perforation) ne sont pas rares, de l’ordre de 25 % dans l’étude suédoise. Des grossesses ont été rapportées dans l’étude américaine chez la moitié des filles (n = 17/37). « C’est une obligation médico-légale en France que les filles prennent une contraception au moins les deux années suivant l’intervention », souligne le spécialiste parisien. Dans la cohorte américaine, deux décès sont survenus, dont 1 des suites de la chirurgie. « Statistiquement, le risque de décès est de 1/200, précise Patrick Tounian. La chirurgie bariatrique n’est pas un acte anodin et doit être réservée à des centres spécialisés. Nos recommandations en France sont plus prudentes qu’au Canada, en Australie ou aux États-Unis ».
Le Dr Torsten Olbers, de l’université de Göteborg et premier auteur de l’étude suédoise, fait valoir que « si certains patients ont dû faire face à des complications, ceux qui n’ont pas été opérés continuent souvent à prendre du poids, ce qui entraîne des risques pour leur santé tout au long de leur vie ». Pour le Pr Tounian, un suivi à plus long terme est nécessaire. « Nous avons observé quelques cas d’échappement à plus long terme, déplore-t-il. Cela prendra peut-être plusieurs décennies, mais l’avenir sera au traitement pharmacologique avec la compréhension des mécanismes de l’obésité ».
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