UNE NOUVELLE HAUSSE du prix du tabac (20 centimes de plus pour les cigarettes, 50 centimes pour le tabac à rouler) vient d’entrer en vigueur, hissant le prix du paquet de cigarettes à des niveaux records compris entre 6,50 euros et 7 euros. Cette nouvelle augmentation impacte bien sûr la vente des produits du tabac qui, pour les cigarettes, chute de plus de 8 % en volume pour l’année 2013 (source OFDT*). Mais elle est loin d’être le seul facteur à intervenir dans un contexte qui connaît depuis plus d’un an des changements de grande envergure… Au nombre desquels figure la baisse importante des ventes de substituts nicotiniques et de traitements d’aide à l’arrêt au tabac. Presque 10 % (en mois de traitements) de régression sur ce marché. Même constat en ce qui concerne les demandes d’arrêt et les consultations en tabacologie. Une situation inédite que beaucoup expliquent par l’émergence de la cigarette électronique. Invention chinoise réalisée entre 2005 et 2010, ce dispositif, à l’aspect d’une cigarette, produit une fumée artificielle à partir d’un liquide qui peut être différemment aromatisée (tabac, fruits, plantes, cola, vanille…) et contenir ou non de la nicotine. Présenté comme une alternative moins nocive au tabac – mélange à base de propylène glycol considéré comme étant moins toxique que les 50 composants cancérigènes contenus dans une cigarette – et un moyen d’en réduire la consommation, il séduit un nombre croissant de « vapoteurs » estimé par l’Office français de prévention du tabagisme (OFT) à 1,5 million de personnes. Objet d’interrogations et de controverses, l’e-cigarette n’est cependant pas encore une menace réelle pour le marché du tabac, qui a généré l’an passé quelque 15 milliards d’euros et fédéré près de 15 millions de fumeurs. En revanche, elle est loin d’être sans effets sur le marché des substituts nicotiniques. Pour Sophie Ragot, en charge de la marque Niquitin chez GSK Santé Grand Public, la concurrence engendrée par l’e-cigarette est indéniable. Mais, selon la responsable marketing OTC, elle impacte en premier lieu le segment des dispositifs transdermiques, patchs et timbres. « Les patchs sont toujours les premiers à répercuter les tendances du marché. » On se souvient que, en 2011, le déremboursement du médicament Champix avait dynamisé les ventes de ce segment. Dans la même logique, c’est aussi la forme la plus concurrencée par la cigarette électronique. « Le patch reste le dispositif de référence pour les candidats au sevrage tabagique. C’est donc lui qui est touché en premier dès qu’un événement – lancement, tendance émergente – se produit. »
Les patchs en première ligne.
De fait, les ventes de timbres transdermiques ont enregistré l’an passé un recul de près de 18 % en volume (cumul fixe de janvier à novembre 2013), pour un segment qui se situe en seconde position sur le marché du sevrage tabagique avec 41 % des parts. « Le dernier trimestre 2013, les patchs ont enregistré leur plus forte baisse avec une chute de 35 % en volume. Seules les nouveautés sont, dans une certaine mesure, épargnées, tout comme les formes orales dont les ventes n’ont régressé que de 7 % ces derniers mois », poursuit Sophie Ragot. En effet, la baisse des ventes de comprimés, pastilles et gommes à mâcher s’est limitée à un peu plus de 5 % au cours de l’année (cumul fixe de janvier à novembre 2013). La liberté qu’offrent les formes orales dans le processus de sevrage, prises dès que l’envie de fumer se manifeste, leur confère peut être un statut privilégié dans l’esprit des fumeurs. En conséquence, la gamme Niquitin abrite des comprimés NiquitinMinis de petit format (1,5 mg, 4 mg) à dissolution rapide (10 minutes) et des comprimés de 2 mg et 4 mg à dissolution plus lente (30 minutes), le tout secondé de patchs transparents (7 mg/24H, 14 mg/24H, 21 mg/24H). D’autres laboratoires ont développé leur offre en matière de formes orales, comme Novartis Santé Familiale et sa gamme Nicotinell qui abrite des gommes à mâcher (2 mg, 4 mg) et des comprimés à sucer (1 mg, 2 mg) ainsi que des timbres en 3 dosages (7 mg/24H, 14 mg/24H, 21 mg/24H). Pierre Fabre Santé, pour sa part, a conçu ses pastilles Nicopass (1,5 mg – 2,5 mg) en fonction de trois indications : afin de pallier une abstinence temporaire quand une personne est contrainte à ne pas fumer dans les endroits où c’est interdit ; pour les fumeurs qui souhaitent réduire leur consommation en alternant cigarette classique et substitut ; pour tous ceux qui envisagent un arrêt définitif et peuvent se tourner vers les formes orales à haut dosage en nicotine. « Même si Nicopatch reste leader sur le segment des patchs, les formes transdermiques ont subi de plein fouet la concurrence de la cigarette électronique, explique Guillaume Randaxhe, responsable des marques Nicopass/Nicopatch. Elle a fait son apparition seule et brutalement sur le marché et, comme toutes les nouveautés sur ce marché, a rapidement capté l’intérêt des fumeurs et connu le succès que l’on sait. Mais elle n’est ni plus ni moins qu’une alternative à la cigarette classique en entretenant le geste et le plaisir de fumer sans avoir, jusqu’à preuve du contraire, la vocation d’aider à l’arrêt du tabac. »
Réaction.
L’e-cigarette pourrait même avoir des effets délétères, détournant toute une frange des fumeurs d’une démarche fondée sur l’utilisation de véritables substituts voués à éradiquer l’envie de fumer. Produit de « cigarettier » bénéficiant d’une forte médiatisation liée au potentiel de vente qu’elle représente, elle est étudiée pour séduire, y compris une population jeune, avec des arômes tendances. « On ne connaît pas encore ce produit et on ne sait pas quoi en penser. Il peut être considéré comme une première étape vers la substitution, mais on ne sait pas quels seront ses effets à long terme. Le peu d’études qui existent à son sujet sont partagées », ajoute Guillaume Randaxhe. Certaines, comme l’étude néo-zélandaise publiée par « The Lancet », tendent à montrer l’efficacité de l’e-cigarette dans le processus d’arrêt du tabac, d’autres dénoncent l’irritation bronchique et la tendance au développement de pneumopathies qu’elle peut engendrer. Elle est même évoquée dans le discours de certains tabacologues qui, par ailleurs, s’inquiètent de la baisse des consultations qu’ils observent.
Face à cette nouvelle donne, les laboratoires réagissent de différentes manières. GSK projette de mieux comprendre le comportement des vapoteurs afin de cerner le phénomène et travaille à développer la palette de ses substituts nicotiniques. L’innovation est déjà à l’ordre du jour chez Johnson & Johnson, qui présente sa dernière innovation en matière de traitement du sevrage tabagique sous la forme d’un spray buccal, Nicorettespray. Ce dispositif nomade délivre une dose de 1 mg de nicotine par pulvérisation sur la muqueuse buccale et entend répondre à tout type de dépendance. Le spray s’utilise aux moments habituels de consommation du tabac, à raison d’une à deux pulvérisation par prise, sans dépasser quatre pulvérisations par heure. Il vient compléter une gamme composée de patchs Nicoretteskin, de gommes à mâcher Nicorette (2 mg, 4 mg), de comprimés Microtab (2 mg) et d’un inhaleur (10 mg).
Si la cigarette électronique était reconnue comme un dispositif thérapeutique d’aide à l’arrêt du tabac, elle viendrait élargir encore l’offre déjà conséquente que présente l’officine en matière de médicaments de sevrage tabagique. Et constituerait pour le circuit pharmaceutique une manne non négligeable qui, dans le commerce (58 sites Internet, 239 boutiques spécialisées, 12 800 points de vente), pèserait annuellement près de 200 millions d’euros et progresserait de 15 % par mois.
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