Permettre aux exploitants agricoles d’exprimer leurs difficultés à toute heure du jour ou de la nuit à un psychologue. À l’instar des associations de soignants, de la caisse de retraite des médecins et de l’Ordre, la Mutualité sociale agricole (MSA), guichet unique de Sécurité sociale des agriculteurs français, a mis en place en 2014 Agri’Ecoute, un numéro* accessible sept jours sur sept et 24 heures/24.
La France comptabilise 5,6 millions de ressortissants au régime agricole au 1er janvier 2016. Le dispositif Agri’Ecoute a récemment été renforcé par la MSA face au mal-être grandissant de la profession, qui enregistre un taux de mort par suicide 20 à 30 % supérieur à celui de la population générale. Désormais, ce sont des psychologues cliniciens formée à la gestion du risque suicidaire qui prennent les appels à la place d’usagers bénévoles. Ils peuvent orienter les agriculteurs en détresse vers des cellules de prévention.
Preuve de sa nécessité, 300 appels de dix minutes en moyenne ont été comptabilisés mensuellement en 2017. « La longueur des appels prouve bien que les personnes au bout du fil sont en difficulté et ont des choses à dire », analyse le Dr Véronique Maeght-Lenormand, médecin du travail et conseillère technique à la MSA en charge des risques psychosociaux et de la prévention du suicide.
La MSA espère faire un bilan complet du numéro d’appel d’ici à six mois, notamment pour analyser les motifs des appels, qui mêlent souvent situation professionnelle et personnelle. « Il est parfois difficile de distinguer les deux. Par exemple, l’exploitant peut appeler à cause de la survenue d’une maladie, d’un handicap, mais derrière se pose très souvent la question de la transmission des terres », précise le Dr Maeght-Lenormand.
Les agriculteurs particulièrement touchés par les risques psychosociaux sont des hommes âgés de 45 à 64 ans et travaillant dans le secteur laitier et dans l’élevage de bovins. Cette vulnérabilité face au risque suicidaire est exacerbée par le fait que les agriculteurs ont à leur disposition de nombreux moyens létaux « comme le fusil de chasse, le tracteur, les produits chimiques, la cuve à lisier, explique la spécialiste de la santé au travail. Si à ce facteur s’ajoute un évènement grave comme une épidémie dans le cheptel, un deuil et une fragilité psychologique, le risque suicidaire devient fort. »
Reste que passer le premier coup de fil n’est pas simple. Comme dans le milieu médical, où le risque de burn-out est élevé, les exploitants agricoles ont du mal à admettre qu’ils vont mal et doivent être pris en charge. « Les gens de ce milieu sont des taiseux, ils ne veulent pas montrer leurs difficultés, ni se soumettre au regard du voisin, de la famille, et font de la résistance », explique le médecin du travail. La MSA s’appuie sur un réseau de « sentinelles », composé d’assurés, pour essayer de repérer les situations à risque, mais aussi sur les 320 médecins et 115 infirmiers du travail répartis dans les 35 caisses locales.
Mais les médecins du secteur agricole subissent eux aussi les effets de la désertification. « Les départs à la retraite ont laissé des postes vacants », regrette le Dr Maeght-Lenormand. Tandis que le mal-être des exploitants agricoles, lui, ne semble pas diminuer.
* 09.69.39.29.19.
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