Les mots du client
– « J’ai de plus en plus de mal à « me dérouiller le matin.
– J’ai mal dans plusieurs articulations à la fois.
– Mon médecin m’a dit que je dois lui signaler toutes les infections que je peux avoir un jour ou l’autre. »
Rappel physiopathologique
On considère aujourd’hui que la polyarthrite rhumatoïde (PR) a une origine multifactorielle, en rapport avec une réponse auto-immune sur un terrain génétique prédisposé (HLA DRB1-01 et DRB1-04), impliquant des facteurs hormonaux et environnementaux, comme le tabac.
La PR est le plus fréquent et le plus sévère sur le plan fonctionnel des rhumatismes inflammatoires chroniques. Elle toucherait environ 0,5 % de la population. Complexe, foncièrement évolutive et potentiellement grave, la PR débute le plus souvent entre 40 et 50 ans (mais elle peut aussi commencer dans la petite enfance), et atteint 4 femmes pour 1 homme avant l’âge de 65 ans. Elle est particulièrement invalidante dans 20 à 25 % des cas.
On définit plus précisément la PR comme une maladie inflammatoire polysynoviale (la membrane synoviale tapisse l’intérieur de chaque articulation et sécrète un liquide, la synovie, lubrifiant celle-ci), intéressant au moins trois articulations et évoluant depuis plus de six semaines et moins de six mois.
Inflammation des articulations.
Si la lésion initiale dénommée synovite (inflammation de la membrane synoviale) n’est pas endiguée par les traitements, celle-ci se propage au cartilage et à l’os ainsi qu’aux structures proches de l’articulation proprement dite, comme les tendons, conduisant à des destructions, un enraidissement, une ankylose et à des déformations plus ou moins prononcées des articulations.
Elle se caractérise donc fondamentalement par une inflammation des articulations et des tendons à l’origine de vives douleurs, notamment durant la nuit. L’évolution se fait par poussées successives, chacune causant des destructions articulaires plus ou moins importantes, suivies de phases d’accalmie (rémission), et par une aggravation progressive d’anciennes lésions et l’apparition de nouvelles.
Les articulations de la main et du poignet sont constamment affectées au cours de la PR (les genoux le sont très fréquemment aussi) et leur atteinte est la source principale du handicap fonctionnel de la maladie.
Mais la maladie a bien d’autres points d’impacts, articulaires et extra-articulaires : épaules (90 %), cheville, pied (dans 15 % des cas la PR commence par une atteinte des pieds et 80 % des patients finissent par souffrir des pieds), hanche (articulation coxo-fémorale), œil (syndrome sec), peau (nodules rhumatoïdes très caractéristiques, souvent au niveau des doigts - fermes, mobiles et parfois sensibles, vascularite cutanée), poumon (atteintes fréquentes, à type de pleurésie, de pneumopathie interstitielle ou de nodules pulmonaires), cœur (myocardite).
Facteur de risque cardio-vasculaire.
L’évolution spontanée comprend une polyarthrite chronique déformante et destructrice. En outre, la PR représente un facteur de risque de morbidité et mortalité cardio-vasculaire (très probablement en rapport avec l’état d’inflammation chronique qui caractérise la maladie) et les patients sont exposés à un faible sur risque carcinologique.
Enfin, la durée de vie de ces patients est actuellement réduite de 5 à 10 ans, l’accroissement de la mortalité étant liée essentiellement aux maladies cardiovasculaires, ainsi qu’aux infections et, pour une faible part, à une augmentation de l’incidence des hémopathies.
Les questions à l’officine
Mon médecin m’a dit que le fait que mes yeux me font mal est lié à ma polyarthrite, pourriez-vous m’expliquer ?
En effet, une sécheresse oculaire est un symptôme très fréquent au cours de la polyarthrite rhumatoïde, se traduisant par l’impression d’avoir du sable sous la paupière. Cela implique d’instiller régulièrement au cours de la journée un collyre de larmes artificielles. La possibilité de complications oculaires (pouvant avoir d’ailleurs éventuellement une autre origine que le syndrome de l’œil sec) impose un suivi ophtalmologique.
Signalons qu’à l’œil sec peut être associée une bouche sèche qui se matérialise par le besoin de boire en mangeant, par des aliments collés au palais et par une fréquence accrue de caries dentaires (d’où l’importance de visites régulières chez le chirurgien-dentiste).
Puis-je faire pratiquer sans risque n’importe quelles vaccinations ?
Tous les vaccins peuvent être administrés, sauf les vaccins vivants atténués en cours de traitement par une biothérapie. Il s’agit de la rougeole, des oreillons, de la fièvre jaune, du vaccin polio buvable et du BCG. Les vaccins antigrippal et antipneumococcique sont particulièrement recommandés, surtout avant la mise en route du traitement, pour permettre une réponse en anticorps suffisante.
Mon médecin m’a prescrit des piqûres d’Enbrel. Quelles précautions dois-je observer en ce qui concerne mon traitement ?
Le risque infectieux, dont les conséquences peuvent être redoutables, domine les effets indésirables des anti-TNF alpha ainsi d’ailleurs que les biothérapies en général, des produits par ailleurs globalement bien tolérés.
Il convient de faire précéder la mise en route du traitement par ces produits d’un bilan très soigneux à la recherche d’une infection même bénigne. Un panoramique dentaire doit être réalisé systématiquement ; il permet d’écarter le risque d’endocardite à partir d’une infection dentaire. Les éventuelles infections doivent être énergiquement traitées avant l’administration des anti-TNF alpha.
La survenue d’une infection, quelle qu’elle soit, impose l’arrêt immédiat de ces médicaments.
Il faut savoir qu’une tuberculose sous anti-TNF alpha peut être cliniquement très atypique, en raison du fait que les anti-TNF alpha modifient le terrain, et est potentiellement grave avec un risque élevé de décès.
Attention donc à des signes en apparence banaux mais qui doivent attirer l’attention, comme un amaigrissement modéré ou une fièvre peu élevée. Une consultation médicale s’impose alors sans délai.
Chez le médecin
Le diagnostic d’une PR débutante peut être difficile. Il repose sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et d’imagerie, et nécessite :
- De reconnaître un rhumatisme inflammatoire périphérique ;
- D’écarter les autres affections inflammatoires et notamment une spondylarthrite ankylosante ;
- D’évaluer le risque de développer un rhumatisme persistant et érosif.
Des arguments cliniques forts sont représentés par une raideur matinale (durant plus d’une heure, depuis au moins 6 semaines), un gonflement des parties molles de 3 articulations (dont les mains) simultanément depuis au moins 6 semaines, avec des atteintes bilatérales et symétriques.
Dans 20 % des cas, une polyarthrite aiguë fébrile est inaugurale. Les signes extra-articulaires (notamment les nodules rhumatoïdes, présents initialement dans 10 à 20 % des cas) sont rares au début, mais ne doivent pas être négligés.
L’imagerie est très précieuse (radiographie, IRM, échographie articulaire), tant pour le diagnostic que pour le suivi (imagerie comparative). Il faut se souvenir que la PR épargne toujours le rachis (sauf cervical), les articulations sacro-iliaques et interphalangiennes distales (situées entre la deuxième et la troisième phalange : celle qui porte l’ongle).
Les examens biologiques également. Les anticorps anti-CCP (anti-peptide citrulliné) sont des marqueurs précoces, sensibles (60 %) et spécifiques (97 %), présentant aussi un intérêt pronostique.
Le facteur rhumatoïde (un anticorps IgM anti-IgG) est intéressant mais beaucoup moins spécifique (il est également présent dans les connectivites, les infections et chez les sujets sains à partir de 65 ans).
On peut y ajouter la détermination de la vitesse de sédimentation et du taux de la CRP (protéine C réactive).
Bilan initial et suivi intègre également le score DAS 28 (détermination du degré d’activité de la maladie) et le HAQ (estimation du handicap fonctionnel).
Les traitements
La prise en charge de cette maladie chronique vise à soulager les symptômes, induire et maintenir une rémission (soit un DAS 28 inférieur à 2,6), maintenir ou restaurer un bon fonctionnement des articulations et prévenir l’invalidité, ainsi que les dommages de la maladie quelles que soient leurs localisations.
Il est essentiel d’expliquer au patient le mécanisme de la maladie, ses possibles modalités évolutives, l’efficacité des traitements, et donc l’importance liée à l’observance de la thérapeutique prescrite et à un suivi régulier toute sa vie durant.
Il est recommandé, dès le début de la prise en charge, de consigner les traitements et leurs éventuels effets indésirables dans un carnet dédié. Dans tous les cas il est fondamental de démarrer un traitement de fond intensif aussi rapidement que possible, car les phénomènes érosifs, destructifs des articulations peuvent être très dommageables dès la phase initiale.
Les médicaments.
Le traitement des poussées fait appel aux antalgiques des paliers I ou II (voire III en cure très courte dans les poussées hyperalgiques), aux AINS (en cure courte) et aux corticoïdes (par voie orale, intraveineuse ou en intra-articulaire).
Les traitements de fond (anti-inflammatoires/immunomodulateurs) sont essentiels, car ils ont un effet structural démontré ; leur emploi (à dose suffisante) vise à obtenir une rémission clinique, une amélioration clinique et radiologique.
Le traitement standard de première intention est représenté par le méthotrexate à faible dose.
La posologie initiale est de 10 mg une fois par semaine (en une ou deux prises), avec une augmentation progressive des doses (en fonction de l’IMC, de l’état rénal, de l’albuminémie - qui détermine la fraction libre, seule active - et de la tolérance), jusqu’à 25 mg par semaine. En cas d’intolérance digestive, on peut utiliser la voie sous-cutanée ou intramusculaire. Ce traitement est à associer à une prise d’acide folique (ou folinique), ou vitamine B9, (un autre jour de la semaine) pour limiter les effets indésirables, notamment digestifs et hématologiques.
En cas de contre-indication, on a recours au léflunomide (20 mg/j) ou à la sulfasalazine (1 g/j, augmentée ensuite à 2 à 3 g/j) ; voire à la ciclosporine ou à l’hydroxychloroquine.
En cas d’échec d’un traitement de fond (dont le méthotrexate, sauf s’il est contre-indiqué) de PR très active d’emblée, on peut recourir à une association de traitements de fond et/ou aux biothérapies (en associant toujours si possible du méthotrexate, sauf contre-indication). Certaines biothérapies seulement peuvent être utilisées en monothérapie.
La durée totale du traitement ne peut être déterminée a priori et dépend de l’évolution.
Il ne faut pas sous-estimer l’intérêt des traitements locaux : synoviorthèse (isotopique ou à l’acide osmique) et lavage articulaire (surtout pour le genou).
Important : le pied rhumatoïde doit faire l’objet d’autant d’attentions que le pied diabétique. Attention aux conséquences des déformations, aux lésions cutanées et aux risques infectieux. Sans oublier l’importance du contrôle des autres facteurs de risque, cardiovasculaires au premier chef.
La chirurgie.
La destruction articulaire amène souvent le patient vers le chirurgien. Il convient d’intervenir avant que les déformations ne soient irréversibles ou rendent difficile le geste chirurgical.
La synovectomie est la base des interventions conservatrice de la fonction articulaire naturelle. Le but est de réaliser une exérèse maximale de la synovite pathologique dont les productions agressent et détruisent le cartilage articulaire.
À un stade évolutif ultérieur, les interventions possibles vont « sacrifier » l’articulation, en réalisant une arthroplastie (remplacement de la tête humérale, par exemple) ou une arthrodèse (blocage définitif d’une articulation).
Les aides techniques.
Elles peuvent être très utiles dans la vie courante, comme :
- Aménager son lieu de vie en tenant compte de l’ankylose des mains : modification des portes, des verrous, robinets, des WC, de la salle de bains…
- Utiliser des objets adaptés : peignes et brosses à long manche, couverts de table à gros manches, crayons et stylos de fort diamètre…
- Remplacer les boutons sur les vêtements par des scratchs.
- Mettre des chaussures sans lacets.
- Association Française des Polyarthritiques (AFP) ; Tél. : 01 40 03 02 00 ; Site : www.polyarthrite.org
- Association Nationale de Défense contre l’Arthrite Rhumatoïde (ANDAR) ; Tél. : 04 67 88 53 12 ; Site : www.polyarthrite-andar.com
- Société Française de Rhumatologie; Site : www.rhumatologie.asso.fr
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques