LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE (PR) est une maladie inflammatoire auto-immune qui résulte très probablement d'une interaction entre un facteur d'environnement et un terrain génétique prédisposant.
On sait ainsi qu'il existe une association entre le tabagisme, des allèles d'épitopes partagés HLA-DRB1, le gène PTPN22, et la présence d'anticorps dirigés contre les peptides citrullinés cycliques (anticorps anti-CCP) chez les patients atteints de PR.
Étant donné l'observation de protéines citrullinées dans les poumons des fumeurs, l'équipe du Dr Karin Lundberg (Imperial College London, Royaume-Uni) avait proposé que le tabagisme, en présence d'allèles d'épitopes partagés HLA-DRB1, puisse déclencher une réponse immune vis-à-vis des protéines citrullinées (réponse anti-CCP) et conduire finalement au développement de la PR.
Toutefois, puisque le CCP est un peptide synthétique qui ne correspond à aucun peptide humain connu, il restait à savoir quelle était la réponse auto-immune spécifique dans cette interaction gène-environnement (ou quel était l'auto-antigène spécifique).
Dans leur nouvelle étude, Mahdi, Lundberg et coll. ont cherché à savoir si cette réponse auto-immune pouvait être dirigée contre l'alpha-enolase citrullinée.
L’alpha-énolase citrullinée.
L'alpha-énolase est une enzyme glycolytique et une auto-immunité dirigée contre la forme citrullinée de cette enzyme est spécifiquement décrite dans la PR.
En étudiant 1 500 patients atteints de PR (3 cohortes), les chercheurs ont pu détecter des anticorps dirigés contre l'épitope immunodominant de l'alpha-énolase citrullinée (anticorps anti-CEP1) chez environ 40 % des patients positifs pour les anticorps anti-CCP ; ce sous-groupe était préférentiellement lié aux allèles HLA-DRB1*04.
Enfin, dans une étude cas-témoins (1 000 cas de PR et 872 témoins), l'effet combiné de l'épitope partagé HLA-DRB1, du gène PTPN22 et du tabagisme montrait la plus forte association avec le sous-groupe ayant des anticorps anti-CEP-1 (OR = 37, comparé à un OR de 2 pour le sous-groupe anti-CEP1-négatif, anti-CCP-positif).
« Nous avons montré que des facteurs de risque bien connus de la PR (allèles d'épitope partagés HLA-DRB1, allèle 620W de PTPN22 et tabagisme) s'associent principalement au développement de la PR dans un sous-groupe spécifique de patients (environ 40 %), ceux ayant des anticorps dirigés contre l'alpha-énolase citrullinée (anti-CEP1-positif) », explique au « Quotidien » le Dr Lundberg. « Ainsi, ces gènes et le tabagisme ne sont pas des facteurs de risque pour la PR globalement, mais pour le développement de la PR CEP1-positive. »
« Nous savions jusqu'ici que ces facteurs de risque s'associaient à la PR anti-CCP-positive (patients porteurs d'anticorps contre les peptides citrullinés cycliques), mais pas avec la PR anti-CCP-négative. Toutefois, avec nos nouvelles données, nous savons que le groupe de patients affectés de PR CCP-positive peut être divisé en deux sous-groupes, CEP1-positif (40 %) et CEP1-négatif, et que ces gènes de susceptibilité et le tabagisme s'associent principalement au sous-groupe PR CEP-1-positif/CCP positif, et non au sous-groupe CEP-1-négatif / CCP-positif. »
Arrêt du tabac.
Plusieurs implications cliniques sont entrevues par le Dr Lundberg. « Ces résultats sug?gèrent que la PR n'est pas une maladie, mais une collection de maladies, caractérisées par des différences dans l'auto-immunité ainsi que dans les facteurs de risque génétiques et environnementaux. »
« À l'avenir, nous pourrions découvrir que ces sous-groupes répondent différemment aux traitements. Et nous disposons maintenant d'un test ELISA, utilisable en clinique, pour identifier le sous-groupe CEP-1-positif. »
« Des données préliminaires suggèrent aussi que ces anticorps anti-CEP-1 sont présents avant l'appa?rition clinique de la PR. Nous pourrions dès lors identifier les individus à haut risque de développer la PR au moyen d'un simple test sanguin (ELISA CEP-1), afin de les surveiller étroitement et de les traiter précocement. »
« Enfin, puisqu'il existe une forte interaction entre ces gènes et le tabagisme dans le développement de la PR CEP-1-positive, il faut souligner l'importance de l'arrêt du tabagisme, en particulier pour les individus à risque (patients affectés de PR et leur famille). »
Mahdi et coll., Raychaudhuri et coll., DOI: 10.1038/ng.480 DOI: 10.1038/ng.479
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