LA QUALITÉ du sperme est mesurée sur trois critères : la concentration (nombre de spermatozoïdes/ml), la mobilité (taux de spermatozoïdes mobiles) et la morphologie (pourcentage de formes normales). On sait depuis la première publication des résultats de l’étude menée par l’InVS (Institut de Veille Sanitaire) au début 2013, qu’il existe une dégradation de la qualité du sperme en France, observée entre les années 1989 et 2005.
« La puissance statistique du résultat est forte », commente le Dr Joëlle Le Moal (médecin épidémiologiste à l’InVS), qui a travaillé avec ses collègues à décrire le phénomène. D’abord l’étude a été menée en utilisant la base Fivnat, chez 26 609 hommes, tous partenaires de femmes stériles, ce qui permet de n’avoir aucun a priori sur leur fertilité, et donc de travailler sur un équivalent de la population générale.
Selon le premier résultat, la concentration du sperme a subi une baisse de l’ordre de 1,9 % par an pour atteindre environ un tiers en 2005. Le nombre des spermatozoïdes d’un homme de 35 ans est passé de 73,6 millions/ml en 1989 à 49,9 millions/ml en 2005. En revanche, la mobilité a montré une légère tendance à l’augmentation.
En Aquitaine et en Midi-Pyrénées surtout.
« Nous avions beaucoup de données. Nous avons ensuite regardé comment cette évolution se décrit en fonction des régions, dans un modèle spatio-temporel », explique le Dr Le Moal. L’étude régionale est maintenant publiée dans le journal « Reproduction »*. Ces derniers résultats montrent qu’aucune région n’est épargnée par la baisse de qualité du sperme, pour ce qui concerne la concentration et la morphologie.
Ils révèlent aussi qu’il existe une baisse plus marquée dans deux régions : le Midi-Pyrénées et l’Aquitaine.
Les causalités ont été recherchées. « Nous retenons plus particulièrement l’hypothèse environnementale dans la période de l’étude », commente l’épidémiologiste. L’Aquitaine et le Midi-Pyrénées ne font pas partie des régions où la consommation de tabac et d’alcool sont les plus élevées. Elles n’ont pas non plus de forts taux d’excès de poids.
Le rôle des pesticides évoqué.
La qualité du sperme a en effet été associée à l’usage du tabac et de l’alcool et à l’IMC. De plus, la période est trop courte pour attribuer cette dégradation à une influence génétique. Par contre, l’hypothèse du rôle des perturbateurs endocriniens est retenue par les auteurs, qui invoquent « une exposition globale ubiquitaire de la population générale depuis les années cinquante aux perturbateurs endocriniens, avec notamment certains pesticides ». Le Dr Moal cite le bisphénol A, les phtalates, le PCB, les dioxines, les antiseptiques au trichlosan. Et aussi les pesticides, dont on connaît les effets sur la reproduction. Ainsi que certains médicaments, dont le paracétamol et les AINS, qui ont aussi un effet de perturbateur endocrinien.
Les deux régions plus particulièrement touchées sont fortement agricoles. L’Aquitaine (viticole) est la première région française pour l’emploi dans le secteur agricole et le 2e pour le nombre d’exploitations. Le Midi-Pyrénées (viticole+arbres fruitiers) est la 1e pour le nombre des exploitations et la 2e pour la surface cultivée, expliquent les auteurs.
« Les activités viticoles sont celles où l’on utilise le plus de pesticides proportionnellement à la surface, indique le Dr Le Moal. Il est très important de surveiller la qualité du sperme au niveau international maintenant que l’on a des données de sa dégradation en France. » C’est pour cela que le réseau Hurgent (Human reproduction health and general environment) a été lancé par l’InVS fin 2013 au niveau européen.
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