LE PROBLÈME se pose depuis quelques années de façon récurrente. Certains traitements du VIH subissent des difficultés d’approvisionnement, en particulier à l’approche des vacances d’été. Le retard de livraison, qui peut durer plusieurs jours, pénalise surtout les pharmacies d’officine, en ville comme à la campagne. Réputées très actives, les associations de patients tirent une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Le collectif TRT-5*, qui regroupe une dizaine de structures de lutte contre le VIH, en appelle aux malades pour recueillir un maximum de témoignages. Objectif : interpeller les autorités et envisager des poursuites. Mais à qui la faute ? Tout d’abord, ces retards de livraisons ne sont pas liés à la production. Depuis 2007, les laboratoires ont obligation de déclarer à l’AFSSAPS** leurs difficultés de fabrication et de prévoir des solutions alternatives. Ce qui arrive très rarement, comme le confirme Fabienne Bartoli, directrice générale adjointe de l’agence. En fait, ce sont les quotas attribués aux différents groupes de répartition qui sont incriminés. Les stocks de médicaments affectés à la France sont limités, le reste de la production étant acheté par les autres pays, à des prix variables. Une étude Eurostat, publiée en 2007, établit que l’Allemagne achète les médicaments 28 % plus cher que la moyenne européenne, quand la Pologne achète 32 % moins cher et la France, 9 % moins cher. Le système des quotas doit éviter les importations parallèles vers les pays les plus offrants, par le biais des répartiteurs. « Cette politique ne facilite pas le bon approvisionnement des produits. C’est surtout une stratégie de consolidation de la marge du fabricant », estime Fabienne Bartoli.
Livraisons d’urgence.
Emmanuel Déchin, secrétaire général de la CSRP***, va plus loin. Il plaide pour la fin des quotas, et pas seulement sur les antirétroviraux. « Ils sont très gênants. La mise à disposition des produits est fonction des parts de marché globales de chaque répartiteur. Ces données datent de plusieurs mois, voire d’une année. Un répartiteur en phase de développement est forcément pénalisé », souligne t-il. Le représentant des grossistes ajoute que ces derniers n’ont pas intérêt à pratiquer un commerce parallèle, avec risque de ruptures, pour ne pas mécontenter leurs clients pharmaciens.
De leur côté, les laboratoires pointés du doigt plaident non coupable : la pratique des quotas est légale et validée par les autorités de la concurrence. « Ils permettent de s’assurer que l’ensemble des patients peuvent avoir accès aux médicaments », quel que soit le pays, assure Benoît Gallet, vice-président de Bristol-Myers Squibb (BMS). Le laboratoire précise qu’il produit un surplus d’antirétroviraux de 10 % par rapport aux besoins identifiés. Même discours chez Gilead Sciences. James Read, son directeur des affaires publiques, rappelle que « les répartiteurs peuvent commander les médicaments, même au-delà de leur allocation, dès lors qu’ils justifient de leur besoin pour approvisionner le marché français. » Aussi, pour limiter les risques de rupture de traitement, la plupart des fabricants ont mis en place une ligne téléphonique de commande directe pour les officines. C’est le cas d’Abbott et de BMS, qui indiquent que la livraison intervient sous 24 à 48 heures. « Y compris le week-end », précise Benoît Gallet. Gilead Sciences annonce la mise en place d’un dispositif d’urgence dès cet été.
Pas de stocks.
Pour sa part, la répartition indique que les retards dans l’approvisionnement restent « très exceptionnels ». Ils seraient liés à des besoins locaux accrus, alors que ces références à faible rotation sont regroupées au plan national. D’ailleurs, selon leur représentant, les répartiteurs adhérents à la CSRP n’ont jamais été mis en cause par l’AFSSAPS pour de tels problèmes d’approvisionnement.
En bout de chaîne, les officinaux se démènent pour que les patients ne soient pas pénalisés. En dehors du laboratoire, ils font appel à un confrère ou à un grossiste qui n’est pas le leur habituellement. Les patients sont également adressés aux pharmacies hospitalières, qui ne connaissent pas, en règle générale, ce genre de problème. La seule critique formulée à l’égard des officinaux par les associations est de ne pas constituer de stocks de médicaments. « On ne peut pas le leur reprocher, du fait du coût élevé de ces produits. En revanche, on pourrait reprocher au pharmacien de ne pas prendre de dispositions », estime Jean Lamarche, officinal et président de l’association Croix Verte et Ruban Rouge. Il faudrait en effet lister les ordonnances concernées et prévoir une commande quelques jours avant le retour du patient à l’officine. On peut alors le prévenir de la mise à disposition des médicaments, par exemple par mail. À la pharmacie du Village, dans le quartier parisien du Marais, Igor Dominguez connaît des retards de livraison d’antirétroviraux une à deux fois par mois. Il effectue un réassort chaque milieu de semaine, pour disposer de stocks suffisants au cours du week-end. Heureusement, en pratique, les patients sont très soucieux de leur traitement et anticipent le renouvellement de leur ordonnance.
** Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
*** Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique.
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