La maladie de Lyme suscite une inquiétude croissante dans une partie de la population française, attisée par la diffusion d’assertions sans fondement scientifique, notamment par la Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques.
Pour répondre aux interrogations de patients désorientés, un plan de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques a été lancé fin 2016 par le ministère des Affaires sociales et de la Santé. Ce plan prévoit l’élaboration d’un protocole national de diagnostic et de soins afin notamment de limiter l’errance des patients souffrant de symptômes chroniques, souvent subjectifs, qui ont été imputés à la maladie de Lyme sans aucune preuve.
L’Académie de médecine, alertée par les rumeurs diffusées par des groupes de pression, tient à préciser fermement la position exposée lors de sa séance du 20 septembre 2016*.
Elle rappelle d’abord l’existence de faits scientifiquement établis :
La maladie de Lyme est une maladie infectieuse due une bactérie du complexe Borrelia burgdorferi sensu lato transmise à l’homme par la morsure d’une tique infectée. Elle est individualisée sur le plan clinique par une évolution en trois phases : phase primaire de diffusion locale de la bactérie, phase secondaire de focalisation tissulaire, phase tertiaire où peuvent intervenir des phénomènes inflammatoires et dysimmunitaires, l’infection guérissant spontanément au stade primaire dans 70 à 80 % des cas. Le diagnostic de la borréliose de Lyme repose sur la clinique à la phase primaire puis, aux stades suivants, sur la clinique et la sérologie. La sérologie associe deux méthodes : des tests ELISA pour le dépistage, l’immuno-empreinte (Western blot) pour la confirmation. Les tests disponibles ont actuellement une sensibilité de 80 à 95 % et une spécificité qui dépasse 90 %. La sérologie est la plus utile en phase secondaire, avec des taux de positivité de 70 à 90 %. Les anticorps peuvent persister plusieurs années, même après un traitement efficace. L’antibiothérapie en phase primaire entraîne une guérison rapide et définitive. L’efficacité clinique du traitement est plus lente en phase secondaire et en phase tertiaire.
Elle souligne que certaines assertions n’ont pas de base scientifique
La « maladie de Lyme chronique », qui serait liée à la persistance de l’agent pathogène dans l’organisme pendant des années, repose sur l’hypothèse non scientifiquement démontrée d’une « crypto-infection » servant à justifier le recours à des traitements antibiotiques prolongés. L’attribution de symptômes mal définis, subjectifs (fatigue, crampes, douleurs musculaires, acouphènes, troubles du sommeil ou de l’humeur, pertes de mémoire, etc.) à cette « maladie de Lyme chronique » ne repose sur aucun élément de preuve. La calibration des tests Elisa est nécessaire pour limiter à 5 % le taux de faux positifs. Les responsables de laboratoires doivent résister à la demande de praticiens désinformés, soucieux de confirmer coûte que coûte, y compris par la modification des seuils de positivité des tests, leur diagnostic de « maladie de Lyme chronique » devant des tableaux cliniques indéterminés. L’efficacité revendiquée de traitements antibiotiques prolongés, parfois associés à des médicaments antiparasitaires, antifongiques ou anti-inflammatoires, ne repose sur aucune donnée expérimentale probante et ne s’appuie sur aucun essai clinique randomisé contrôlé. En revanche, de telles prescriptions sont dangereuses pour le malade, conséquentes pour l’écologie microbienne, risquées pour la santé publique et dispendieuses pour l’assurance-maladie.
Elle appelle les médecins à ne pas nourrir l’angoisse de patients désorientés en leur faisant miroiter le diagnostic de « maladie de Lyme chronique » et invite les pouvoirs publics à être attentifs à cette dérive. Au mépris de toute démarche scientifique et forts de leur seule intime conviction, des médecins, « Lyme doctors » autoproclamés, dont certains sont soumis à des liens d’intérêt, entretiennent l’inquiétude chez de nombreux malades en errance diagnostique et nourrissent leurs récriminations infondées en se faisant l’écho en Europe, notamment en France, de l’ILADS (International Lyme and Associated Diseases Society), association non reconnue par les instances officielles outre-Atlantique.
Face aux malades souffrant de symptômes chroniques non étiquetés et qui se sentent délaissés, les médecins ne doivent pas céder à la facilité du diagnostic de « maladie de Lyme chronique », ni les soumettre à des traitements prolongés, inutiles et dangereux. Ces malades doivent pouvoir bénéficier d’une prise en charge diagnostique multidisciplinaire. Le « Lyme » est une mauvaise réponse médicale à la question légitime d’un patient qui souffre. Le protocole national de diagnostic et de soins prévu par le plan de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques devra s’appuyer sur les faits scientifiquement établis et ne devra pas être influencé par des assertions aujourd’hui scientifiquement non fondées.
En conclusion, l’Académie de médecine :
- confirme la validité des recommandations nationales en vigueur émanant de la 16e Conférence de consensus du 13 décembre 2006 « Borréliose de Lyme : démarches diagnostiques, thérapeutiques et préventives » rappelées par le Haut conseil de la santé publique dans son rapport du 28 mars 2014 et met en garde contre toute sollicitation de révision scientifiquement infondée.
- met solennellement en garde les pouvoirs publics qui, afin de répondre à l’inquiétude des patients trompés par des groupes de pression, céderaient au chantage dont ils sont l’objet sans référence scientifique et porteraient ainsi une lourde responsabilité dans l’adoption de mesures inappropriées.
- désapprouve l’attitude des praticiens qui cèdent à la facilité trompeuse du diagnostic de « maladie de Lyme chronique » face à des patients en errance diagnostique.
- condamne sévèrement les campagnes de désinformation menées par des groupes de pression en quête de judiciarisation et de réparations financières d’un préjudice inexistant.
* Maladie de Lyme : prise de position de l’Académie nationale de médecine. Bull. Acad. Natle Méd. 2016 ; 200(7):1349-50.
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