Qualifiée de dysfonctionnement majeur par le ministre de l’Agriculture, la distribution auprès du grand public de produits Lactalis contaminés à la salmonelle soulève de nombreuses questions.
Le fabricant Lactalis est le premier à être incriminé. Alors que, le 2 décembre, douze lots de laits infantiles faisaient l’objet d’un rappel par les autorités sanitaires et que 620 autres étaient retirés de la vente, le groupe Lactalis a attendu le 21 décembre pour rappeler 720 lots supplémentaires et retirer du marché tous les produits infantiles et nutritionnels fabriqués ou conditionnés dans son usine de Craon, en Mayenne, depuis le 15 février 2017*. Entre-temps, une trentaine de nourrissons avaient été contaminés par Salmonella agona.
De quoi faire bouillir le ministre de l’Économie. Bruno Le Maire n’a pas de mots assez durs pour qualifier le fabricant qui s’est, selon lui, soustrait à ses obligations. « Une entreprise défaillante à laquelle j’ai dû me substituer en publiant le 9 décembre un arrêté de retraits des produits, faute de réponse satisfaisante de sa part », n’a-t-il pas hésité à déclarer.
44 officines contrôlées « positives »
Mais les distributeurs ne sont pas mis hors de cause pour autant. Alertés dès le 4 décembre, ils auraient dû soustraire à la vente les lots incriminés immédiatement, ou au plus tard le 21 décembre, date à laquelle Lactalis s’était résolu à communiquer plus abondamment, reconnaissant « qu’une contamination dispersée s'est installée dans son usine de Craon, suite à des travaux réalisés au cours du 1er semestre 2017 ».
Or, lors de la première semaine de janvier, des consommateurs constataient que des boîtes de ces laits se trouvaient encore en rayon de certains supermarchés. Pire même, certaines boîtes ont été vendues, preuve d’achats et cartes de fidélité à l’appui. Des révélations en cascade se sont poursuivies jusqu’au 10 janvier, signalant des faits similaires dans la plupart des enseignes de la grande distribution.
Parallèlement, la DGCCRF continuait de mener les investigations entamées le 26 décembre auprès des différents circuits de distribution. Le 11 janvier, Bruno Le Maire rend publics les conclusions de cette enquête. Sur les quelque 2 500 contrôles effectués dans les magasins, grandes surfaces, pharmacies, hôpitaux et crèches, 91 se sont avérés positifs. Parmi eux, 44 concernaient des officines « qui détenaient des boîtes de lait infantile qui auraient dû être retirées », révèle Bruno Le Maire.
La position du ministre de l’Économie est sans équivoque : « tous les procès-verbaux établis par la DGCCRF lors de ces contrôles seront transmis à la Justice ». Une onde de choc pour le réseau officinal qui pensait, jusqu'alors, avoir bien géré cette crise sanitaire. Mais la profession est désormais rattrapée, elle aussi, par le scandale. Le 12 janvier, la ministre de la Santé Agnès Buzyn s'étonne : « c'est incompréhensible et c'est totalement la responsabilité soit des établissements hospitaliers soit des pharmaciens ». Elle affirme qu'il y aura « des suites » : « une enquête est ouverte et nous verrons les responsabilités de chacun », indique-t-elle, notant les « peines graves encourues par certains acteurs ». Elle souligne cependant la responsabilité du fabricant, évoquant « une forme de résistance » dans les retraits de lots et observe que les trois rappels successifs ont « compliqué le traitement de l'information » par les distributeurs.
L’Ordre indigné
Le ministre de l’Économie qui a convoqué, à Bercy, les dirigeants des enseignes de la grande distribution et la direction de Lactalis a également joint le 11 janvier, la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP).
Si le nombre total d’officines visitées n’apparaît pas dans les chiffres de la DGCCRF, d’ores et déjà ces 44 officines contrôlées « positives » font tache dans le paysage officinal et soulève l'indignation de Carine Wolf-Thal, présidente du CNOP. Elle rappelle que les pharmaciens et les grossistes-répartiteurs ont reçu pas moins de 7 alertes entre le 4 et le 21 décembre. Celles-ci leur précisaient la liste des produits à retirer et les modalités de rappel. « Ces alertes apparaissent chez les 22 000 pharmaciens d’officine, dès réception sur les écrans des ordinateurs et bloquent leur fonctionnement jusqu’à la prise en compte du message », précise la présidente de l’Ordre.
Pour l'heure, la DGCCRF ne souhaite pas communiquer sur la méthodologie mise en œuvre, ni sur la nature des établissements contrôlés. Une deuxième vague de contrôles est prévue d’ici au 20 janvier. D’ores et déjà, prévient Carine Wolf-Thal « s’il s’avérait que certains pharmaciens avaient continué à délivrer des produits incriminés par les rappels, des procédures disciplinaires seraient immédiatement engagées ».
* Sont concernés les produits de marque Picot (poudres et céréales infantiles), Milumel (poudres et céréales infantiles) et Taranis (mélange d'acides aminés en poudre destinés au traitement de pathologies).
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