« C’EST LE PREMIER CAS de lymphome connu à ce jour avec les prothèses PIP, indique Jean-Claude Ghislain, directeur de l’évaluation des dispositifs médicaux à l’AFSSAPS. C’est un cas unique. » En mars 2010, l’AFSSAPS avait décidé la suspension de l’utilisation de ces prothèses, évoquant la possibilité d’un phénomène de suintement de ce gel de silicone frauduleux (non destiné à un usage médical). Le gel est reconnu comme ayant un pouvoir irritant et pouvant entraîner des réactions inflammatoires. Mais les « tests très approfondis » n’ont pas démontré « d’effets génotoxiques ». Selon Jean-Claude Ghislain, une évaluation est nécessaire pour « savoir s’il faut revenir sur cette conclusion ou pas, mais là, franchement, c’est totalement prématuré ».
Selon la direction de l’institut Paoli-Calmettes (Marseille), Edwige Ligoneche, 53 ans, serait morte « d’un lymphome avec antécédents de complication sur prothèse mammaire ». Ces complications étaient « des réactions prothétiques de type siliconomes ». La patiente s’était fait poser en 2005 des prothèses PIP, dont une a été remplacée un an plus tard, après s’être fissurée. En 2010, le chirurgien la recontacte suite à la mise en garde de l’AFSSAPS. « En février 2011, on lui a enlevé les deux prothèses, le silicone s’était transformé en siliconomes, impossibles à opérer », indique la sœur de la victime, Katia Colombo. L’inflammation a ensuite disparu, pour revenir en avril, où le lymphome a été diagnostiqué.
Selon Katia Colombo, qui a décidé de déposer plainte pour « homicide involontaire », le lien de cause à effet ne fait aucun doute : « L’inflammation au sein était très localisée, c’était l’endroit où la prothèse s’était fissurée. » Philippe Courtois, l’avocat de l’association des Porteuses de prothèses PIP (PPP) et de la famille d’Edwige Ligoneche, évoque notamment une lettre du cancérologue dans laquelle celui-ci écrit « clairement que le lymphome s’est développé au contact de la prothèse qu’elle portait ». Le cancérologue aurait en effet évoqué une étude de la FDA (agence américaine des médicaments) publiée début 2011 et concluant à un lien possible entre cette forme de cancer et les implants mammaires.
Pour le Dr Sébastien Garson, secrétaire général du Syndicat national de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique, il semble aujourd’hui impossible d’établir formellement un tel lien. « C’est un événement triste pour la patiente et sa famille. Mais, jusqu’à présent, aucun travail scientifique ne permet d’établir un lien de cause à effet », confirme-t-il au « Quotidien ».
Le nombre de femmes porteuses de prothèses PIP est évalué en France à 30 000. Mais une grande partie de la production de la société PIP a été exportée, notamment en Grande-Bretagne et en Espagne. « Vingt-sept cas ont été référencés dans le monde », indique le Dr Garson, en rappelant que des dizaines de millions de patientes ont reçu des implants de toutes sortes depuis les années 1970. « Le lymphome ALCL est extrêmement rare. On estime qu’il concerne 1 cas sur 1 million de femmes, porteuses ou non d’implants. En terme de santé publique, c’est nanométrique. Mais la discussion est ouverte », reconnaît le chirurgien.
Prise en charge.
En avril dernier, l’AFSSAPS, qui a réactivé son numéro Vert*, recommandait d’élargir la surveillance des femmes porteuses d’implants PIP aux zones gangliaires axillaires – via un examen clinique et une échographie tous les six mois – et suggérait d’envisager l’éventualité d’un retrait des prothèses « même sans signe de détérioration ». À cet effet, le Dr Dominique-Michel Courtois, médecin-expert de l’association PPP, qui doit être reçu le 14?décembre au ministère de la Santé « pour y exposer les faits et exiger des solutions adaptées », demande que soit créé « un fonds d’indemnisation d’urgence » pour permettre aux femmes porteuses de ces prothèses de les enlever. La secrétaire d’État à la Santé, Nora Berra, a confirmé aujourd’hui que les frais médicaux et chirurgicaux de ces 30 000 femmes étaient pris en charge par l’assurance-maladie. « L’explantation est prise en charge par l’assurance-maladie, c’est acté. De la même manière que la réimplantation dans le cadre de la reconstruction mammaire suite au cancer du sein », a-t-elle expliqué.
En attendant, le parquet de Marseille, qui a reçu plus de 2 000 plaintes, va ouvrir une information judiciaire pour « blessures et homicide involontaire ». L’entreprise varoise PIP devrait, par ailleurs, être jugée courant 2012.
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