PARU il y a quelques semaines, un livre retrace le parcours étonnant de ce pharmacien, grand cycliste et sportif accompli, qui consacre sa vie à redonner de l’espoir aux malades et aux aveugles. Après avoir, dans un premier temps, organisé différentes manifestations pour sensibiliser le public et recueillir des fonds contre les maladies rétiniennes, il s’est lancé, à partir de 2008, dans des opérations de plus grande envergure, dont un Paris-Pékin en tandem, puis une traversée du Brésil, et, l’an dernier, une nouvelle équipée vers la Chine, à travers ses montagnes.
S’il n’est, par définition, pas seul lorsqu’il voyage en tandem, il souhaitait pourtant tenter aussi une aventure en solitaire, et un institut de recherches lui en donna l’occasion en 2011 : il s’agissait pour lui d’effectuer, seul et à pieds, le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, en étant muni uniquement d’un GPS expérimental adapté aux aveugles. Parti le 3 juillet du Puy-en-Velay, il arriva, le 22 septembre, à Saint-Jacques, après avoir effectué tout le parcours français totalement seul. Il bénéficia toutefois, pour des raisons de balisage insuffisant, d’un accompagnement sur le parcours espagnol.
« Mais j’ai fait la démonstration que ce GPS peut aider les aveugles, et c’est cela l’important », explique aujourd’hui ce confrère, qui participe actuellement, pour les mêmes raisons, à un balisage GPS des sentiers pédestres en Alsace. « Au-delà de la collecte de fonds pour la recherche, je veux aider les aveugles à modifier leur propre image », poursuit-il : 90 % d’entre eux n’osent pas sortir de chez eux, comme s’ils avaient honte de leur handicap, alors qu’ils n’ont aucune raison de se cacher et de rester loin du monde, explique-t-il. Il rappelle que « le dépassement du handicap passe d’abord par son acceptation » : une fois qu’on l’a admis, il est beaucoup plus facile de s’appareiller et de s’adapter pour mener une vie normale, mais cette évolution est impossible tant qu’on reste dans le déni.
Fort de son expérience et de sa volonté, Gérard Muller est souvent invité à donner des conférences, qui sont de véritables leçons de vie, notamment dans des entreprises. Il garde aussi des liens étroits avec le monde de la pharmacie, en particulier avec le groupement Pharmavie, dont il fut responsable régional, et qui l’aide à mener ses projets.
Rédigé avec la complicité d’une auteure professionnelle, son livre « L’aveugle insensé qui voulait voir autrement »* retrace tout son combat, mais aussi sa vie quotidienne de pharmacien, dès l’époque où il fut progressivement forcé de changer de vie. Le livre aborde ainsi les difficultés croissantes du pharmacien à mener son activité quotidienne, au fur et à mesure que sa vue baisse. Il a longtemps tenu sa maladie secrète mais, ne voyant presque plus ses clients, il devait absolument les reconnaître à la voix, ce qui n’était pas toujours simple. Il se souvient d’une cliente qu’il tentait de regarder bien en face, en maintenant sa tête dans sa direction, comme s’il la voyait vraiment. Mais la cliente se sentit gênée par cette attitude et confia ensuite à ses proches : « Je n’aime pas quand le pharmacien me regarde, car il me déshabille du regard… » C’est aussi pour mettre fin à ce genre de malentendus que Gérard Muller décida, sur les conseils d’une association, de ne plus cacher sa déficience visuelle, y compris à ses clients.
Une émission télévisée, qui passera au printemps sur France 3, lui sera également consacré. D’ici là, Gérard Muller aura traversé le Burkina Faso en tandem, notamment pour aller à la rencontre des aveugles de ce pays d’Afrique. Tous les bénéfices du livre, disponible en librairie ou par mail à l’association « Yvoir » dont il est le président, seront reversés à l’Institut de la Vision créé par le Pr José Sahel, à l’hôpital des Quinze-Vingt, qui constitue l’un des plus grands centres mondiaux de recherche sur les maladies rétiniennes.
Le portrait de Gérard Muller est paru dans « Le Quotidien du Pharmacien » n° 2514, le 13 septembre 2007,
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