PRÈS D'UN AN après sa généralisation, le dossier pharmaceutique (DP) entre peu à peu dans les mentalités. Aujourd'hui, plus de 11 000 pharmacies en sont équipées. Selon une enquête menée en juin dernier par l'Institut Angus Reid*, une très grande majorité d'officinaux sont favorables à ce nouvel outil professionnel. En fait, ils n'en ont pas vraiment le choix, car son installation est obligatoire. Mais ils ont bien compris son intérêt, en premier lieu pour sécuriser la délivrance des médicaments. Plus de 90 % des pharmaciens considèrent que le DP valorise la profession et qu'il favorise l'insertion des officines dans le parcours de soins. Il est perçu comme une avancée majeure en santé publique pour la totalité des pharmaciens interrogés. À noter qu'un petit tiers d'entre eux considère le DP comme un moyen de fidéliser leur clientèle, ce qui n'est justement pas son rôle, même s'il est présenté comme un service offert par l'officine.
En pratique, les pharmaciens raccordés au DP sont globalement à l'aise avec son maniement (85 % des répondants). Bien sûr, il reste des difficultés, comme le manque de temps pour expliquer le principe du DP (souligné par deux pharmaciens sur trois). Cet inconvénient est renforcé par le déficit d'informations des clients (évoqué par un pharmacien sur deux). Aussi, pour leur mâcher un peu le travail, les deux tiers des pharmaciens sondés en appellent à une communication auprès du grand public. « Une grande campagne à la télévision coûte très cher. La campagne que nous allons mener, dès l'année prochaine, sera à la hauteur de nos moyens. À travers le DP, elle va mettre en avant la notion de réseau des pharmacies », indique Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.
Crainte sur la sécurité des données.
Cette campagne sera financée avec le soutien de la collectivité. Mais aussi sur les cagnottes de l'Ordre, qu'alimentent les pharmaciens. Le DP aura coûté à chacun d'eux la somme de 110 euros (hors dépenses de mise à jour du logiciel informatique). En retour, plus de 4 pharmaciens sur 10 souhaiteraient une rétribution pour ouvrir des DP. Une revendication que l'Ordre ne prend pas en considération.
Une campagne de communication est aussi souhaitée par la population. Selon une seconde enquête de la même société de sondage**, il y a un manque d'informations sur le DP au niveau du public. Seulement un tiers des Français connaissent son existence. Sans surprise, ce sont surtout les personnes âgées de plus de 60 ans, les patients en affection longue durée et les habitués de l'officine. Presque tous ont ouvert ou se disent prêts à ouvrir leur dossier pharmaceutique.
Selon les statistiques ordinales, il y a 5 millions de DP aujourd'hui activés en France métropolitaine et dans les DOM-TOM. Le rythme est de 18 000 nouveaux dossiers ouverts chaque jour, précise Isabelle Adenot. Elle estime que la population pourrait être totalement couverte d'ici 12 à 18 mois. Pourtant, seulement 10 % des sondés affirment que le pharmacien leur a proposé l'ouverture du DP. Elle est acceptée dans les deux tiers des cas. Avec une satisfaction unanime quant aux services rendus, même si du côté des patients aussi, il reste quelques freins. Ce sont surtout les craintes sur la sécurisation des données qui rebutent. À ce sujet, Isabelle Adenot est formelle : « l'Ordre ne fait pas de compromis sur ces questions de sécurité. En particulier, il n'y aura pas d'utilisation des données à des fins commerciales ». La méfiance est aussi de mise chez ceux qui ont activé un DP. Moins de la moitié d'entre eux acceptent que tous les médicaments achetés, avec ou sans ordonnance, y soient notifiés.
De nouvelles expérimentations.
Cette réserve peut aussi s'expliquer par le fait que, pour le grand public, un produit de médication officinale couramment utilisé n'est pas perçu comme un médicament avec un danger potentiel. D'ailleurs, le recours à la carte Vitale associerait davantage le DP à l'ordonnance et au dossier de tiers payant. Pour y voir plus clair, une étude de l'impact du DP sur les pratiques professionnelles va être réalisée. On saura alors si les officinaux se sentent investis de plus de responsabilités. « La jurisprudence a montré que, en cas d'iatrogénie, le pharmacien est censé connaître tous les médicaments pris par le patient. Sa responsabilité n'est pas accrue par le DP. Simplement, il a les moyens de mieux travailler », estime la présidente de l'Ordre. Isabelle Adenot annonce par ailleurs que deux expérimentations sont sur pied. L'une concerne la mise à disposition des données du DP aux pharmacies hospitalières, pour ce qui concerne les médicaments de la rétrocession. L'autre porte sur les possibles connexions entre DP et dossier médical personnel (DMP).
** L'enquête porte sur un échantillon national représentatif de 1 007 Français âgés de 18 à 65 ans, selon la méthode des quotas (sexe, âge, région et profession du chef de famille). Ces deux études intègrent l'interrogation approfondie de 70 individus.
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