LE SON NUMÉRIQUE serait-il plus délétère pour l’audition que le son analogique ? En d’autres termes, le mp3 fait-il plus ou moins de mal que le baladeur ? Une équipe belge de l’université de Gand, Hannah Keppler et coll. s’est posée la question. Elle n’a pas directement comparé les deux modes de lecture de musique, mais a bien constaté une atteinte auditive dans les suites immédiates de l’écoute d’un MP3.
La recherche était fondée sur deux constats. Le premier vient des États-Unis. Alors qu’en 1988 et 1994 une perte auditive avait été constatée chez les 6-19?ans, elle n’existait plus chez les 17-25 ans entre 1985 et 2004. Faut-il y voir un bénéfice des campagnes de prévention ou des durées d’exposition insuffisantes à la musique du baladeur ? Second constat, le niveau de sortie théorique d’un lecteur MP3, numérique donc, se situe entre 100 et 110,5 décibels (dBA) ou entre 101 et 107 dBA sur un simulateur d’oreille. Soit des niveaux dépassant déjà de 5 dB ceux d’un lecteur de CD portable (numérique).
Le travail a été mené auprès de 21 volontaires (11 hommes, 10 femmes) de 19 à 28 ans. Ils ont été comparés à autant de témoins. Ils ont écouté, à 6 reprises, pendant une heure un disque de pop rock sur un baladeur de type iPod. Entre chaque session, un repos de 48 heures était programmé. Deux modes d’audition étaient proposés, soit le casque à écouteurs (embouts dans l’oreille) de l’appareil, soit un casque traditionnel à arceau.
Des dispositifs électroniques ont permis de chiffrer le volume maximum délivré par le premier casque à 97,36 dBA et à 102,56 dBA pour le second. Des tests auditifs étaient réalisés avant et une heure après les écoutes, selon trois modes : audiométrie classique, otoémissions acoustiques évoquées par sons transitoires (OEAet) et OEA par produits de distorsion acoustique (OEApd).
Sur deux fréquences 250 et 8?000 Hz.
Une heure de MP3 provoque des modifications auditives par rapport à la période précédente. Le niveau d’audition est abaissé, des modifications d’amplitude sont retrouvées par OEAet. Ces différences, significatives, sont constatées à chaque reprise. En données chiffrées, l’audiométrie classique montre une baisse du seuil auditif sur deux fréquences 250 et 8 000 Hz. Quant aux OEAet, mesure plus objective, ellles montrent une baisse à 2 000 et 2 800 Hz (ce qui avait été déjà rapporté) ainsi qu’à 6 000 Hz.
L’absence de modification des tests par OEApd pourrait expliquer leur moindre aptitude à détecter les atteintes des cellules ciliées externes de la cochlée.
Ces modifications transitoires des seuils auditifs ne sont pas prédictives d’une atteinte permanente, conclut l’équipe. Mais leur côté répétitif fait du MP3, comme des autres baladeurs, un loisir avec risque d’exposition au bruit. Un risque qui demeure à évaluer sur le long terme.
n° 6 pp 538-548.
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