Les diverses espèces de bactéries commensales se livrent dans le nez à une compétition intense pour occuper l’espace et y capter le maximum de nutriments - en l’occurrence des glucides et des acides aminés -. Même s’il s’agit d’un milieu relativement pauvre au plan nutritif, la cavité nasale n’en héberge pas moins chez chaque individu une cinquantaine d’espèces de bactéries en moyenne. Parmi elles, S. aureus constitue un facteur étiologique reconnu d’infections nosocomiales sévères. Sa présence dans le nez reste cependant variable puisqu’il n’est isolé que chez quelque 30 % des sujets testés : cette observation épidémiologique a conduit l’équipe d’Andreas Peschel, bactériologiste à l’université de Tübingen, à s’impliquer dans l’écologie nasale, en suspectant qu’il était probable que d’autres germes inhibent localement le développement du staphylocoque doré chez les sujets qui n’en sont pas porteurs. Les microbiologistes sont parvenus à isoler du nez de nombreux sujets quelque 90 espèces bactériennes différentes. Ils ont observé, au vu d’études épidémiologiques en milieu hospitalier, que seulement 5,9 % des patients porteurs nasaux d’un cousin du staphylocoque doré, Staphylococcus lugdunensis, hébergeaient également S. aureus, une proportion s’élevant à 34,7 % chez ceux qui ne le portaient pas. De fait, Staphylococcus lugdunensis s’est révélé capable de tuer son cousin doré dans les milieux de culture testés. Mieux encore : il est apparu que l’une de ses variétés restait, elle, inactive à l’égard de S. aureus.
La lugdunine
Les analyses génétiques ont montré qu’elle était privée d’un gène codant, dans les souches agressives sur le staphylocoque doré, la production d’une substance antibiotique que les chercheurs allemands ont nommé lugdunine : elle inaugure une nouvelle classe d’antibiotiques. « Nous n’espérions absolument pas découvrir un tel antibiotique : nous étions simplement occupés à approfondir les connaissances sur l’écologie des fosses nasales et à voir comment le staphylocoque doré peut y déterminer des infections » explique Andreas Peschel. À l’image du milieu tellurique dont les germes ont permis la détection de nombreux antibiotiques, les fosses nasales constituent donc un biotope prometteur pour détecter de nouveaux médicaments anti-infectieux (toutefois, jusqu’à présent, le microbiome humain n’a produit que peu d’antibiotiques : citons la lactocilline extraite en 2014 de Lactobacillus gasseri, un hôte habituel du vagin).
La lugdunine s’est montrée active in vitro sur les souches de Staphylococcus aureus résistants à la méthicilline (SARM) et sur des souches d’entérocoques résistants à la vancomycine sans qu’aucune de ces souches ne développe de résistance qui lui soit spécifique. Testée sur un modèle murin d’infection cutanée, elle s’est aussi révélée efficace. Son mécanisme d’action n’est pas élucidé : il semble probable qu’elle agisse sur la membrane des germes. Reste à étudier désormais son impact sur les cellules eucaryotes et à voir si elle pourrait être utilisée par voie systémique. Reste aussi à rechercher dans notre microbiome d’autres antibiotiques, véritables outils de compétition écologique.
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