Le nombre de décès par mélanome dans le monde va augmenter jusqu’en 2030-2035 avant de décroître peu à peu, estiment des chercheurs de l’International Prevention Research Institute (iPRI) de Lyon.
Alors que les générations nées après 1960 sont moins à risque que leurs aînées, l’équipe dirigée par le Pr Philippe Autier fait la prévision que le nombre de décès ne repassera en-dessous du seuil actuel qu’à partir de 2050, en raison du vieillissement et de la croissance de la population.
Ces prévisions présentées le 29 janvier lors du congrès de l’European Cancer Organisation (ECCO) à Amsterdam sont un appel à des traitements anticancéreux moins chers et plus accessibles. L’arrivée des nouvelles thérapies efficaces dans le mélanome avancé est capable d’avancer la décroissance du nombre de décès avant 2030, annoncent les chercheurs dans un 2e scénario plus optimiste.
Des leviers à actionner
« Le dépistage cutané, via la détection précoce des cancers de la peau, n’affecte pas la mortalité par mélanome, et notre analyse le confirme, explique Philippe Autier. Donc les générations surexposées à de fortes doses d’UV restent à risque élevé d’avoir un mélanome agressif à un moment de leur vie. La bonne nouvelle, c’est que ce risque diminue rapidement avec la protection cutanée et que des traitements efficaces commencent à être disponibles. Mais il y a encore beaucoup de chemin à faire avant que l’on ait accès à des traitements abordables pour prolonger la survie du mélanome avancé de plusieurs années avec une qualité de vie décente ».
Comme l’a rappelé le Pr Autier, les sujets les plus à risque de décès par mélanome sont ceux nés entre 1900 et 1960, une époque doublement dangereuse en raison de la non-connaissance des effets délétères des rayons ultraviolets (UV) et la fausse croyance de la médecine d’alors sur les supposés bénéfices de l’exposition au soleil.
Les pots cassés de fausses croyances
« Ces croyances étaient confortées par les observations faites que le soleil et les UV pouvaient guérir certaines affections cutanées et le rachitisme, et également par la découverte de la vitamine D, développe Philippe Autier. C’était courant de traiter les bébés et les enfants d’âge scolaire avec des appareils à UV ou en les exposant au soleil, sans vêtement, en plein midi. Cette mode s’est éteinte dans les années 1960, avec l’arrivée de traitements efficaces, tels que les vaccins et les antibiotiques, et la population est devenue consciente que l’exposition au soleil et les coups de soleil pendant l’enfance sont des facteurs de risque forts de développer un cancer de la peau plus tard dans la vie ».
Pour estimer le nombre de décès prévisibles sur la période 2014-2050, l’équipe de l’iPRI a d’abord déterminé la responsabilité relative de plusieurs facteurs dans les cancers actuels à l’aide de modèles statistiques dans 3 pays phares, l’Australie, les États-Unis et la Suède. Il s’agit de l’âge, de l’année de naissance (avec prise en compte de l’exposition au soleil dans le jeune âge) ou encore l’introduction de nouveaux traitements.
La quasi totalité des décès après l'âge de 70 ans
À partir de là, les épidémiologistes ont établi deux scénarios : le premier basé sur l’hypothèse d’une absence de traitement efficace dans le mélanome et le second sur celle plus optimiste basée sur l’arrivée de thérapie efficace entraînant une réduction de 25 % des décès par mélanome à partir de 2015, en supposant que tous y aient accès.
Selon les travaux des chercheurs français, les baisses les plus rapides de la mortalité par mélanome, toutes catégories d’âge confondues, seront d’abord observées aux États-Unis, principalement chez les femmes, puis en Australie et ensuite en Suède.
« Au fil du temps, les décès par mélanome vont être de plus en plus rares chez les sujets de moins de 50 ans, et après 2050, presque tous les décès par mélanome surviendront après l’âge de 70 ans », note le Pr Autier.
Le Pr Peter Naredi, de l’université de Gothenburg (Suède) et président du congrès et de l’ECCO, salue le travail de l’équipe de Philippe Autier. « Le mélanome malin est l’un des cancers les plus fréquents, estime-t-il. Et nous avons essayé différents moyens pour sensibiliser à la protection et au diagnostic précoce. Si les prédictions se révèlent justes, la protection contre le soleil est l’un des meilleurs exemples de prévention primaire et cette étude prouve que tous les efforts pour protéger la population d’une exposition au soleil trop élevée valent le coup. »
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