Les mots du client
- « Puis-je prendre un médicament pour prévenir le paludisme car je suis hypertendu ?
- Est-il vraiment nécessaire de se protéger du paludisme si on reste dans une grande ville ou dans une station balnéaire ?
- Je suis enceinte, puis-je sans risque faire un voyage au Kenya ? »
Rappel physiopathologique
Quatre espèces de plasmodium (falciparum, vivax, ovale, malariae) (hématozoaires), sont à l’origine du paludisme, mais seule, le Plasmodium falciparum est mortel. Dans le cycle du parasite, l’homme est un hôte intermédiaire et le moustique, l’anophèle femelle, l’hôte définitif.
L’homme est le seul hôte réservoir.
Il existe aussi des formes rares de transmission, comme la transmission materno-fœtale (paludisme congénital) et à la suite d’une inoculation, à l’occasion, notamment, d’une transfusion sanguine ou d’une toxicomanie intraveineuse.
Introduits dans l’organisme, les parasites gagnent rapidement le foie (phase hépatique asymptomatique d’une durée d’une semaine pour Plasmodium falciparum) où ils se multiplient avant de commencer la phase des cycles érythrocytaires. C’est à partir de ces derniers que des parasites pourront être prélevés par un ou plusieurs moustiques pour pérenniser la chaîne de transmission. Les plasmodiums peuvent persister un temps plus ou moins long dans les cellules hépatiques (8 semaines pour falciparum, plusieurs mois ou années pour vivax et ovale), phénomène qui justifie la poursuite de la chimioprophylaxie après le retour et explique la répétition de crises tardives.
Les poussées de fièvre, surviennent au moment du cycle érythrocytaire lors de l’éclatement des cellules sanguines remplies de parasites et la libération de cytokines.
Les formes cliniques comprennent les accès palustres simples (accès de primo-invasion 7 à 14 jours après la piqûre infectante, mais pouvant être beaucoup plus long, notamment en cas de chimioprophylaxie inadéquate), le paludisme viscéral évolutif (infections palustres répétées), la fièvre bilieuse hémoglobinurique (fièvre élevée, urines couleur porto, choc, anémie aiguë, insuffisance rénale aiguë), les néphropathies palustres (néphropathies glomérulaires aiguës ou chroniques), et les accès palustres graves à Plasmodium falciparum (accès pernicieux, paludisme cérébral dit encore neuropaludisme, anémie grave, détresse respiratoire).
À savoir : des coïnfections sont possibles, par exemple à P. Falciparum et à P. Vivax.
Les questions à l’officine
Étant séropositif, puis-je néanmoins voyager dans un pays touché par le paludisme
?
Oui, mais en prenant des précautions particulières car les personnes dont l’immunité est déprimée sont exposées à un risque majoré de paludisme grave. La chimioprophylaxie doit, de préférence, être commencée bien avant le voyage car une réaction indésirable peut obliger à changer de protocole. L’aggravation de l’immunodépression liée au VIH peut entraîner des manifestations paludéennes plus sévères.
Attention aux possibles interactions médicamenteuses entre le traitement anti-VIH et les antipaludiques.
Au moindre signe évoquant un possible paludisme, il est essentiel de consulter sans délai un médecin.
Je pars faire un périple de plusieurs mois. Que dois-je faire si des crises surviennent tout de même en dépit du traitement préventif ?
Un grand principe est qu’il ne faut pas traiter un paludisme suspecté avec le ou les médicaments déjà utilisés pour la prophylaxie. Il peut être intéressant dans ce cas de prendre avec soi un traitement présomptif (ne pas l’acheter sur place en raison du risque très élevé de médicaments contrefaits dans les pays en voie de développement), en l’absence de possibilité de prise en charge médicale dans les 12 heures qui suivent l’apparition de symptômes évocateurs. Il peut s’agir, par exemple, de la prise de 4 comprimés par jour de Malarone en une prise, pendant 3 jours de suite.
On peut recommander au sujet de faire d’abord baisser la fièvre avec un antipyrétique avant d’absorber le traitement curatif afin de diminuer le risque de vomissement. Une nouvelle dose complète doit être prise en cas de vomissement dans la demi-heure qui suit et une demi-dose si le vomissement survient entre 30 et 60 minutes.
Dois-je obligatoirement suivre une prévention antipaludique pour un séjour de seulement quelques jours en zone à risque ?
Pas obligatoirement, mais sous certaines conditions. En effet, pour un séjour ne dépassant pas 7 jours, dans une zone de faible risque de transmission, un traitement préventif par médicament n’est pas indispensable, à condition de respecter scrupuleusement les règles de protection antimoustique et d’être en mesure, durant les mois qui suivent le retour, de consulter en urgence en cas de fièvre. De toute façon, cela ne dispense pas d’une consultation médicale dès que possible.
Chez le médecin
Avant de partir.
Le choix de la chimioprophylaxie doit naturellement être adapté à la zone de résistances de la ou les destinations du voyage. La répartition des zones de résistance de P. Falciparum indiquée pour chaque pays sur les cartes épidémiologiques habituelles doit être nuancée en fonction de la région visitée, des conditions du séjour et de la saison (qui détermine l’intensité de la transmission). Il faut tenir compte de l’âge du voyageur, de ses antécédents pathologiques, d’une grossesse en cours ou envisagée et de possibles interactions avec d’autres médicaments.
Dans les pays du groupe 1 la chloroquine-Nivaquine est utilisée. Dans ceux du groupe 2 on peut recourir à deux types d’associations, soit chloroquine + proguanil-Savarine, soit atovaquone + proguanil-Malarone. Enfin, ceux du groupe 3 bénéficient de la méfloquine-Lariam, de l’association atovaquone + proguanil-Malarone ou de la doxycycline en cas d’intolérance ou de contre-indication aux autres produits.
En cas de signes cliniques.
La période d’incubation du paludisme est d’au moins 7 jours. Une fièvre plus précoce n’est donc pas due au paludisme.
La majorité des accès palustres surviennent 2 à 3 semaines après le retour en France ; en règle générale dans les 2 premiers mois pour P. Falciparum (mais 3 % des accès à P. falciparum surviennent plus de 2 mois après le retour).
Toute fièvre au retour d’un pays d’endémie doit être considérée d’origine paludique, jusqu’à preuve du contraire. Mais, la fièvre palustre évoluant typiquement par pics, la fièvre peut donc être absente à certains moments.
L’interrogatoire est un moment clé du diagnostic, permettant d’identifier un séjour dans un pays d’endémie ou une situation à risque. La réalisation en urgence d’un frottis sanguin et l’examen d’une « goutte épaisse » permettent de confirmer le diagnostic en moins de 2 heures. Des tests biologiques sont également disponibles.
Le diagnostic différentiel doit éliminer notamment la dengue (fièvre + ictère + hémorragies), les fièvres hémorragiques (fièvre jaune, fièvre de Lassa, maladie de Marburg…), la chikungunya (arbovirus transmis par les moustiques femelles du genre Aèdes) et les troubles digestifs fébriles comme la typhoïde.
Les trois symptômes clés du paludisme sont représentés par : une fièvre élevée à 40 à 41 °C (mais il existe des formes apyrétiques : autotraitement incomplet, patient immun…), des céphalées et des myalgies. Peuvent s’y ajouter des troubles digestifs - diarrhées (attention aux diarrhées fébriles, très fréquentes chez l’enfant, à ne pas confondre avec une gastro-entérite) et surtout vomissements, une diarrhée, des sueurs très abondantes et des signes neuropsychiques.
Attention à ne pas confondre une crise de paludisme avec une grippe !
Un accès palustre typique dure de 1 à 3 heures. La fréquence des accès dépend de l’espèce responsable : P. Falciparum, vivax et ovale 1 jour sur 2 ou P. Malariae 1 jour sur 3.
Dans les formes graves, un coma peut survenir dans les 48 à 72 premières heures, même si le traitement est bien conduit ; l’évolution est imprévisible durant les 3 premiers jours.
En raison de la mortalité élevée d’un accès grave (10 à 15 %) il est essentiel de repérer au plus vite les signes de gravité, de mettre en route sans délai le traitement nécessaire, voire de faire transférer le patient en service de réanimation. Parmi les signes de gravité figurent des troubles (même minimes) de la conscience (somnolence), des convulsions, un choc, un œdème aigu du poumon, une hémoglobinurie (urines foncées), un ictère, un syndrome hémorragique, une hypoglycémie.
Une suspicion de paludisme implique la mise en route immédiate du traitement car des complications peuvent survenir très rapidement. C’est une urgence absolue.
Chimioprophylaxie et traitements
Il faut toujours associer à une chimioprophylaxie adaptée une protection contre les piqûres de moustiques, par répulsifs, insecticides, moustiquaire imprégnée. Qui aura aussi l’avantage de protéger contre d’autres maladies transmises par les moustiques.
En effet, une chimioprophylaxie n’est pas toujours efficace à 100 %.
Prévention.
- Chloroquine-Nivaquine : 1 comprimé à 100 mg tous les jours. La prise doit commencer la veille ou au plus tard le jour du départ et se prolonger 4 semaines après le retour.
- Chloroquine + proguanil-Savarine : 1 comprimé par jour, traitement poursuivi 4 semaines après le retour.
- Atovaquone + proguanil-Malarone : 1 comprimé par jour (toujours au cours d’un repas ou avec une boisson lactée pour favoriser l’absorption de l’atovaquone), administration à poursuivre une semaine après le retour (sujet de plus de 40 kg). La durée totale d’administration ne doit pas en principe dépasser 3 mois.
- Méfloquine-Lariam : 1 comprimé une fois par semaine (sans croquer et de préférence au cours d’un repas) pour une personne d’au moins 50 kg. Le traitement devra être commencé de préférence 10 jours avant le départ et poursuivi 3 semaines après le retour.
- Doxycycline-Doxypalu : 1 comprimé à 100 mg par jour (au milieu d’un repas avec un verre d’eau) en commençant la veille du départ et en poursuivant 4 semaines après le retour.
Tous ces produits, sauf la doxycycline, sont utilisables durant la grossesse et l’allaitement est possible après avis médical ; rappelons qu’il est néanmoins déconseillé aux femmes enceintes de se rendre dans les pays fortement impaludés, surtout s’il s’agit de zones de fortes résistances.
Ils sont également utilisables chez les personnes âgées, sous réserve d’adaptations posologiques pour tenir compte d’une éventuelle insuffisance rénale.
Traitements.
- Quinine (Quinimax) : per os chez l’adulte, 1 comprimé à 500 mg, 3 fois par jour, par voie IV (25 mg/kg/j) en cas de vomissements ; utilisable en cas de grossesse.
- Halofantrine : 25 mg/kg en 3 prises espacées de 6 heures, en dehors des repas et en évitant soigneusement les repas riches en graisses pendant le traitement ; 2e cure à demi-dose à j7.
- Méfloquine : 3 prises espacées de 8 heures ; soit chez l’adulte d’abord 3 comprimés, puis 2 comprimés et enfin 1 comprimé. Les comprimés ne doivent pas être croqués.
- Atovaquone + proguanil : 4 comprimés en 1 prise à renouveler 2 fois à 24 heures d’intervalle au cours d’un repas.
- Sulfadoxine-pyriméthamine : 2 à 3 comprimés (sans croquer) en 1 seule prise.
La doxycycline peut être associée à la quinine dans certaines zones forestières d’Asie du Sud-est et d’Amazonie où sévissent des souches de P. Falciparum résistantes à la quinine.
Cas particulier
Femme enceinte.
La doxycycline est déconseillée au cours du premier trimestre et contre-indiquée à partir du deuxième trimestre en raison d’un risque de coloration des dents de lait du nourrisson.
Le voyage d’une femme enceinte en zone d’endémie palustre est peu conseillé et très déconseillé s’il s’agit d’un pays du groupe 3 dans une zone de forte transmission et de multirésistances.
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Françoise Amouroux
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