Cas de comptoir
Le contexte
De temps en temps, je suis réveillé la nuit par des remontées acides désagréables qui me donnent mal à la gorge. Les mêmes symptômes apparaissent parfois en journée, mais moins souvent.
Les questions à poser
À quelle fréquence en souffrez-vous ? Le reflux est-il plus important dans certaines positions ? Est-il plus important après les repas ? Avez-vous d’autres symptômes ? Avez-vous mangé des aliments différents de d’habitude (épices, chocolat…) ? Êtes-vous stressé ?
Quelques définitions
Le reflux gastro-œsophagien (RGO) correspond à un dysfonctionnement du sphincter inférieur de l’œsophage, responsable du passage à travers le cardia d’une partie du contenu gastrique. Il se manifeste de façon classique par des régurgitations acides ou un pyrosis. Parfois, les signes sont atypiques car extra-digestifs. Ils se manifestent par une toux chronique, sèche et quinteuse, un enrouement, une gorge irritée, des nausées, une dysphagie, des éructations, un hoquet, un asthme, des douleurs thoraciques pseudo-angineuses, une perturbation du sommeil, des lésions dentaires ou gingivites. Une personne sur trois souffrirait de RGO.
Le pyrosis est une sensation de brûlure rétrosternale ascendante, caractéristique du RGO.
Les régurgitations acides sont des remontées de liquide aigre jusqu’au niveau pharyngé.
L’œsophagite est une complication du RGO. Elle correspond à une ulcération de la muqueuse de l’œsophage.
La sténose correspond à un rétrécissement du diamètre du bas de l’œsophage. C’est une complication de l’œsophagite.
L’endobrachyœsophage correspond à une complication d’un RGO prolongé : les lésions œsophagiques cicatrisent anormalement. L’épithélium malpighien de l’œsophage s’apparente progressivement à un épithélium glandulaire de l’estomac. On l’appelle également muqueuse de Barrett. Il augmente le risque d’adénocarcinome du bas œsophage. Il est plus fréquent chez l’homme et après quarante ans.
Un peu de physiopathologie
En temps normal, le sphincter inférieur de l’œsophage joue son rôle de valve antireflux : il laisse passer les aliments mais empêche le contenu gastrique de remonter vers l’œsophage. Un reflux peut être physiologique tant qu’il intervient ponctuellement et principalement après les repas. L’œsophage bénéficie de mécanismes de défense incluant un péristaltisme œsophagien et un tamponnement du reflux acide via la salive déglutie riche en mucus et bicarbonates. Le RGO devient pathologique dès lors qu’il se complique ou affecte la qualité de vie du malade.
Plusieurs facteurs interviennent dans la physiopathologie du RGO. La distension gastrique peut déclencher un réflexe vasovagal lui-même à l’origine du relâchement du sphincter inférieur de l’œsophage. La présence d’une hernie hiatale, c’est-à-dire le passage permanent ou intermittent d’une partie de l’estomac à travers l’hiatus œsophagien du diaphragme, favorise également un fonctionnement anormal du sphincter inférieur de l’œsophage. Les symptômes extradigestifs du RGO sont dus à un réflexe à médiation vagale à point de départ œsophagien. Dans les complications d’un RGO, les signaux d’alarme sont par exemple l’amaigrissement, l’hémorragie digestive, l’anémie, la dysphagie, les vomissements.
Le reflux est plus important en postprandial mais dépend aussi des positions adoptées : en position allongée la nuit ou en antéflexion lors d’activités quotidiennes (jardinage, laçage des chaussures…). Les symptômes peuvent durer de quelques minutes à quelques heures.
À l’origine du RGO, sont évoqués des facteurs génétiques, l’obésité, la consommation de tabac, de café et d’alcool, certains médicaments tels que les anticholinergiques, les dérivés nitrés, les inhibiteurs calciques.
Chez le nourrisson, le reflux gastro-œsophagien est le plus souvent physiologique. Il se manifeste principalement par des régurgitations. Celles-ci, contrairement aux régurgitations physiologiques du rot postprandial, surviennent sans effort et sont accentuées par les changements de position. On estime ces symptômes présents chez environ deux tiers des nourrissons de 4-5 mois, puis ils diminuent pour toucher un quart des nourrissons de 6-7 mois et 5 % à 12 mois. Le RGO peut être dû à une baisse du tonus basal ou à des relaxations transitoires inappropriées du sphincter. La position allongée majoritaire dans la journée, une alimentation liquide et l’absence de mastication, qui amène à une moindre production de salive protectrice, sont aussi des phénomènes influençant le RGO.
Les mots du conseil
Est-ce que je dois consulter ?
Lorsque les symptômes sont typiques, ponctuels, sans signe d’alarme chez la personne de moins de 50 ans, il est possible de conseiller un médicament. En revanche, les personnes de plus de 50 ans ou les personnes de moins de 50 ans qui souffrent de signes atypiques, alarmants, ou récurrents, ou qui présentent des antécédents de type ulcère, seront prises en charge médicalement et soumis à des examens complémentaires.
Chez le nourrisson et l’enfant, une consultation s’impose.
Le médecin m’a parlé de fibroscopie, de quoi s’agit-il ?
La fibroscopie consiste à introduire par la bouche un tube souple muni d’une caméra à l’extrémité. Elle permet de repérer des lésions de l’œsophage et d’en mesurer la gravité, mais aussi d’écarter d’autres diagnostics tels qu’ulcère, gastrite, ou cancer gastrique, et de rechercher une hernie hiatale qui peut favoriser le reflux. En pratique, cet examen est réalisé à jeun, parfois sous anesthésie locale ou générale. L’examen peut être désagréable mais pas douloureux.
En quoi consiste la pH-métrie que mon enfant va subir ?
Le plus souvent, le diagnostic de RGO est clinique. Toutefois, dans les cas où la clinique n’est pas évocatrice, une pH-métrie de longue durée peut être effectuée : une sonde est introduite au niveau de l’œsophage pour évaluer grâce à un capteur les variations de pH qui marquent un épisode de reflux acide. Une endoscopie peut aussi être réalisée, en particulier en cas de suspicion d’œsophagite.
On vient de me diagnostiquer un RGO. Cela peut-il dégénérer en cancer ?
Un reflux gastro-œsophagien sévère est susceptible d’engendrer un endobrachyœsophage. Celui-ci peut constituer un état précancéreux susceptible de se développer en adénocarcinome malin. L’adénocarcinome reste un cancer rare même si son incidence est en augmentation dans les pays de niveau socio-économique élevé.
Que dois-je supprimer de mon alimentation ?
Si les mesures alimentaires ont un impact faible sur les symptômes, il est tout de même recommandé de repérer les aliments déclencheurs et de les éviter. Ce sont principalement les graisses, les épices, les boissons gazeuses, la menthe, le chocolat, le thé, certains agrumes. Conseillez également de fractionner les repas : mieux vaut plus de repas avec des petites quantités que moins de repas avec de grosses quantités. Outre ce régime exempt de facteurs déclencheurs, un régime amaigrissant chez les personnes en surpoids est recommandé. En effet, la graisse abdominale, par appui mécanique, peut provoquer des remontées acides.
Chez le nourrisson.
Attention à ne pas augmenter les quantités alimentaires sous prétexte que plus il régurgite, plus il réclame. Cela ne ferait qu’entretenir le RGO. Éviter de lui donner des fruits ou jus de fruits trop acides. Le RGO du nourrisson inquiète beaucoup les parents : penser à les rassurer en leur expliquant que ces régurgitations sont fréquentes, la plupart du temps sans conséquences, et disparaissent spontanément avec l’âge.
Quelques gestes auxquels penser.
Le RGO étant plus important après les repas, il est conseillé d’éviter de faire des efforts trop brusques et de s’allonger dans les heures qui suivent ces repas. Il semble préférable d’attendre trois heures pour se coucher après le repas du soir.
Certains réflexes sont à acquérir : éviter de se pencher en avant lorsque le RGO est majoré en antéflexion, reporter les activités qui nécessitent d’incliner le buste vers le bas. Éviter de porter des vêtements ou ceintures trop serrés au niveau de l’abdomen. Surélever la tête du lit de 15 à 20 cm permet d’éviter le reflux la nuit. Une plainte de RGO est aussi l’occasion de rappeler les méfaits du tabac, de l’alcool et du stress.
Les produits conseils
Les antiacides (sels d’aluminium, de magnésium ou de calcium) atténuent localement l’acidité de l’estomac par effet tampon et par neutralisation de l’acide chlorhydrique. Ils présentent l’avantage d’agir rapidement et peuvent donc être consommés au moment des douleurs ou juste avant le coucher, mais ils n’agissent que pendant un laps de temps limité. Les précautions particulières à respecter sont le délai de deux heures au moins entre la prise d’un antiacide et celle d’un autre médicament. En effet, l’antiacide peut, par son mécanisme d’action, empêcher l’absorption d’autres médicaments. Tenir compte également de l’effet laxatif du magnésium et de l’effet constipant de l’aluminium.
Les alginates forment un gel visqueux surnageant à la surface du contenu gastrique. Cette barrière mécanique empêche le reflux. Ils se prennent après les repas et agissent presque immédiatement. Comme les antiacides, ils peuvent interagir avec d’autres médicaments, ce qui contraint donc à respecter un intervalle de deux heures au moins entre leur prise et celle des autres médicaments.
Les anti-H2 sont des antagonistes des récepteurs H2 à l’histamine. Ils inhibent la sécrétion acide en se fixant de façon compétitive sur les récepteurs de la cellule pariétale gastrique. Agissant rapidement, ils se prennent au moment de la crise, avant un repas ou au coucher. Ils sont bien tolérés mais attention aux interactions médicamenteuses et au phénomène de tolérance pharmacodynamique. Famotidine et cimétidine sont les deux représentants de la famille qui peuvent être conseillés à l’officine.
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) agissent en inhibant la pompe H+/K+ATPase. Leur efficacité a été éprouvée avec succès par la prescription. Seul le pantoprazole 20 mg est disponible sans ordonnance. Contrairement aux traitements précédents, il ne représente pas un traitement à prendre à la demande au moment d’une crise. Son délai d’action peut aller jusqu’à 24 heures ou plus. Il convient de respecter le même horaire de prise pendant quelques jours. Il peut être associé à un antiacide ou à un alginate si nécessaire, en attendant qu’il produise son effet.
Chez le nourrisson, les laits épaissis à base de caroube ou d’amidon (laits « confort » ou « AR ») ou les épaississants classiques tels que Gélopectose ou Gumilk permettent de réduire la fréquence des régurgitations. Cependant, des études sur le pH ont démontré qu’ils n’agissent pas sur le RGO en lui-même.
Pour information, figurent sur la liste des médicaments en libre accès Gavisconell, Maalox, Pepcidac, Pepcidduo, Rennie.
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