ENVIRONS 10 % des femmes en âge de procréer sont à risque de dépression, qu’elle soit sévère ou moins sévère. Si la dépression elle-même est associée à un risque d’accouchement prématuré et à un risque pour le développement du fœtus, les risques associés à la prise d’antidépresseurs restent flous et controversés.
En France, les ISRS ne sont pas contre-indiqués pendant la grossesse, mais une certaine prudence est recommandée. Par exemple, la fluoxétine, « ne doit pas être utilisée pendant la grossesse ou en cas d’allaitement, sauf si le médecin estime que les risques de ne pas l’employer dépassent ceux liés à son emploi », indique l’ANSM. Le RCP (résumé des caractéristiques du produit) de la paroxétine a également été modifié dans ce sens, en 2006.
Une vaste étude américaine confirme le risque, pointant du doigt deux ISRS : la fluoxétine, qui, selon les auteurs, est associée à un accroissement des malformations de la paroi ventriculaire et des malformations du crâne (craniosynostose), et la paroxétine, associée selon eux à des malformations telles que l’anencéphalie, la communication interauriculaire, la malformation du septum ventriculaire et l’omphalocèle (protrusion intestinale à travers la paroi abdominale).
Aucune association pour 3 ISRS.
Pour ces travaux, les chercheurs, basés aux États-Unis et au Canada, ont combiné les résultats d’études « indépendantes » dans la littérature, avec les éléments d’une vaste base de donnée américaine. Ils ont ainsi étudié presque 18 000 mères d’enfants avec des anomalies congénitales, et 10 000 mères d’enfants sans malformation, nés entre 1997 et 2009. Dans cette population, les épidémiologistes ont analysé quelles femmes avaient été traitées par un de cinq ISRS au cours du premier trimestre de grossesse : citalopram, escitalopram, fluoxétine, paroxétine ou sertraline.
La sertraline était de loin l’ISRS le plus utilisé (40 %) chez les femmes dont les enfants ne présentaient pas de malformation, selon les auteurs. Ces derniers penchent donc en faveur de son utilisation si nécessaire.
Ils n’ont trouvé aucune association entre la prise de citalopram ou d’escitalopram et certaines malformations mentionnées dans des études précédentes. Les seules malformations observées étaient associées à la prise de fluoxétine et de paroxétine. Cependant, les auteurs s’empressent de remarquer que le risque absolu reste particulièrement faible. Il est de 7 pour 10 000 pour le risque de développer une anencéphalie suite à la prise de paroxétine pendant les premiers mois de grossesse, contre 2 pour 10 000 en population générale.
Pas de changement en vue de la pratique en France.
Pour le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre au CHU Henri Mondor, à Paris, les résultats ne remettent pas en cause les pratiques en France. « Même si ces résultats devaient se confirmer, on reste quand même sur des fréquences très basses. De manière générale, on est plutôt rassuré par l’utilisation d’antidépresseurs pendant la grossesse. Il y a eu d’autres résultats similaires, pour d’autres produits, mais il faudrait qu’il y ait un faisceau d’arguments, avec un niveau de gravité vraiment bien établi, pour arriver à des recommandations plus restrictives, juge-t-il. Par contre ça vient justifier que l’on prenne des précautions, qu’on ne les utilise pas de manière irraisonnée. Mais on n’est pas du tout dans la situation d’un médicament fortement contre-indiqué ».
Le Dr Anne Laure Sutter-Dallay, responsable du réseau de psychiatrie périnatale à l’Université de Bordeaux, abonde dans ce sens : « S’il y a une polémique sur l’innocuité ou non des ISRS, il me semble qu’on est tous d’accord dans la pratique pour dire que si une femme a besoin d’un antidépresseur, elle doit le recevoir. L’ennemi c’est la maladie, par le médicament, et il faut que la patiente puisse rester stable, éviter à tout prix les rechutes, qui sont beaucoup plus difficiles à récupérer ».
La spécialiste met cependant en garde contre une banalisation croissante des antidépresseurs. « Il y a souvent tendance à banaliser, que ce soit les psychiatres ou les généralistes, ils ne sont pas paniqués par la prescription d’antidépresseurs. Le mieux ce serait quand même que les psychiatres informent les patientes en anté-conceptionnel. Si traitement il y a, la patiente enceinte doit être traitée par des équipes qui connaissent bien la problématique, que le choix soit fait en fonction des dernières connaissances en date, et dans un cadre multidisciplinaire, en collaboration avec les obstétriciens, les pédiatres ».
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