« NOS RÉSULTATS révèlent une nouvelle voie par laquelle la maladie d’Alzheimer pourrait causer les pertes de mémoire dans les années tardives de la vie. Cette découverte offre un espoir : le sommeil pourrait devenir une nouvelle cible thérapeutique pour lutter contre les troubles de la mémoire chez les sujets âgés et chez ceux atteints de démence », souligne le Pr Matthew Walker, neurochercheur à l’université de Californie à Berkeley.
Les dépôts de bêta-amyloïde dans le cortex et de protéines tau dans l’hippocampe sont impliqués dans les troubles de la mémoire des patients atteints de la maladie d’Alzheimer ainsi que des sujets âgés sains. Tandis que la pathologie tau affecterait la mémoire à travers la dégénérescence des synapses hippocampiques, les mécanismes restent incertains pour la protéine bêta-amyloïde.
On sait que l’accumulation de bêta-amyloïde dans le vieil âge et la maladie d’Alzheimer débute et prédomine dans le cortex préfrontal médian (mPFC). Or cette région cérébrale génère les ondes lentes du sommeil profond réparateur. De plus, une précédente étude de Walker a montré que les ondes lentes du sommeil profond aident à transporter les traces mnésiques de leur stockage temporaire dans l’hippocampe, à leur lieu de stockage à long-terme dans le cortex préfrontal.
Dès lors, la protéine bêta-amyloïde pourrait-elle contribuer aux troubles de la mémoire à travers sa perturbation du sommeil lent ?
Rompre la chaîne causale.
Une étude de Mander, Walker et coll. (Université de Berkeley), publiée dans « Nature Neuroscience », le suggère fortement. Ils ont exploré comment la quantité de bêta-amyloïde dans le mPFC (mesurée par PET Scan) perturbe le sommeil lent profond, lequel favorise la consolidation de la mémoire épisodique.
Les 26 sujets âgés (65 à 81 ans) sans troubles cohnitifs ont subi un PET Scan cérébral. Puis, ils ont dû mémoriser 120 paires de mots et ont subi un test de performance. Ces participants ont alors dormi pendant 8 heures, durant lesquelles un EEG mesurait les ondes cérébrales. Le lendemain matin, leur activité cérébrale était étudiée par IRMf tandis qu’ils se rappelaient les paires de mot mémorisées.
Les résultats montrent que plus les taux de bêta-amyloïde sont élevés dans le mPFC, plus les ondes lentes sont diminuées et donc plus court est le sommeil profond. De plus, la diminution des ondes lentes est associée à un défaut de consolidation des traces mnésiques au cours du sommeil; certains oublient jusqu’à la moitié des informations mémorisées la veille.
Une récente étude chez la souris avait révélé que le sommeil profond favorisait l’élimination cérébrale des protéines toxiques comme la bêta-amyloïde. Cette nouvelle étude montre que l’accumulation de bêta-amyloïde pourrait entraîner un cercle vicieux, dans lequel le sommeil est encore plus écourté et la mémoire affectée. « Les données que nous avons recueillies sont très suggestives d’un lien causal. Si nous intervenons pour améliorer le sommeil, peut-être pourrons-nous rompre la chaîne causale », estime le neurochercheur Bryce Mander.
Le sommeil profond pourrait être amélioré par l’exercice, la thérapie comportementale, des approches pharmaceutiques, ou même la stimulation électrique transcrânienne non invasive, indolore et peu coûteuse (ce qui a été montré par des chercheurs allemands sur des sujets jeunes).
« Nous ne savons pas encore lequel des deux facteurs - le mauvais sommeil ou la mauvaise protéine - débute le cercle vicieux », précise le Dr Mander. L’équipe explorera cette question dans une étude longitudinale (5 ans) portant sur un nouveau groupe de sujets âgés. Ils examineront aussi si le sommeil peut procurer un signe d’alerte ou un biomarqueur de la maladie d’Alzheimer.
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