Peut-on parler de maladie d’Alzheimer (MA) avant l’apparition de symptômes ? La question est aujourd’hui déterminante, car tous les espoirs médicamenteux ont été déçus jusqu’à présent une fois la maladie déclarée.
L’enjeu aujourd’hui est d’intervenir le plus précocement possible mais sans surtraiter. Dans cette optique, des neurologues de l’International Working Group (IWG) et de l’American Alzheimer’s Association sous la direction du Pr Bruno Dubois (hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP) sont arrivés à un consensus sur la définition du stade préclinique de la maladie neurodégénérative, et sur celle des sujets asymptomatiques à risque (cf. encadré).
Dans un article publié dans « Alzheimer’s and Dementia », les spécialistes soulèvent les questions posées par le concept récent de stade préclinique et formalisent des recommandations en une vingtaine de points. L’enjeu est de baliser le terrain pour poser les bases de la recherche clinique future.
Remonter le cours de la maladie
La définition de la MA suit une tendance constante, qui va dans le sens de remonter le temps. « Il n’y a pas si longtemps le diagnostic était posé au stade de démence, indique le Pr Bruno Dubois. Puis est venue l’idée qu’il était possible avant ce stade avancé de reconnaître des patients qui présentent déjà des symptômes cognitifs. C’est le concept de phase prodromale de la MA. De là, à parler de maladie avant tout symptôme, le pas n’a pas été si simple à franchir. On ne sait pas si tous les sujets porteurs de lésions développeront immanquablement une MA et si tel est le cas, au bout de combien de temps. »
L’évolution naturelle méconnue
Les médicaments développés dans la MA, des anticorps monoclonaux (Ac Mo) anti-peptide amyloïde, n’ont pas comblé les attentes. S’ils ont diminué les lésions cérébrales bêta amyloïdes, ils n’ont pas eu d’effets sur les symptômes. De là, est née l’hypothèse de traiter les patients porteurs de ces lésions avant l’apparition de symptômes. Pour le Pr Dubois, « certains neurologues ont fait le choix de vouloir aller vite. Par exemple, aux États-Unis, l’équipe du Dr Reisa Sperling, une neurologue estimée, a lancé l’essai clinique A4, qui teste le solanezumab chez des sujets âgés asymptomatiques à risque de la maladie. Mais c’est au risque d’aller trop vite et de conclure à tort. Il y a beaucoup d’incertitudes sur l’évolution naturelle de la maladie ».
Les biomarqueurs identifiés dans la maladie d’Alzheimer (MA) sont présents plusieurs années avant l’apparition des premiers symptômes. D’où l’idée que leur positivité permette d’identifier la maladie chez des gens âgés normaux. « Si les biomarqueurs sont négatifs, il est certain que les sujets n’auront pas la maladie. S’ils sont positifs, on ne sait pas encore. Les lésions nécessaires sont-elles suffisantes au développement de la MA ? C’est toute la question. Si tel est le cas, au bout de combien de temps, la MA devient-elle symptomatique ? 6 mois, 5 ans, 20 ans ? ».
Le poids des facteurs de risque
À ces interrogations, l’étude observationnelle INSIGHT menée à la Pitié Salpêtrière devrait apporter des réponses. « La cohorte comporte 321 sujets normaux âgés de plus de 70 ans qui ont accepté de subir toute une batterie d’examens sur un suivi de 5 ans », explique le Pr Dubois. Parmi eux, 88 sujets (27 %) présentent des lésions amyloïdes au PET scan (Amyloïd PET). « Déjà, les données sont éclairantes. À 1an1/2 de suivi, seulement deux sujets sur les 88 ont développé des symptômes. Ce qui suggère que les études cliniques doivent avoir de très grands effectifs soit prévoir un suivi très long ».
Sans compter que certains facteurs de risque influencent le cours de la maladie. Mais dans quelle mesure ? L’âge, bien sûr, est un facteur de risque majeur. Quant au statut pour le gène APOE 4, « c’est le principal facteur de risque génétique de progression vers une MA clinique », précisent les recommandations. Un tiers des démences liées à la MA serait attribuable à des facteurs de risque modifiables (obésité, dépression, hypertension artérielle, obésité, diabète, sédentarité, tabagisme, faible niveau d’éducation). Tandis que certains modes de vie (régime alimentaire, activité physique, entraînement intellectuel, lien social) seraient protecteurs.
Le champ de réflexion est vaste. « Il faudrait travailler sur des outils intermédiaires, comme des marqueurs sanguins, explique le Pr Dubois. On a besoin de biomarqueurs pronostiques, aujourd’hui les efforts se portent sur la neurogranine (neurogranin), un marqueur de perte synaptique ».
Le neurologue parisien a pour projet d’ouvrir à la Pitié-Salpêtrière un centre de recherche dédié à la thématique du stade préclinique de la MA. « Des repères clairs sont nécessaires, insiste-t-il. Le stade préclinique pose des questions éthiques et sociétales ».
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