Depuis l’été 2018, le Normandy, centre régional de rééducation et réadaptation fonctionnelle du Groupe Clinique Développement situé à Granville, dispose d’un nouvel outil de rééducation innovant : le Vibramoov. Une cinquantaine de patients présentant des troubles de la marche ou de la mobilité des membres supérieurs à la suite d’une lésion cérébrale – traumatique ou liée à une maladie comme un accident vasculaire cérébral (AVC) – l’ont déjà testé. Parmi eux, Marine*, victime d’un AVC très grave après un accouchement, en est à sa deuxième séance. Elle en atteste : les séances lui font du bien.
Le Vibramoov agit comme un leurre sur le cerveau : des capteurs positionnés au niveau des membres inférieurs ou supérieurs envoient des informations sensorielles au cerveau lui donnant l’illusion que le corps est en train d’effectuer un mouvement. « Les capteurs envoient en fait au cerveau la même information qu’en cas d’allongement du muscle », explique Walter Loisel, kinésithérapeute et responsable du plateau technique rééducation. Les yeux fermés et équipé du Vibramoov, la sensation de mouvement est largement perceptible, alors que le mouvement est en réalité très
léger.
Ce dispositif, développé par la société TechnoConcept, a obtenu le marquage CE en 2016. « Aujourd’hui, dix centres en France en disposent, et 20 à l’étranger », rapporte Nicolas Plumier, co-dirigeant de la société et responsable du développement international.
Intégrer le membre paralysé
Le Vibramoov s’appuie sur le concept de plasticité cérébrale. Il a été conçu avec l’idée d’agir de manière précoce sur les zones cérébrales inactivées à la suite d’une lésion cérébrale afin d’entretenir la mémoire du mouvement et ainsi faciliter la récupération. « Cet outil permet ainsi d’intégrer le membre paralysé dans le schéma corporel », souligne la Dr Anne Peskine, spécialiste en médecine physique et de réadaptation.
Les indications potentielles du Vibramoov sont nombreuses : AVC, dystonie, maladie de Parkinson, traumatisme crânien, atteinte de la moelle épinière… Toutefois, « ses vertus thérapeutiques ne sont pas encore connues », précise Soizic Injeyan, kinésithérapeute et cadre supérieur de l’ensemble du plateau technique rééducation. Mais les risques sont en tout cas maîtrisés : aucune aggravation n’a été observée, et les patients bénéficient d’un encadrement individualisé par un thérapeute (ergothérapeute, psychomotricien ou kinésithérapeute).
Les problèmes artérioveineux représentent la seule contre-indication au Vibramoov, car le dispositif permettant de maintenir les capteurs peut être serré. « Les patients doivent toutefois avoir une capacité de compréhension suffisante pour intégrer les consignes », précise la Dr Peskine.
Engager le mouvement progressivement
Au Normandy, les séances de Vibramoov durent environ 30 minutes et sont dispensées à raison de quatre fois par semaine pendant 4 semaines minimum. Ce jour, Laura Chaxel, psychomotricienne, équipe Marine de huit capteurs, positionnés sur les jonctions des tendons musculaires au niveau des bras - les capteurs fonctionnent par paires (muscles agonistes/antagonistes). Pour Marine qui a commencé la veille, l’objectif est de retrouver la mobilité de son bras gauche. Pendant la séance, elle est assise face à un écran.
Sur cet écran, la thérapeute choisit le programme adéquat et l’intensité des vibrations. En effet, le Vibramoov propose plusieurs types d’exercices, les messages envoyés au cerveau pouvant être modulés en jouant sur la fréquence et l’intensité des vibrations des capteurs. « Nous commençons par les mouvements les plus simples, comme lever le bras, pour aller vers des mouvements plus complexes, comme mimer l’action de ranger un verre dans un placard », détaille Walter Loisel.
Là, Marine doit essayer d’accompagner avec son bras gauche le mouvement qui s’affiche à l’écran et qui représente un triangle. En effet, si dans un premier temps, le but est surtout de ressentir le mouvement, assez vite, l’objectif est d’engager le mouvement, en améliorant l’amplitude du geste au fur et à mesure, progressivement.
Un mode pour réduire l’hypertonie
Le principe est le même pour les jambes, sauf que les capteurs sont au nombre de six et que les différents programmes permettent de mimer la sensation de marche ou une montée d’escalier par exemple. Le patient peut être allongé, assis ou en position debout, avec un fauteuil verticalisant.
En plus de ce mode dit « sensorimoteur », le Vibramoov possède un second mode dont l’objectif est de réduire l’hypertonie (raideurs incontrôlées). « Le Vibramoov fait alors office de traitement local », précise Laura Chaxel. C’est ce mode que Sandra*, qui souffre de raideurs et de douleurs au niveau des jambes, expérimente. « Après une séance, je me sens mieux et je sens que mes jambes sont plus souples. Elles sont plus faciles à mobiliser pour les séances de kiné, même si le bénéfice ne dure pas plus d’une journée », témoigne-t-elle.
Des évaluations cliniques à venir
Pour évaluer scientifiquement la pertinence de cet outil dans la rééducation, l’équipe du Normandy s’est associée au CHU de Rennes afin de mener une étude clinique qui devrait démarrer en septembre. Elle portera sur des patients victimes d’AVC, en phase précoce (dans les trois premiers mois suivant la lésion), afin d’étudier l’effet sur la plasticité cérébrale. La moitié bénéficiera de 20 séances de Vibramoov et de la rééducation habituelle, l’autre d’une rééducation standard. Le nombre de patients n’a pas encore été défini. « Dans le domaine de la rééducation en phase aiguë, il est difficile de prouver l’intérêt d’un nouvel outil, car une récupération spontanée peut survenir », remarque la Dr Peskine.
« D’autres études cliniques vont être menées en France et à l’étranger auprès de différents profils de patients. Les premiers résultats sont attendus dans le courant de l’année 2020 », annonce Nicolas Plumier. Des équipes vont notamment intégrer l’IRM fonctionnelle pour évaluer les effets sur la
plasticité.
Au Normandy, dans l’attente des résultats, les indications ne sont pas restrictives et ne se limitent pas à la phase précoce. « Nous sommes très libres hors protocole et souhaitons qu’un maximum de patients puissent utiliser le Vibramoov, souligne la Dr Peskine. Et si nous observons un signal intéressant pour un profil donné, nous pourrons envisager d’autres études ».
En l’absence de preuves scientifiques, les effets positifs en termes de ressenti rapportés par les patients ne sont pas négligeables. Selon la Dr Peskine, « l’aspect psychologique joue un rôle dans la rééducation neurologique. Et les patients sont demandeurs d’outils ludiques et modernes. Ça les amuse ! ». Soizic Injeyan ajoute : « la rééducation neurologique est un processus qui n’est jamais vraiment fini, c’est donc effectivement essentiel d’avoir de nouveaux outils à apporter aux patients ». Et Marine l’affirme : « j’aime bien cet appareil ».
* Prénoms modifiés.
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