Les mots du client
- « Je suis sous trithérapie depuis deux ans et je constate que mon visage se creuse et je n’ai plus de fesses.
- J’ai oublié de prendre mon antirétroviral plus de six heures après le moment prévu, et je ne sais pas si je dois doubler la prochaine dose ou sauter la prise.
- Je suis bien équilibré par mon traitement antirétroviral mais j’ai parfois des difficultés à respecter mon plan de prise et je n’ose pas en parler à mon médecin. »
Rappel physiopathologique
Le virus du sida est un virus à ARN, il en existe deux types le VIH-1 et le VIH-2. En France, c’est le sous-type du VIH-1 qui prédomine. Le VIH possède une transcriptase inverse, une enzyme capable de transformer l’ARN viral en ADN double brin (provirus de forme virale très stable) qui s’intègre dans le chromosome de la cellule-cible (essentiellement le lymphocyte T CD4) grâce à une intégrase, et qui induit une infection définitive. L’activation de cette cellule déclenche alors les étapes de la réplication virale, avec synthèse et assemblage de protéines virales grâce à une enzyme, la protéase.
Les principales thérapeutiques actuelles visent à inhiber le cycle viral en agissant à plusieurs niveaux : lors de la fixation du VIH aux récepteurs membranaires de la cellule CD4 ; de la fusion et de la pénétration du virus dans la cellule ; de la transcriptase inverse (TI) ; de l’intégrase virale (IIn) ; de l’assemblage des protéines virales par inhibition de la protéase.
Six classes d’antirétroviraux (ARV) sont aujourd’hui commercialisées : les inhibiteurs nucléosidiques/nucléotidiques de la TI (INTI), les inhibiteurs non nucléosidiques de la TI (INNTI), les inhibiteurs de la protéase virale (IP), un inhibiteur de l’intégrase (Isentress), un inhibiteur de la CCR5 (Celsentri ou maraviroc) et un inhibiteur de la fusion (Fuzeon).
Les questions à l’officine
Quelle est l’épidémiologie du sida en 2009 ?
Trente-trois millions de personnes vivent dans le monde avec le virus du sida, dont la moitié de femmes. Selon le rapport Onusida/OMS, (juillet 2008), le nombre d’infections a diminué entre 2001 et 2007, passant de 3 millions à 2,7 millions. Le nombre de personnes bénéficiant de trithérapies a été multiplié par dix au cours des six dernières années, pour dépasser désormais trois millions, mais la situation reste préoccupante dans certains pays à revenu faible et moyen où vivent 96 % de la population infectée.
Le nombre de décès dus au sida a-t-il diminué ?
Au total dans le monde, le nombre de décès liés au VIH en 2007 est de 2 millions et le nombre de morts par jour est de 800. En France, le nombre de décès est en constante régression depuis les années 1990, mais la proportion de décès féminin augmente régulièrement (presque un quart des cas aujourd’hui). L’âge moyen du décès depuis les années 1980, est passé de 39 à 48 ans.
Quelles sont les principales comorbidités ?
Les comorbidités évoluent et diverses complications constituent de nouvelles préoccupations d’intérêt thérapeutique. Elles sont liées au caractère chronique de la maladie et à son développement sur plusieurs décennies. Ce sont les tumeurs malignes (poumon, foie), les troubles cardiovasculaires (notamment dus aux IP qui induisent dyslipidémies, insulinorésistance, diabète type II), et les pathologies neurologiques. La cause de décès par suicide est en forte régression. Toutefois, la France fait partie des pays européens où les décès par sida sont les plus nombreux.
Les traitements sont-ils mieux tolérés ?
Ils se simplifient mais ils comportent toujours de nombreuses complications qui ont fréquemment une étiologie iatrogénique. Les plus fréquentes sont les lipodystrophies, les troubles métaboliques glucidiques et lipidiques, le syndrome métabolique, des complications hépatiques et rénales, une hypertension artérielle pulmonaire, un vieillissement prématuré.
Pourquoi l’épidémie ne recule-t-elle pas davantage ?
Les comportements à risques se multiplient en partie parce que les traitements antirétroviraux (ARV) créent une illusoire sécurité : tous ceux qui ont eu des conduites à risque doivent se faire dépister (3 000 personnes infectées l’ignoreraient). La discrimination faite aux porteurs du sida est aussi un frein à la prévention et à la prise en charge. Dans notre pays, on estime à 6 500 le nombre de personnes ayant découvert leur séropositivité en 2007.
Quels examens et dans quel cas ?
La charge virale et le comptage des lymphocytes CD4 sont les deux éléments clés permettant de surveiller l’évolution de l’infection et l’efficacité des traitements. La détermination de la charge virale consiste à mesurer l’ARN VIH présent dans un échantillon de plasma ou de sérum. L’examen doit se faire en dehors de toute infection aiguë et au moins un mois après une vaccination. Les résultats sont exprimés en nombre de particules d’ARN (appelées copies) par millilitre d’échantillon ou en logarithme de base 10 (log10) de ce nombre. Le nombre de lymphocytes CD4 dans le sang reflète le niveau d’atteinte (déficit) du système immunitaire. La quantité normale des CD4 est de 500 à 1 500 par mm3. Principales cibles du VIH, ils diminuent progressivement sans traitement.
Quand dépister ?
Le dépistage demeure le mot d’ordre, notamment pour les populations à risque mais d’importants progrès restent à faire dans le dépistage précoce en France, où seulement 10 % des patients sont détectés au stade de primo-infection. Pour une forte proportion de sujets, le diagnostic est posé à un stade avancé : symptomatique (13 % des cas) ou de sida déclaré (17 %) avec pneumocystose, tuberculose, toxoplasmose.
Quand utiliser les tests de dépistage rapide ?
La Haute autorité de santé (Has) recommande de les utiliser dans les situations d’urgence (accident d’exposition au VIH, accouchement d’une femme au statut sérologique inconnu, tableau clinique évocateur), mais ils restent associés à un test de dépistage classique.
Quels sont les symptômes ou effets indésirables impliquant une consultation ?
Une fièvre, une éruption cutanée importante (phlyctènes, desquamation, ulcérations), des signes généraux d’hypersensibilité (malaise, hypotension, vomissements, œdèmes, myalgies, dyspnée), des diarrhées importantes, des douleurs lombaires soudaines et intenses, un amaigrissement inexpliqué, une grande fatigue, des signes de neuropathies périphériques (paralysies, paresthésies).
Comment lutter contre les lipodystrophies ?
Les lipodystrophies (accumulation de tissus graisseux) sont stigmatisantes et mal vécues et il est parfois préférable d’orienter les patients vers des centres de consultation spécialisés. Les techniques chirurgicales consistent à prélever de la graisse dans une partie du corps (tronc, cou, nuque, abdomen) et à la réinjecter ailleurs. Pratiquée sous anesthésie générale, cette intervention est prise en charge à 100 %. La méthode de comblement par injection d’acide polylactique (new-fill) est plus fréquente et donne de bons résultats qui persistent un à trois ans. Le produit est réservé aux lipoatrophies (fonte graisseuse) faciales et il est pris en charge à 100 %.
Les traitements
Quels sont les objectifs des antirétroviraux ?
L’objectif principal est double : rendre la charge virale plasmatique indétectable (<50 copies/ml), et restaurer l’immunité (CD4› 500/mm3). Le traitement est chronique et les autres objectifs sont la meilleure tolérance possible, à court, moyen et long termes, l’amélioration ou la préservation de la qualité de vie. La réduction de la transmission du VIH est aussi une priorité, en particulier chez la femme enceinte.
Quand instaurer le traitement ?
Le rapport « Yeni » 2008 souligne l’intérêt d’une prise en charge précoce par des traitements plus pratiques et plus actifs sur les souches résistantes. C’est la balance bénéfice/risque qui conditionne la décision de traiter. Le traitement est toujours recommandé chez les patients ayant atteint le stade sida et lorsque le taux de lymphocytes CD4 est inférieur ou égal à 350/mm3. En revanche, certains patients séropositifs ne nécessitent pas un traitement systématique, et même, n’en prendront jamais et ne développeront pas le stade sida.
Quelle stratégie thérapeutique privilégier ?
Chaque patient doit pouvoir changer de traitement plusieurs fois au cours de sa vie. » Dans la mesure où nous devons maintenant contrôler la réplication virale sur des décennies, nous devons disposer de nouveaux traitements pour alterner les stratégies thérapeutiques. La recherche doit continuer pour trouver d’autres molécules efficaces qui n’ont pas les mêmes profils, et pour avoir d’emblée des associations majeures sans prendre de risque de résistance. » explique le Pr Christine Katlama (Hôpital Pitié-Salpêtrière).
Dans tous les cas, il faut vérifier que toutes les conditions sont réunies pour une bonne adhésion du patient à son traitement (idéalement de 95 %).
Quel est l’arsenal thérapeutique actuel ?
En 2008, en France, on compte un total d’environ 24 molécules antirétrovirales correspondant à 28 spécialités. L’association optimisée de ces différents médicaments permet, dans la grande majorité des cas, d’atteindre les objectifs viro-immunologiques. Les trithérapies sont la clé de la stratégie thérapeutique mais certains malades sont en multi-échecs et en attente d’options futures.
Que faire en cas d’échec virologique ?
Il faut réagir très rapidement car la situation immunologique s’aggrave et la maladie progresse vers le stade du sida avéré. L’origine de l’échec doit être analysée : problème d’observance, de tolérance, de résistance, interactions médicamenteuses ou alimentaires… Il est préférable de réagir en situation d’échec modéré lorsque la charge virale est comprise entre 50 et 500 copies/ml, quel que soit le niveau de lymphocytes CD4.
À quoi sont dues les mutations ?
La prévalence des virus mutants augmente et devient inquiétante. L’apparition d’une mutation est due au haut pouvoir de multiplication du virus et à la pression de sélection exercée par les ARV. Selon les ARV, une seule mutation peut suffire pour conférer au VIH un haut pouvoir de résistance, on parle de barrière génétique. Globalement, chez les patients naïfs de tout traitement, la prévalence des virus mutants peut atteindre 5 à10 %.
Comment instaurer un nouveau traitement ?
Le développement des résistances n’intervient que si la pression médicamenteuse sur le virus n’est pas suffisante, soit du fait de la non-observance, soit d’une efficacité non optimale des traitements, explique le Pr Pierre Marie Girard (hôpital Saint-Antoine, Paris). Or, une fois la résistance installée, il faut changer de traitement afin de continuer à maîtriser la charge virale et ménager les combinaisons d’ARV. » La nouvelle thérapie doit intégrer toutes les données des traitements précédents. Il faut recourir à au moins deux nouveaux antirétroviraux actifs de classes pharmacologiques différentes dont une n’a pas encore été mise à contribution.
Quels sont les messages essentiels à délivrer en pharmacie ?
Le pharmacien doit insister auprès de son patient sur le fait qu’il s’agit d’un traitement chronique (à vie ?) et qu’il ne faut jamais l’interrompre sans avis médical ; que les prises doivent se faire chaque jour à heures fixes ou régulières, en respectant les contraintes des repas ou des prises à jeun. Il doit l’avertir des effets indésirables possibles en les lui expliquant, et le mettre en garde contre l’automédication.
Quelles sont les recommandations hygiénodiététiques ?
Il faut encourager un exercice physique régulier pour stimuler l’utilisation cellulaire du glucose ; limiter les facteurs de risque cardiovasculaire (arrêt du tabac) ; réajuster l’apport énergétique un peu supérieur à la normale des apports journaliers recommandés (AJR) pour compenser l’hypercatabolisme de base. L’alimentation a une grande importance, et il convient de modifier la qualité des nutriments en diminuant la part des graisses saturées, des sucres rapides et de l’alcool. En cas d’anomalies du métabolisme lipidique, la consommation d’huiles de poisson riches en oméga 3, et de margarines enrichies en phytostérols peut être un apport intéressant.
Comment gérer les situations à risque ?
Certains événements peuvent compromettre l’équilibre du traitement, et le malade ne sait pas toujours prendre les bonnes décisions. Les vomissements et l’oubli d’une prise posent la question de reprendre le médicament immédiatement, de sauter la prise, ou de réduire l’espace entre les prises. Lors de voyages lointains, il faut tenir compte du décalage horaire, des vaccinations, des conditions extrêmes de température, des changements du rythme de vie. La perte ou le vol impose de parer aux imprévus en ayant sur soi un ou deux jours de traitement. Dans tous les cas, il est préférable de prendre l’avis d’un spécialiste.
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