Les mots du client
- « Ma mère a ressenti un brusque étourdissement.
- Mon père conduisait sa voiture quand sa vue s’est brutalement brouillée.
- Ma rééducation dure depuis 4 ans. »
Rappel physiopathologique
On distingue trois grandes catégories d’AVC.
Les deux premières sont en rapport avec une thrombose (d’où leur qualification d’AVC ischémiques) d’une artère cérébrale et la 3e avec une hémorragie :
- Thrombose cérébrale : elle est secondaire à la formation d’une plaque de lipides (athérosclérose) au niveau de la paroi d’une artère du cerveau. Elle représente environ 70 à 75 % des cas.
- Embolie cérébrale : une artère cérébrale est bouchée par un caillot formé ailleurs dans l’organisme, souvent dans le cœur, en cas de troubles du rythme cardiaque, ou au niveau d’une artère carotide. Elle représente environ 5 % des cas.
- Hémorragie cérébrale : elle correspond souvent à une rupture d’anévrysme, des malformations des vaisseaux souvent présents à la naissance et qui grossissent plus ou vite avec le temps. Elle représente environ 15 à 20 % des cas.
Le diagnostic doit être évoqué devant une installation rapide et brutale d’un déficit neurologique focalisé, les symptômes variant considérablement en fonction de la localisation et de l’importance de la lésion. Tous les intermédiaires sont possibles entre des symptômes fugaces et un coma hémiplégique évoluant vers le décès en quelques heures.
Par exemple, dans le cas d’un AVC ischémique carotidien, on observe majoritairement une cécité unilatérale, une hémiplégie, des troubles sensitifs unilatéraux (paresthésies, hypoesthésie, extinction sensitive), des troubles du langage (impossibilité de parler, manque de mots, troubles de la compréhension) ou encore des troubles de l’orientation spatiale. En revanche, les AVC ischémiques vertébrobasilaires sont plutôt caractérisés par des troubles moteurs et/ou sensitifs touchant un ou plusieurs membres homos ou controlatéraux, des déficits du champ visuel (voire une cécité corticale si l’ischémie est bilatérale), une diplopie (par paralysie oculomotrice), des troubles de la déglutition, ou par un syndrome cérébelleux (hypotonie, station débout et marche difficiles, incoordination musculaire, notamment des muscles impliqués dans la phonation ou dysarthrie, la parole du malade étant « scandée » ou « aboyante » avec une amplitude de la voix variant sans cesse).
Le pronostic des AVC hémorragique est sombre, avec une mortalité de 30 à 50 % à 6 mois. Et de fréquents et lourds handicaps pour les survivants : seulement 20 % de patients indépendants au-delà de 6 mois.
Les hématomes profonds sont les plus fréquents ; globalement, leur première cause est l’hypertension artérielle. Chez les sujets jeunes, les causes sont dominées par les malformations vasculaires et par l’angiopathie amyloïde (présence de dépôts amyloïdes dans la paroi des vaisseaux) chez les sujets âgés. On peut y ajouter les anomalies de l’hémostase (hémophilie, hypoprothrombinémie, afibrinogénémie, drépanocytose, maladie de Willebrand – la plus fréquente des maladies hémorragiques constitutionnelle est due à un déficit quantitatif du facteur Von Willebrand qui joue un rôle dans l’agrégation plaquettaire), parmi lesquels aussi les accidents des traitements par les anticoagulants.
Les symptômes peuvent prendre la forme de céphalées (pouvant être isolées), de déficits moteurs ou sensitifs, de mouvements anormaux, de vertiges, de vomissements, d’une instabilité de la marche et de troubles de la vigilance.
Les questions à l’officine
Peut-on prévenir un accident vasculaire cérébral ?
On peut certainement en diminuer le risque de survenue. Observer une bonne hygiène de vie est essentielle de ce point de vue, ce qui inclut d’avoir une activité physique régulière, de ne pas fumer ou d’arrêter de fumer, de maigrir si on est en surpoids (attention au syndrome d’apnée du sommeil) et d’adopter une alimentation saine (réduction de la consommation d’alcool, de sel, de graisses d’origine animale, augmentation de la consommation de poissons, de fruits et de légumes).
La migraine, l’obésité et la prise de contraceptifs oraux après 35 ans, peuvent être des facteurs favorisants.
On peut aussi diminuer le risque d’AVC en faisant régulièrement des bilans de santé, notamment vers la cinquantaine en l’absence de facteurs de risque identifiés avant.
Est-il vrai que les AVC touchent surtout les personnes âgées ?
Il est exact que le vieillissement contribue à augmenter le risque d’AVC et que la plupart (75 %) surviennent après 65 ans. Mais, les AVC peuvent frapper à tout âge et dans notre pays environ 5 % sont observés avant l’âge de 40 ans et atteignent parfois des jeunes enfants.
On estime à plusieurs centaines par an le nombre d’enfants à être victimes d’AVC, en grande majorité secondaires à des malformations vasculaires.
Est-il exact que les pilules prédisposent au risque d’AVC ?
Les contraceptifs hormonaux actuels n’augmentent que légèrement le risque d’AVC ischémiques. Ce risque a diminué avec le temps grâce à la réduction de la dose en estrogène, mais la nature du progestatif peut aussi jouer un rôle. L’âge et les antécédents personnels et familiaux jouent un rôle important. Surtout, il est essentiel que le médecin prenne bien en compte dans sa prescription d’un contraceptif hormonal, en plus de l’âge, des facteurs de risque pouvant exister, comme une hypertension artérielle ou un diabète. La prudence s’impose aussi en cas de migraine.
Chez le médecin
Les AVC survenant le plus souvent brutalement, le rôle du médecin de ville appelé en urgence se limitera souvent à prévenir les secours si ce n’est pas déjà fait.
Un cas particulier est représenté par une fluctuation de l’intensité des symptômes. Il faut en effet savoir qu’ils peuvent diminuer transitoirement, au point parfois de disparaître complètement, avant de s’aggraver à nouveau après un temps plus ou moins long. Dans tous les cas le patient doit être adressé à un service d’urgences.
Il est essentiel de rechercher des antécédents d’accidents ischémiques transitoires ou AIT, dont les signes sont identiques à ceux d’un AVC (symptômes les plus fréquents : cécité monoculaire, hémiplégie et/ou hémianesthésie, troubles du langage, troubles de l’équilibre), mais qui régressent complètement en quelques heures, en moins de 24 heures (en pratique, le plus souvent en moins de 30 minutes), sans laisser de traces à l’examen IRM. En effet, ils sont considérés comme des AVC à minima présentant la même gravité qu’un AVC typique, quant à lui irréversible.
Il faut les considérer comme un signal d’alarme à ne surtout pas négliger : environ 30 % des personnes ayant fait un AIT et non traitées feront un AVC.
En pratique, ces personnes doivent bénéficier sans retard d’un bilan approfondi dans un service hospitalier afin d’en déterminer la cause et mettre éventuellement en route un traitement préventif.
Un enjeu extrêmement important est de diminuer le risque de récidive, très élevé en cas d’AVC ischémique, de l’ordre de 30 % dans les 5 ans qui suivent.
Bien entendu, le rôle du médecin sera également, avant tout AVC, d’identifier les facteurs de risque modifiables de chaque patient (hypertension artérielle, hypercholestérolémie, arythmie, tabagisme...) et d’en assurer la prise en charge la plus optimale possible.
Et au décours d’un AVC d’assurer un suivi très rigoureux de la correction des facteurs de risque afin de diminuer le risque de récidive.
Enfin, la prise en charge au long cours doit s’attacher à rechercher et à traiter les principales complications : handicap moteur, spasticité, douleurs neuropathiques (10 %), dépression (30 %), démences (10 %), épilepsie vasculaire (5 %), syndromes parkinsoniens ou mouvements anormaux…
Les traitements
La rapidité de survenue de certains symptômes est une grande caractéristique des AVC, en moins d’une minute, voire parfois en quelques secondes seulement, ce qui peut d’ailleurs empêcher le malade de demander de l’aide.
Tout comme dans l’infarctus, il faut intervenir très vite, car chaque minute qui passe diminue les chances de survie, avec ou sans séquelles irréversibles, du malade. L’AVC est une urgence vitale.
En effet, lorsque les cellules nerveuses sont privées d’oxygène elles meurent et ne se régénèrent pas.
Il est impératif que le malade soit admis dans un service spécialisé (unité neurovasculaire : diminution d’un tiers de la morbimortalité) et bénéficie tout d’abord le plus rapidement possible d’un examen d’imagerie du crâne (IRM ou scanner) afin de déterminer s’il s’agit d’un AVC, et, dans l’affirmative, de quel type il s’agit, car le traitement est - en partie - différent selon qu’il s’agit d’un AVC ischémique ou hémorragique.
L’examen du patient, qui arrive souvent à l’hôpital avec une hémiplégie, comporte plusieurs étapes : interrogatoire du patient ou de sa famille (heure de l’accident, mode d’installation des signes, symptômes, antécédents), détermination des signes vitaux (pression artérielle, rythme cardiaque, température, état général du patient), diagnostic différentiel (tumeur cérébrale, crise de migraine, crise d’épilepsie partielle).
Puis vient le temps de la confirmation du diagnostic (AVC ischémique ou hémorragique, localisation, importance…) et, dans la mesure du possible, du diagnostic étiologique.
La gravité à la phase aiguë est souvent évaluée avec l’échelle NIHSS (National Institute Health Stroke Scale). Cotée de 0 (normal) à 42 (score maximum), celle-ci permet de suivre l’évolution et sert d’outil d’aide à la décision thérapeutique durant la phase d’urgence et présente une valeur prédictive en termes de pronostic fonctionnel, de durée d’hospitalisation et de devenir du patient après sa sortie. Cela étant, le pronostic est souvent réservé au cours des deux premières semaines.
La prise en charge des AVC repose surtout sur la surveillance des constantes vitales et la prévention des complications aiguës.
Les mesures d’ordre général sont essentielles : surveillance des paramètres vitaux, surveillance/correction de l’équilibre hydro-électrolytique, prévention de troubles de la déglutition, liberté des voies aériennes supérieures, traitement d’une éventuelle fièvre par un antipyrétique (paracétamol) ou d’une hyperglycémie (elles peuvent aggraver les lésions ischémiques), soins de nursing.
Une hypertension artérielle est fréquente (70 %) à la phase initiale, mais dans la plupart des cas il est conseillé de la respecter afin de maintenir un débit sanguin cérébral suffisant ; elle se normalise d’ailleurs habituellement en une à deux semaines.
Une hypertension intracrânienne (« œdème cérébral ») peut survenir, parfois rapidement, mais souvent avec un certain retard, après 24 à 96 heures. Sa prise en charge peut comprendre l’administration d’agents hyperosmolaires, comme le glycérol per os ou le mannitol intraveineux.
L’objectif « étiologique » du traitement d’un AVC ischémique à la phase aiguë est d’éviter que la « zone de pénombre » (cellules nerveuses proches de la lésion initiale appartenant à une région où les perturbations restent réversibles si le débit sanguin cérébral est rétabli dans les heures qui suivent, de l’ordre de 6 heures) ne bascule vers la mort neuronale, afin de limiter les séquelles neurologiques ainsi que de prévenir et de traiter les complications.
Deux grandes voies thérapeutiques sont théoriquement possibles : désobstruction vasculaire (thrombolyse) et blocage de la cascade de réactions biochimiques liées à l’ischémie cérébrale aboutissant à la mort neuronale par afflux calcique intracellulaire (neuroprotection).
Plusieurs études ont montré qu’une thrombolyse (fibrinolyse) intraveineuse (rt-PA) effectuée dans un délai maximal de 4 h 30 (délai antérieurement fixé à 3 heures) peut être bénéfique. Sous réserve, néanmoins de l’existence d’un risque hémorragique. La gravité de ce dernier impose de respecter les contre-indications : infarctus cérébral étendu, hypertension artérielle non contrôlée, hyperglycémie majeure…
Une thrombolyse intra-artérielle (pro-urokinase) peut être indiquée dans les 6 heures qui suivent l’occlusion de l’artère cérébrale moyenne.
Un traitement antiplaquettaire par aspirine (160 à 300 mg/j) ou clopidogrel - Plavix est recommandé dès que possible (dans les 48 heures) après un AVC ischémique artériel, sauf si un traitement fibrinolytique est envisagé. L’administration systématique d’une héparine de bas poids moléculaire (ou d’un héparinoïde) n’est pas recommandée à la phase aiguë.
La prise en charge des AVC hémorragiques a pour objectif de réduire le risque de resaignement et de limiter l’extension et les conséquences de l’hypertension intracrânienne.
Il existe des indications chirurgicales dans des cas particuliers.
Rééducation
Sa place est très importante. Dès la phase aiguë, dans les premiers jours qui suivent, il faut déterminer le programme de rééducation à mettre en œuvre et commencer à stimuler le malade.
Le malade séjourne environ 2 mois dans un centre de rééducation, mais il faut avoir conscience que la rééducation ne s’arrête jamais, notamment en ce qui concerne la rééducation orthophonique afin que le patient puisse reparler correctement.
Il faut savoir aussi qu’un handicap secondaire à un AVC ne concerne pas seulement des déficits moteurs. Il faut y ajouter aussi, selon le cas, une aphasie (trouble du langage affectant l’expression ou la compréhension du langage parlé ou écrit survenant en dehors de tout déficit sensoriel ou de dysfonctionnement de l’appareil phonatoire, une complication très fréquente des AVC affectant l’hémisphère gauche), des troubles attentionnels, mnésiques et exécutifs ou encore des « négligences spatiales » (troubles complexes de l’attention spatiale survenant après un AVC de l’hémisphère droit : le patient se comporte comme si la moitié de l’espace autour de lui n’existait plus).
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