Une articulation en bon état est caractérisée par un équilibre entre la production et la destruction des cellules cartilagineuses. Si cet équilibre vient à se rompre, les tissus détruits l’emportent sur ceux qui sont produits et le cartilage est atteint.
L’arthrose s’installe et affecte toute l’articulation, touchant les éléments qui contribuent à sa mobilité (la membrane synoviale qui sécrète le liquide du même nom, la partie de l’os - sous chondral - recouverte par le cartilage), mais aussi, à la longue, tout son environnement (ligaments, tendons, muscles). Souvent localisée au niveau de la colonne vertébrale, des doigts, des genoux ou des hanches, la maladie se manifeste par des douleurs et une raideur articulaire. Dix millions de Français - principalement des personnes âgées - sont concernés par ce problème.
Hormis les antalgiques et les AINS, les traitements symptomatiques qui offrent une prise en charge des douleurs liées à l’arthrose sont constitués par les anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente (AASAL). Leurs principes actifs - chondroïtine, glucosamine, insaponifiables d’avocat et de soja, diacerhéine - sont à l’œuvre dans des spécialités comme Chondrosulf (Laboratoire Genévrier), Dolenio (Biocodex), Osaflexan (Rottapharm)…
Une classe de médicaments entièrement déremboursée le 1er mars 2015. « Avant le déremboursement, de février 2015 à février 2014, c’était un marché important qui générait quelque 144 millions d’euros », précise Élodée Blanc, chef de produit chez Pierre Fabre Médicament. À partir de mars dernier et jusqu’au mois d’août, les ventes ont chuté de 45 % en valeur et 60 % en volume (comparé à la même période en 2014).
Un nouveau marché
Spectaculaire, la baisse n’en est pas moins habituelle dans ce cas de figure. Et surtout, elle paraît plus réactionnelle que relever d’un changement profond dans les comportements de traitement.
« Une étude récente rapportait l’existence d’un report potentiel des ventes sur la classe des AINS, indique Élodée Blanc. Mais c’est une attitude transitoire car, pour les personnes âgées qui forment une grande part de la population atteinte d’arthrose, il est difficile de prescrire un traitement anti-inflammatoire qui peut comporter d’importants effets secondaires. Ces médicaments n’entrent pas en concurrence avec les AASAL dont l’efficacité s’évalue à long terme (au moins trois mois) et le traitement s’envisage sous forme de cures de plusieurs mois. »
Il va donc sans doute falloir attendre un peu pour voir se dessiner la réalité des comportements face à ce que certains n’hésitent pas à appeler un « nouveau marché » de médicaments OTC. Un laps de temps que les Laboratoires Pierre Fabre - auteurs de Structoflex (glucosamine) et Structum (chondroïtine) - entendent mettre à profit pour former les pharmaciens à la problématique de l’arthrose et au conseil de ses traitements.
Il y a aussi un grand besoin d’éducation côté patients, dont le nombre est mathématiquement porté à augmenter. « Avec le vieillissement de la population, l’augmentation de la sédentarité et du surpoids, la maladie se développe, remarque Bruno Boëzennec, directeur des opérations en rhumatologie auprès des Laboratoires Expanscience en charge de Piasclédine 300 (insaponifiables d’huiles d’avocat et de soja) et de Flexea (glucosamine). De plus, si près de 5 millions de personnes sont actuellement traitées pour un problème d’arthrose, seulement 1,5 million le sont au moyen d’anti-arthrosiques. »
Le potentiel du marché n’est donc plus à démontrer pour des traitements qui gèrent une maladie chronique, invalidante et néfaste pour la vie sociale. « Elle constitue la première cause d’invalidité chez les plus de 40 ans et le deuxième motif de consultation chez le médecin généraliste. Mais le patient ne doit pas sortir du cadre médical dans la gestion de sa maladie. » L’avenir du marché est dans la prescription et le conseil, conclut Bruno Boëzennec, en soulignant le rôle fondamental du couple médecin/pharmacien dans cette problématique.
Une évidence pour Novartis Santé Familiale qui a récemment présenté Voltaren Spé, anti-inflammatoire en gel destiné à prendre en charge les poussées d’arthrose en association avec Voltaflex, anti-arthrosique d’action lente à base de glucosamine. Le laboratoire considère le pharmacien et son conseil comme un levier central sur ce marché OTC en construction : « Les AASAL ont un potentiel de développement certain qui dépend beaucoup du pharmacien. » Début 2015, une Journée de l’arthrose estampillée Novartis a été instaurée à l’officine, accompagnée d’un ensemble d’outils signalétiques élaborés en vue d’aider le pharmacien à prendre son nouveau rôle en main.
Effet de bascule
Mais l’officinal dispose d’un autre arsenal que celui des médicaments pour répondre à la demande des patients souffrant d’arthrose. Les compléments alimentaires voués au maintien du confort, de la souplesse et de la mobilité articulaire constituent en effet un marché annuel de 40 millions d’euros (2 millions d’unités vendues), en croissance de 2,5 % sur les douze derniers mois.
Une légère progression qui pourrait être liée au déremboursement des médicaments anti-arthrosiques, et ce de deux façons : d’une part, le conseil du pharmacien en faveur de certains compléments alimentaires viendrait compenser la baisse des prescriptions médicales ; d’autre part, la hausse des prix sur le segment OTC porterait les malades à reconsidérer l’intérêt des formules à vocation « articulation » du champ nutritionnel et leurs associations d’actifs - généralement chondroïtine, glucosamine et plantes (ortie, bambou, cassis, reine-des-prés, harpagophytum…) - dont les fabricants revendiquent l’effet synergique.
Pour Urgo, qui lance le complexe de nutriments « essentiels à la synthèse de cartilage » Govital Chondroflex, le potentiel du segment est évident. « Plusieurs marques de compléments alimentaires à visée articulaire ont vu leurs ventes augmenter depuis le déremboursement des AASAL, confie le laboratoire. Il y a sans conteste un effet de bascule du marché vers le secteur nutritionnel. Mais rien ne pourra se concrétiser sans la contribution du pharmacien qui reste un acteur majeur pour le développement du secteur entier des traitements per os des douleurs articulaires. »
Le Laboratoire des Granions (EA Pharma) qui a formulé Chondrostéo+ Flash (gênes articulaires plus intenses) pour seconder Chondrostéo+ (souplesse et confort articulaire, maintien du capital osseux), ne contredira pas cette analyse, même s’il la nuance quelque peu. « Depuis le déremboursement des AASAL en mars dernier, on observe un petit regain de dynamique des compléments alimentaires pour articulation dont les ventes étaient moroses depuis plusieurs mois, explique Leslie Martin, chef de produit au sein du Laboratoire des Granions.
Il s’agit à nos yeux d’un transfert très marginal des patients qui étaient sous AASAL avant leur déremboursement, car la taille des deux marchés et leur « statut » ne sont pas comparables. Dans ce contexte, on observe également un fort développement de la communication grand public de la part des différents acteurs, aussi bien compléments alimentaires que médicaments OTC. »
À ce jour, nul ne peut dire ce que l’avenir réserve aux traitements de la mobilité et de la douleur articulaire, mais il est indéniable que cette offre retient l’attention de nombreux fabricants. En témoignent, sur le segment des compléments alimentaires, des acteurs majeurs comme Phytéa (Phytalgic), Arkopharma (Chondro-Aid Fort), Sanofi (Novalgic Fort), ou encore Santé Verte (GCA2700)…
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