L’UNIVERSITÉ de Pennsylvanie en a fait l’un de ses thèmes de recherche de prédilection. À raison. Après la leucémie lymphoïde chronique (LLC), l’immunothérapie génique, qui repose sur la technique CAR (pour Chimeric Antigen Receptor en anglais) se révèle très prometteuse dans la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL). De découverte toute récente, cette thérapie génique, rapportée pour la première fois en août 2011, pourrait connaître un essor important en hématologie à l’avenir. Le principe de la technique consiste à reprogrammer les lymphocytes T du patient pour que ces cellules tueuses s’attaquent aux cellules tumorales.
Dans une étude publiée dans le « New England Journal of Medicine », une équipe de l’université de Pennsylvanie en collaboration avec l’hôpital pédiatrique de Philadelphie a apporté la preuve de l’efficacité de la thérapie dans la LAL réfractaire ou en rechute, à la fois chez 25 enfants et jeunes adultes, âgés de 5 à 22 ans mais aussi 5 adultes plus vieux, âgés de 26 à 60 ans. Les chercheurs sous la co-direction des Drs Shannon Maude, pédiatre oncologue et Noelle Frey, oncologue, ont trouvé que ces cellules CTL019 dirigées contre les lymphocytes B ont permis d’obtenir un taux de 90 % de rémission complète, y compris après échec de greffe de moelle (n=15).
Là plus rien ne marchait.
Une rémission prolongée était obtenue à 6 mois avec un taux de survie sans événement à 6 mois de 67 % et un taux de survie globale de 78 %. Des rémissions jusqu’à 2 ans ont été observées. Pour le Pr Stephan Grupp, pédiatre à l’hôpital de Philadelphie et auteur sénior : « Les patients participants dans ces essais avaient eu jusqu’à 4 rechutes (...). Leurs cancers étaient tellement agressifs qu’il ne leur restait plus aucune option thérapeutique. Les réponses durables que nous avons observées avec le traitement CTL019 sont sans précédent ».
Si des progrès considérables ont été réalisés dans la LAL chez l’enfant et chez l’adulte, il s’agit toujours de la cause principale de mortalité par cancer chez l’enfant et les rechutes restent fréquentes chez les adultes, touchant près de la moitié d’entre eux. La survie sans récidive à long terme chez les adultes équivaut à 35 à 50 % et environ 20 à 30 % sont considérés comme guéris. Les LAL en rechute restent un défi thérapeutique, en particulier chez les patients n’ayant pas obtenu de seconde rémission complète ou ceux en rechute après greffe de cellules souches. Chez les enfants ayant eu 2 rechutes médullaires ou plus, les traitements de sauvetage ne donnent que 40 % de rémissions, et pour une survie à long terme médiocre.
Des cellules T prélevées, modifiées puis réinjectées.
En pratique, la technique des CAR consiste à récupérer les cellules T du patient par leucaphérèse puis à les manipuler in vitro. Pour les cellules CTL019, l’immunothérapie génique utilise un vecteur lentiviral proche du VIH, qui exprime le gène d’un récepteur antigénique chimérique reconnaissant l’antigène CD19. Ces lymphocytes T autologues modifiés sont alors réinjectés au patient leucémique. L’antigène CD19 étant spécifique des lymphocytes B, les lymphocytes T se dirigent exclusivement vers ces cellules, détruisant les cellules leucémiques et entraînant une aplasie B.
Le tocilizumab contre le syndrome de libération des cytokines.
Le syndrome de libération des cytokines était une constante avec l’injection des cellules CTL019. Tous les patients traités ont présenté un épisode plus ou moins sérieux. Dans environ 30 % des cas, l’hypotension et l’insuffisance respiratoire ont nécessité une prise en charge en réanimation. Selon les auteurs, « un certain degré de libération des cytokines est probablement nécessaire à l’efficacité ». Pour la majorité des patients, le syndrome était limité avec une forte fièvre et des myalgies, disparaissant spontanément en quelques jours. Alors qu’il existe une élévation de l’IL-6 au cours du syndrome, le tocilizumab, un anticorps bloquant le récepteur de l’IL-6, s’est révélé bénéfique sans interférer avec l’efficacité des CTL019. Pour l’équipe de Philadelphie, c’est désormais le traitement de première ligne du syndrome de libération des cytokines, des corticoïdes ayant été utilisés avec succès chez 6 patients.
Un sous-groupe de patients a présenté une encéphalopathie survenant après le syndrome de libération des cytokines, sans corrélation avec la sévérité de ce dernier. Les symptômes neurologiques (aphasie, confusion, délire et/ou hallucinations) duraient 2 à 3 jours et disparaissaient spontanément et sans séquelles apparentes à long terme. La physiopathologie en est inconnue.
Loin devant les derniers arrivés.
Deux rémissions complètes ont été observées chez 3 patients réfractaires au blinatumomab, un anticorps bispécifique dirigé contre le CD19 prometteur dans la LAL en rechute. Ce résultat suggère qu’une non-réponse à une thérapie dirigée contre le CD19 n’empêche pas un succès thérapeutique avec les CTL019. Les derniers traitements approuvés pour les rechutes, tels que la clofarabine, la nelarabine et la vincristine encapsulée, présentent des taux de rémission complète de moins de 25 % pour une durée médiane de 4 à 9 mois. Avec une rémission complète de 90 % pouvant aller jusqu’à 2 ans, les CTL019 semblent bien avoir une réelle longueur d’avance.
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