Il y a deux mois, c’était encore une boutique de vêtements à l’enseigne « Dress by Elo ». Mais à Annœullin (Nord), comme dans plusieurs villes de l’Hexagone, le commerce de cannabidiol est aujourd’hui plus rentable.
Éric Flament, pharmacien dans cette ville au sud de Lille, observe l’engouement qu’a suscité l’ouverture de la boutique Bestown Shop, en mai dernier, à trente mètres de son officine. Le titulaire veut y voir un « feu de paille » qui séduit de nombreux curieux mais aussi des patients en quête de remèdes. Car comme le constate l'officinal : « Je suis interrogé sur les produits à base de cannabidiol vendus dans cette boutique par des patients qui ont une attente d’antalgique. » À l’instar de cette patiente souffrant d’un côlon irritable, souhaitant se rendre chez Bestown Shop pour soulager ses maux de ventre et son stress.
De tels questionnements sont l’occasion pour le pharmacien de rappeler la législation sur le médicament, la procédure d’AMM et les études portant sur les indications revendiquées par les laboratoires. Ce dernier point interpelle d’ailleurs le pharmacien : « Alors que nous ne pouvons pas vendre un pot de confitures de myrtille en disant que c’est bon pour la vue, les gérants des boutiques Bestown peuvent revendiquer des indications sur les chaînes de télévision. » Sur leurs sites, ces boutiques franchisées exploitent en effet les allégations telles que « troubles du sommeil », « stress », « maladie de Parkinson, fibromyalgie, arthrose… ».
Dans l'euphorie de leur lancement, les revendeurs de Bestown et autres Cofyshop s'aventurent sur un terrain glissant. Ils ne bénéficient pas moins d’un vide législatif pour écouler sous forme d’infusions (« à ne pas fumer » !), de produits de vapotage ou d’huiles, ces extraits de cannabidiol (CBD) contenant moins de 0,2 % de tétrahydrocannabinol (THC) et sans effet psychoactif avéré.
Des prix prohibitifs
En effet, l’arrêté du 22 août 1990 portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique pour le cannabis, autorise la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale (fibres et graines) des variétés de Cannabis sativa L. pourvu que la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol de ces variétés ne soit pas supérieure à 0,2 %.
Dans ces conditions, rien n’interdit donc la vente de cannabidiol de Besançon à Mandelieu-la-Napoule en passant par Melun et Paris.
Reste que les prix prohibitifs auront peut-être raison du phénomène. Le « best-seller », Elo Hash, s’écoule à 45 euros pour 2,5 g (30 % de CBD), soit l’équivalent de 9 à 13 tisanes. L’infusion de fleurs, Welljackson Haze, promettant « une sensation de tranquillité », coûte quant elle à 50 euros les 2,5 g pour une teneur en CBD de 13 %.
Du côté des pharmacies, aucun dérivé du cannabis à visée thérapeutique n'est à ce jour disponible en France. Le Sativex (association de delta-9-tétrahdrocannabinol ou THC et cannabinol) indiqué dans le traitement des contractures sévères (spasticité) des patients atteints de sclérose en plaques, dispose d'une AMM depuis janvier 2014, mais aucun accord sur le prix n'a encore pu être trouvé.
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