Jusqu’ici, la preuve « par l’anatomie » des conséquences de l’exposition à des doses « non toxiques » d’organophosphorés sur le cerveau (épaisseur corticale, nombre de cellules gliales dans certaines formations de la cognition) n’avait été faite que chez l’animal. Qu’en est-il dans l’espèce humaine ? L’équipe de Bradley Peterson a sélectionné 40 enfants (de 5,9 à 11,2 ans) au sein d’une cohorte de 369 enfants exposés avant la naissance à plusieurs toxiques : le chlorpyrifos (CPF, un organophosphoré), les hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAH) et la fumée de tabac (ETS). Ces 40 enfants ont été constitués de deux groupes de 20. Premier groupe : sur les 70 enfants ayant une exposition au pesticide CPF dans le tertile supérieur (≥ 4,39 pg/g), une IRM a pu être réalisée chez 20 enfants qui, par ailleurs, avaient eu une exposition basse ou très basse à l’ETS ou aux PAH. Deuxième groupe : 20 enfants sur 99 ayant eu une exposition faible au CPF (en dessous du tertile supérieur) et également faible aux deux autres toxiques.
Que montre l’imagerie cérébrale ? Si la taille globale du cerveau est comparable dans les deux groupes, plusieurs modifications significatives sont observées chez les enfants exposés aux plus fortes doses de CPF : un élargissement bilatéral des gyrus temporal supérieur, temporal moyen postérieur et postcentral inférieur et, à droite, un élargissement du gyrus frontal supérieur, du gyrus rectus et des gyrus cunéus et précunéus. Toutes ces régions sont impliquées dans diverses aspects des fonctions cognitives comme l’attention, la cognition sociale ou le système de récompense. Les auteurs notent que ces modifications corticales sont secondaires à des augmentations de volume de la substance blanche.
Une moisson de données d’imagerie.
Ils font une autre observation intéressante : les différences classiques observées entre hommes et femmes au niveau du lobe pariétal droit (normalement plus important dans le sexe féminin) et du gyrus frontal supérieur droit (habituellement plus volumineux dans le sexe masculin) sont modifiées, voire inversées, chez les enfants exposés aux doses les plus élevées de CPF. Enfin, le cortex, dans ce groupe, est aminci de manière dispersée au niveau pariétal dorsal et frontal, des deux côtés. Il semble aussi exister une relation inverse dose-réponse entre le pesticide et l’épaisseur du cortex cérébral.
Cette moisson de données d’imagerie recueillies, pour la première fois, dans l’espèce humaine prouvent que, même lors d’expositions non professionnelles et à des doses situées en dessous du seuil de toxicité, les organophosphorés induisent des modifications structurelles significatives pouvant expliquer les altérations de la cognition observées dans les études antérieures. Le travail des Américains qui, certes, ne porte que sur un nombre relativement restreint d’enfants, devrait pourtant attirer l’attention des autorités sanitaires sur le fait que les mesures actuelles de restriction de l’usage de ces pesticides ne tiennent pas compte de mécanismes pathogéniques autres que l’inhibition de la cholinestérase. En outre, la confirmation, par l’IRM, du retentissement de l’exposition prénatale au chlorpyrifos sur le développement cérébral et cognitif suggère que la persistance de l’usage de ce produit en agriculture (malgré son interdiction, en 2001, en zones résidentielles) fait craindre que de nombreuses femmes enceintes sont aujourd’hui encore exposées à des doses excessives.
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