L’inquiétude des utilisateurs est fondée sur la possibilité qu’a le DC à pénétrer à travers la peau. La pénétration d’un médicament appliqué sur la peau dépend de nombreux paramètres, telle que la concentration du produit. Les DC sont à des concentrations extrêmement faibles, de 0,05 % ou de 0,1 %. Appliquer le produit sur la totalité du corps humain, soit 2 mètres carrés, est différent que de l’appliquer sur une zone de peau grande comme la main. Le caractère occlusif de l’application renforce la pénétration du produit. Si on dilue les DC, cela ne diminue pas la puissance du corticoïde, mais va réduire sa vitesse d’action.
Des effets systémiques ?
Les cas de tels effets secondaires sont exceptionnels. La pénétration est plus importante au niveau des muqueuses, et dans les endroits où la peau est fine comme le scrotum ou les paupières. Pour autant, ces localisations ne sont pas des contre-indications et leur surface est infime. En revanche la pénétration est peu importante au niveau des paumes et plantes et des ongles. L’application de DC sur le corps entier s’observe chez des personnes saines à peau noire, qui utilisent leurs propriétés dépigmentantes. Dans ce cas, on verra apparaître une hyperpilosité, une atrophie cutanée, des vergetures, et des risques potentiels d’insuffisance surrénalienne à l’arrêt.
Les DC ont certes leur place dans le traitement au long cours des dermatites atopiques sévères ou des psoriasis érythrodermiques, mais il est impératif d’agir aussi de façon complémentaire différente, en privilégiant les traitements étiopathogéniques, ou systémiques.
Les formes galéniques
Les DC bénéficient de la quasi-totalité des formes galéniques. Cela va de la lotion à la crème ou à la mousse, en passant par la pommade. Ces variétés permettent des utilisations plus aisées dans certains territoires cutanés. Une lotion trouvera son indication sur une plaque suintante, les crèmes au niveau des plis et des zones suintantes, la pommade restera la forme de délivrance la plus optimale, avec une meilleure biodisponibilité de par son effet occlusif propre. On l’utilise dans les zones hyperkératosiques et lichénifiées. Le choix du niveau d’activité dépend de l’état de la couche cornée, du siège des lésions, du terrain. La quantité à appliquer est en fait celle nécessaire et suffisante pour couvrir la zone malade.
Si les médecins déplorent aujourd’hui que leurs prescriptions de DC ne soient suivies que dans 15 % des cas, on doit reconnaître que les explications données aux malades induisent une crainte qui n’est pas justifiée. On est allé jusqu’à inventer la phalangette, unité de dose correspondant à la quantité de crème corticoïde appliquée sur une surface de peau grande comme la main. Outre que cette explication est extrêmement difficile à mettre en œuvre, une maman craignant de se tromper décidera de ne pas utiliser le produit, car elle craindra que, si elle dépasse ces quantités, les risques d’effets secondaires seront grands.
Il ne sert à rien de diminuer la fréquence des applications.
Appliquer le DC une fois par jour, puis tous les deux jours, puis une fois par semaine ne se justifie pas. Si la dermatose est toujours présente elle nécessite d’être traitée quotidiennement, si elle est absente ou a disparu, il n’y a pas de raison de traiter une peau saine.
Imaginons un eczéma de contact, le DC devra être appliqué jusqu’à la disparition de l’eczéma. Celui-ci disparaîtra sans raison de réapparaître si l’agent causal a été éliminé. En cas de dermatite atopique, les causes et les mécanismes étant systémiques, les DC ont un effet symptomatique. Et donc ils seront appliqués chaque fois que le symptôme est présent.
C’est pourquoi il est impératif de détecter les facteurs sous-jacents ou en cas d’impossibilité d’agir de façon systémique par d’autres thérapeutiques.
La question souvent posée concerne le nombre d’applications par jour. Compte tenu de ce qui a été dit sur la pharmacologie de ces médicaments, rien n’empêche de les utiliser une fois, voire deux fois par jour. Or si en effet la peau saine a un effet réservoir qui lui permet en quelque sorte de stocker temporairement dans son stratum corneum du produit et de permettre sa délivrance progressive, il faut savoir que cette fonction est extrêmement modeste, et que par ailleurs dans la plupart des indications des DC la fonction réservoir n’existe plus ! Car dans un eczéma, par exemple, il n’y a plus d’orthokératose, la couche cornée a disparu, remplacée par de la parakératose.
Les propriétés des DC
Elles sont anti-inflammatoires avant tout. Les corticoïdes sont antiprolifératifs, et c’est par cette propriété qu’ils agissent dans le psoriasis en réduisant la prolifération kératinocytaire, ou dans certains lymphomes comme le mycosis fongoïde.
Les DC ont leur place dans de très nombreuses indications. Une éruption prurigineuse dès lors qu’elle est d’origine immuno-allergique sera soulagée par l’utilisation des DC. En revanche traiter par un DC un prurit sine materia, c’est-à-dire sans éruption cutanée, est une erreur.
L’érythème actinique, c’est-à-dire le coup de soleil, est une bonne indication des DC. Certaines formes pustuleuses de psoriasis telles que l’acrodermatite continue d’Hallopeau seront traitées par DC en dépit de la pustule qui, ici, n’est pas d’origine infectieuse. En revanche traiter une acné ou une rosacée par DC est sans nul doute une erreur diagnostique qui va induire des formes plus graves telles que la rosacée cortico-induite, ou encore la dermatite péri-orale.
Certaines fissures sous auriculaires, ou des commissures labiales, ne sont autres que des formes d’eczéma. Elles répondent parfaitement aux DC. Certaines dermatoses périnéales (anales, vulvaires) prurigineuses, parfois considérées comme des mycoses, ne sont autres que des dermatoses corticosensibles induites par des allergies de contact, une allergie alimentaire, un portage parasitaire…
La puissance
La classification des DC est ancrée dans la tête des médecins comme des pharmaciens. Or la puissance des DC a été établie sur leur effet vasoconstricteur sur de la peau saine ! En quelque sorte c’est comme si on évaluait la puissance d’une serpillière à sa façon de laisser passer la lumière !
Des travaux récents ont montré que la puissance des DC n’était pas toujours celle de la classification de Mc Kenzie si on les évalue sur un test de libération de l’histamine ou sur d’autres modèles d’inflammation ou sur leur capacité à freiner la prolifération kératinocytaire, ou à réduire une plaque d’eczéma de contact.
Ainsi, par exemple, un DC de classe I (selon la classification allant de I le plus puissant à IV le moins puissant) s’est trouvé moins efficace qu’un DC de classe III pour limiter la libération d’histamine !
Les effets secondaires
Les seuls vrais risques des DC sont les défauts de leur utilisation. Ils ne s’appliquent pas sur des plaques liées à un agent infectieux. Si vous confondez un herpès avec un eczéma, alors le DC aggravera les signes de l’herpès. La possible extension aggravation d’une maladie infectieuse qui serait traitée par DC ne veut pas dire que les DC appliqués sur une peau saine ou une peau inflammatoire non infectée créent un risque infectieux. De même rien ne contre-indique d’appliquer des DC sur une plaque qui serait colonisée par des agents bactériens, ou levuriques. Les plaques d’eczéma atopique sont couvertes de nombreuses colonies de staphylocoques dorés. On sait que ce sont les DC les médicaments les mieux à même de les faire partir. Les DC s’utilisent aussi dans le cas de dermite séborrhéique, même si cette dermatose est réputée liée à une levure malassezia furfur.
Un DC peut induire un eczéma de contact. Lorsque l’on applique un DC sur une plaque d’eczéma chronique, il faut souvent se demander si le DC ne pourrait pas lui-même induire un eczéma ; dans ce cas il faudra demander au malade d’appliquer le DC sur une petite zone de peau saine et d’observer l’apparition ou non à cet endroit d’un eczéma.
La tachyphylaxie
On fait souvent le reproche aux DC de ne pas traiter la maladie au fond, et d’entraîner des rechutes de l’affection. On entend souvent dire : « plus j’en mets et plus ça revient ».
Ceci n’est pas faux, en effet, mais ce n’est pas la faute des DC. Là où s’appliquent les DC il y a une cause à prendre en charge quand c’est possible. Si la cause de l’éruption n'est pas prise en charge, alors les DC n’auront qu’un rôle d’adjuvant, et donc, dès lors que l’application cessera, la maladie sous-jacente réapparaîtra. Ce n’est pas la faute des DC, car tant qu’ils sont utilisés ils seront efficaces, peu ou prou en fonction de la puissance des facteurs causaux.
CONCLUSION
Le corps médical n’est encore pas très à l’aise dans ses recommandations et prescriptions de DC. Les excès sont dans le sens d’un excès de précaution. Les DC sont des médicaments sûrs mais qui imposent une rigueur dans l’établissement du diagnostic. Dès lors, si l’on connaît ce que l’on traite, on saura utiliser à bon escient les propriétés de ces médicaments.
Il faut chasser de son esprit toutes les idées reçues concernant les DC. Il faut au contraire encourager les patients à suivre les prescriptions, qui ne sont pas suivies dans plus de 80 % des cas dans certaines affections.
Le pharmacien a dans ce cas un rôle important à jouer, en donnant au malade tous les conseils pour une utilisation optimale, avec les meilleurs effets des DC.
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