Depuis que les médias et les associations de patients ont mis sous les feux de l’actualité la tératogénicité du valproate de sodium en 2015, les autorités sanitaires françaises et européennes ont fini par réagir et prendre enfin en compte ce risque, pourtant connu depuis les années 1980 (pour les problèmes de fermeture du tube neural) et 2000 (pour effets neurodéveloppementaux tels que retards intellectuels et/ou de la marche, autisme). Le récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pointe d’ailleurs ce manque de réactivité des autorités sanitaires françaises et du Laboratoire Sanofi-aventis, qui auraient eu selon elle les moyens d’informer les populations dès 2004.
En 2015, toutefois, des mesures conséquentes ont été prises. « En France, la prescription initiale annuelle est désormais réservée aux spécialistes en neurologie, psychiatrie ou pédiatrie (selon l’indication épilepsie ou trouble bipolaire), et requiert la signature d’un accord de soins par la patiente après l’avoir informée des risques du valproate durant une grossesse, détaille Benoît Vallet, directeur général de la Santé. Le pharmacien est inclus dans ce dispositif de minimisation des risques : ainsi, il ne peut délivrer la molécule que sur présentation de l’accord de soins, et d’une ordonnance initiale rédigée par l’un des spécialistes concernés. »
Le pharmacien pris en étau
Mais dans la pratique, les choses ne sont pas si simples… Surtout pour le pharmacien qui se retrouve parfois pris en étau entre une prescription non valable (pas d’accord de soins, primo-prescription réalisée par un généraliste…) et une patiente qui doit impérativement prendre son traitement.
Une enquête téléphonique menée fin octobre 2015 par l’ANSM auprès de 202 pharmaciens soulevait déjà ces difficultés. Les officinaux ont indiqué que 94 % des patientes n’avaient pas signé l’accord de soins, que 55 % n’avaient pas d’ordonnance d’un spécialiste et que les trois quarts d’entre elles ne savaient pas qu’elles devaient en consulter un. De plus, « cette enquête relève que les pharmaciens connaissaient mieux les nouvelles conditions de prescription et de délivrance que les médecins », avance Dominique Martin, directeur de l’ANSM. « Cela interroge sur la connaissance effective par les prescripteurs des recommandations des autorités sanitaires », soulève l’IGAS.
Aujourd’hui, malgré les messages répétés de l’ANSM, le problème n’est pas pour autant réglé, et les pharmaciens sont toujours confrontés à des prescriptions non valides. « Autour de chez moi, aucun médecin n’est au courant, donc j’aimerais qu’on intensifie encore les boucles d’information. Et comment je fais avec mes patientes : d’un côté interdiction de délivrer sur prescription de généraliste, mais de l’autre interdiction d’arrêter le traitement ? », s’alarme notre confrère Thilo D sur le site du « Quotidien ».
Idem pour Laurianne M, qui constate que « lorsque l’on informe sur les risques de tel ou tel traitement et que l’on s’entend répondre invariablement : « mais c’est le docteur qui l’a prescrit, il doit quand même bien savoir » et que le médecin en question est injoignable ou refuse de changer quoi que soit, on se lasse vite d’essayer d’être aussi professionnel qu’on le devrait ».
Même déception pour Christine F, qui n’a pourtant pas manqué de réactivité : « J’ai alerté les médecins prescripteurs et les patients dès la première recommandation de l’ANSM, mais je me suis heurtée aux prescripteurs qui s’en moquaient et aux patientes qui ne comprenaient pas toujours. J’ai fait des rappels tous les mois jusqu’à obtention de la prescription adéquate, que j’ai obtenue dans les temps impartis pour les trois quarts de mes patientes. Pour les autres, certaines ont des rendez-vous chez le neurologue… en juin, voire en septembre ! », se désole-t-elle, en regrettant que « les émissions de télé pointent du doigt le pharmacien qui ne fait pas son boulot ».
Informer toujours plus
Pour améliorer la situation, les autorités sanitaires poursuivent leurs efforts de communication. Dernier en date, le conditionnement extérieur des médicaments à base de valproate indiquera, dès le mois de mars, une mise en garde supplémentaire. En rouge : « (le nom du médicament) + grossesse = risque ». Puis en dessous, en noir : « en cas de grossesse prévue ou en cours, consultez impérativement votre médecin. Lire attentivement la notice avant utilisation ».
Par ailleurs, les autorités de santé cherchent de nouveaux moyens pour atteindre les médecins. Ainsi, « l’ANSM a demandé à l’Ordre national des médecins de lui communiquer un e-mail des médecins inscrits, afin de faciliter la diffusion des messages sanitaires », déclare Dominique Martin.
La mission IGAS, qui a elle aussi constaté une mise en œuvre mal aisée de certaines des nouvelles mesures, a proposé à la CNAMTS l’idée d’informer les médecins via le canal des délégués de l’assurance-maladie (DAM). Enfin, Dominique Martin rappelle aux professionnels de santé les risques de ne pas respecter ces nouvelles conditions de prescriptions : « elles sont opposables et doivent donc être mises en œuvre », insiste-t-il.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques