Une évaluation trop rapide ?
En contexte pandémique, le développement de nouveaux vaccins doit permettre de faire face à un enjeu : être prêt en temps utile. Que penser de l’accusation portée en France sur le vaccin A(H1N1)v qui aurait été élaboré à la va-vite ? « L’évaluation ne doit pas être bâclée, mais doit être faite rapidement, explique pour le « Quotidien » le Pr Bruno Lina, directeur du Centre national de référence de la grippe à Lyon. On attend des autorités sanitaires qu’elles soient réactives avant tout. C’est la réalité du terrain. Si on estime qu’un Français attrape la grippe saisonnière une fois tous les vingt ans en moyenne, la situation est toute autre lors d’une pandémie, où 100 % de la population est infectée dans les deux ans ».
Alors, quand il s’est agi de choisir le plan de développement des nouveaux vaccins il y a quelques mois, la première option, qui consiste à faire de façon classique une évaluation sur cinq ans, a été éliminée d’emblée. Parmi les deux autres options disponibles, les États-Unis et l’Europe ont pris des partis différents, chacune de ces options présentant des avantages et des inconvénients. « L’Europe a fait le choix d’un dossier maquette, ou “mockup”, validé pour le virus grippal pandémique H5N1, les États-Unis celui du dossier maquette du virus grippal saisonnier, faisant le pari que la diffusion du virus A(H1N1)v serait la même », indique le spécialiste de la grippe. Dans les deux cas, tous les éléments du dossier, comme la présence ou non d’adjuvant, le choix des conservateurs, la quantité d’antigène par vaccin, sont validés de principe, quel que soit le virus grippal. Tout reste identique, seule la souche change.
Reste alors aux industriels à prouver l’efficacité du vaccin au cours d’essais cliniques. « En Europe, l’exigence sur le niveau de réponse immunitaire, ayant été ainsi définie pour le très virulent H5N1, est ainsi plus élevée que pour le vaccin saisonnier, poursuit le Pr Lina. Outre-Atlantique, les nouveaux vaccins devaient simplement se conformer aux critères définis pour le vaccin saisonnier. Ce qui implique qu’aux États-Unis les vaccins A(H1N1)v ne contiennent pas d’adjuvant, à l’inverse de ceux produits en Europe ».
Un « défaut » aux multiples avantages
Chaque type de vaccins présente ainsi des qualités et des défauts. Contrairement aux États-Unis, les réticences au vaccin sont fortes en France. Les professionnels de santé eux-mêmes rechignent à se faire vacciner ! « Si l’acceptabilité du vaccin aux États-Unis est excellente, concède le spécialiste, il semble pourtant que la méthode européenne présente des avantages substantiels, précisément en raison de ces adjuvants si décriés. Ce n’est pas la politique habituelle de vaccination d’utiliser des adjuvants, c’est bien là son véritable défaut. » Il y a effectivement fort à parier que le niveau de la réponse immunitaire soit plus élevé à terme. Un atout quand on sait qu’une deuxième vague épidémique n’est pas exclue. Cette formulation assurerait de plus, dans une certaine mesure, une protection croisée en cas de mutation du virus. Sans compter que l’utilisation d’adjuvants répond à une demande expresse de l’OMS visant à protéger l’ensemble de la population mondiale. En diminuant la quantité d’antigène nécessaire par vaccin, les adjuvants permettent d’augmenter les capacités de production. Sans adjuvant, les délais de livraison sont prolongés avec un schéma de production sur plusieurs semaines. Signe qui ne trompe pas, les États-Unis auront probablement recours aux vaccins adjuvantés pour faire face à la demande.
À 2 ans, 100 % d’infectés
Est-ce si important de se protéger par le vaccin ? « Le terme de “grippette” est malheureux, déplore le médecin lyonnais. Tout est question de taille de l’épidémie. En cas de pandémie, on estime que 100 % de la population est infectée dans les deux ans. Autrement dit, tous les cas graves observés sur vingt ans sont ramenés sur deux ans à dangerosité égale. Si la mortalité ne semble pas supérieure, le nombre de décès sera beaucoup plus élevé en nombre absolu. De plus, on assiste à un transfert du risque de formes graves des personnes âgées de plus de 65 ans vers les sujets de moins de 40 ans, voire très jeunes. »
À noter à ce propos que la mise en route des antiviraux ne doit pas être retardée chez les sujets à risque. On estime que le risque de formes graves est 4 à 5 fois plus élevé par rapport à une prescription précoce. Il existe néanmoins un bénéfice du Tamiflu même administré tardivement avec moins de pneumonies virales, moins d’hospitalisations et moins d’admissions en réanimation.
Si plusieurs études ont montré qu’après une dose de vaccin adjuvanté, la réponse immunitaire était satisfaisante, le schéma à deux doses a été maintenu. « Il s’agit d’une décision du ministère de la Santé, qui opte pour la prudence, conclut le Pr Lina. Le Haut Conseil de la santé publique s’est exprimé en faveur d’un schéma à une dose chez les sujets de 18 à 65 ans afin d’élargir la couverture vaccinale dans les meilleurs délais. Quant aux agences françaises et européennes, elles préconisent d’attendre les résultats des essais cliniques en cours et attendus dans les semaines à venir, avant d’envisager de conclure qu’une seule dose offre une protection suffisante. De toute façon, l’impact d’un schéma a une dose n’aura d’effet que début décembre. Plus on fait simple, mieux c’est. »
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