Les mots du client
« J’ai mal à mon genou depuis que je me suis blessé au rugby. »
« Mes doigts sont « chauds » et gonflés. »
« J’ai surtout mal le matin. »
Rappel physiopathologique
Tout commence en général par une douleur persistante à une articulation lors d’un mouvement. L’articulation est gonflée, « chaude » et douloureuse à la pression. Toutes les articulations peuvent être atteintes.
L’arthrose est une maladie à visages multiples.
Longtemps considérée comme seulement une maladie du cartilage, se manifestant par une usure lente et inexorable d’un tissu qui ne fonctionnerait que comme un amortisseur, on sait maintenant que l’arthrose est d’abord une pathologie hétérogène et une maladie d’organe qui ne cible pas seulement le cartilage.
C’est ainsi, par exemple, qu’il existe des différences majeures entre l’arthrose digitale, à l’allure systémique et parfois presque inflammatoire, l’arthrose des articulations portantes que sont le genou et la hanche, et l’exceptionnelle arthrose de la cheville, secondaire à un déséquilibre d’origine mécanique.
C’est aussi une maladie plurifactorielle avec l’émergence croissante de deux types de facteurs de risque dont les prévalences augmentent dans les sociétés modernes : les traumatismes et l’activité sportive d’une part, et le surpoids/obésité, d’autre part.
Concrètement, l’arthrose correspond à la destruction de la couche de cartilage qui recouvre normalement l’extrémité des os dans les articulations.
Mais, l’arthrose est une maladie de l’articulation et pas uniquement du cartilage, constitué de destructions et de réparations. Le rôle du vieillissement n’est pas primordial, même s’il joue bien entendu un rôle en diminuant la capacité du cartilage à résister aux agressions.
Le mécanisme initial de l’arthrose résiderait dans une fissuration du cartilage, s’étendant de la surface vers la profondeur ; fissurations apparaissant au niveau de la zone de pression principale des jointures.
Mais l’hyperpression (arthroses mécaniques) ne résume pas toutes les causes d’arthrose, il faut aussi considérer toutes les maladies qui fragilisent le cartilage, directement ou indirectement et qui représentent les arthroses structurales : chondrocalcinose (dépôt de calcium au sein du cartilage), anomalies génétiques altérant les composants du cartilage (protéoglycanes, collagène). L’hyperparathyroïdie et l’hémochromatose peuvent ainsi générer certaines arthroses.
Bien que les altérations articulaires visibles sur les radios s’aggravent en général progressivement avec le temps, mais de façon lente et imprévisible (typiquement par poussées), il existe des formes stables pendant de très nombreuses années et aussi des formes dans lesquelles le cartilage se détruit rapidement (en quelques mois), puis des altérations osseuses (déformations osseuses, surtout au niveau des doigts), l’os sous-chondral étant mis à nu. Entre les deux, il existe toutes les formes intermédiaires possibles.
Les questions à l’officine
Quel sport puis-je pratiquer ?
Il est habituel d’encourager une activité physique régulière, car elle est bénéfique à l’état général et peut aider à la perte de poids, mais sous réserve qu’elle ne soit pas cause de douleurs.
Il est essentiel d’éviter les traumatismes, surtout répétés, de ne jamais insister si une douleur augmente à l’effort ou encore en cas de gonflement d’une articulation. Il est primordial de porter les protections nécessaires à chaque sport (une fracture ou une luxation prédispose à une arthrose précoce), de toujours veiller à commencer et à terminer progressivement une activité physique. Le cyclisme et la natation sont des sports particulièrement recommandés.
Comment mon arthrose des mains peut-elle être liée à mon obésité ?
En effet, on sait maintenant que l’obésité est un facteur majeur d’arthrose, et pas seulement en raison des contraintes mécaniques qu’elle impose comme on pourrait le penser a priori.
Les chercheurs ont montré que l’obésité agit aussi indirectement en activant de manière anormale les cellules du cartilage, autrement dit les chondrocytes, et en ciblant l’os de l’articulation situé sous le cartilage, en déclenchant la libération de médiateurs pro-inflammatoires qui vont détruire la matrice du cartilage. Le tissu adipeux peut synthétiser et libérer des substances, dénommées adipokines, capables d’agir à distance en exerçant des effets pro-inflammatoires, notamment sur les articulations des mains.
En allant plus loin dans ce raisonnement, on peut également avancer qu’une arthrose survenant chez une personne obèse doit être considérée comme un signal d’alerte pour d’autres maladies qui pourraient être associées, comme le diabète de type 2 et les pathologies cardiovasculaires.
Ma femme souffre d’une importante arthrose des genoux mais hésite à se faire poser une prothèse
…
Tout dépend de l’intensité de la gêne dans la vie quotidienne (tâches ménagères, mobilité, activités de loisirs…) et/ou des douleurs. Il faut avoir conscience que ce sont les symptômes et non pas l’état de l’articulation sur la radiographie ou l’IRM qui impose à lui tout seul l’intervention. Il faut aussi s’assurer que le traitement médical a été conduit de manière optimale. De plus, sachant que la durée de vie d’une prothèse est limitée, on peut se poser la question d’en retarder la pose autant que possible chez les patients « jeunes » (avant 60 ans).
Enfin, si votre femme est en surpoids, le fait de maigrir devrait la soulager, et sans doute freiner la progression de sa gonarthrose. Il existe d’ailleurs un « effet-dose » de l’obésité, le risque d’arthrose du genou augmentant de 15 % pour chaque majoration d’un point de l’indice de masse corporelle.
Chez le médecin
On sait que le symptôme principal de l’arthrose est représenté par la douleur (néanmoins, certaines lésions arthrosiques ne sont pas douloureuses), typiquement déclenchée par l’usage de l’articulation et calmée par le repos.
Dans le cas le plus général, seule l’atteinte du genou ou de la hanche peut engendrer un handicap important, apprécié par le « périmètre de marche ».
La raideur articulaire, qui limite les mouvements, est constante, mais tardive au cours de l’évolution et très variable selon les articulations.
Les articulations sont très diversement atteintes et il existe des variations en fonction du sexe (l’arthrose des doigts et des genoux est plus fréquente chez la femme).
Lors de poussées congestives, les phénomènes inflammatoires occupent le devant de la scène, avec des douleurs vives survenant dès le matin. Elles peuvent être aussi présentes la nuit. Lors de ces poussées, au cours desquelles il existe un risque d’aggravation des lésions du cartilage, il est recommandé de laisser l’articulation au repos.
Avec le temps le processus évolutif finit souvent par s’éteindre, au prix, néanmoins, d’une légère limitation de l’amplitude des mouvements. Quant à l’arthrose de la hanche, si elle a une forte tendance à évoluer vers une invalidité douloureuse progressivement croissante, ce n’est que dans environ 30 % des cas. Les formes stables seraient largement majoritaires (70 %) et les formes destructrices rapides, très douloureuses et invalidantes, représenteraient moins de 10 %.
Les traitements
S’il ne faut pas donner de faux espoirs aux patients, il convient également d’éviter toute attitude de renoncement car il existe une panoplie de moyens, médicamenteux et non médicamenteux. Il est également important de souligner que le traitement a pour but de traiter la douleur et de stabiliser la situation, d’essayer de respecter les recommandations, de faire maigrir le cas échéant et de mettre en œuvre une thérapeutique symptomatique en prenant garde aux effets indésirables et aux interactions médicamenteuses.
Des mesures d’ordre général sont toujours essentielles.
À commencer par perdre un peu de poids, ce qui soulage le fonctionnement des genoux et diminue l’usure du cartilage. Il faut aussi éviter les traumatismes articulaires, surtout répétés.
Les traitements médicamenteux symptomatiques de première intention sont représentés par le paracétamol et les anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Il faut utiliser le paracétamol à dose suffisante (3 à 4 g par jour) avant de conclure à son inefficacité (sa relative innocuité a été depuis peu remise en question par certains travaux ayant pointé une possible toxicité digestive et cardiovasculaire). Il est recommandé de privilégier leur emploi par cures, plutôt qu’au long cours.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont des antalgiques efficaces dans la pathologie arthrosique, mais la gravité potentielle de leurs effets indésirables (digestifs et cardiovasculaires ; à ce sujet rappelons que la prise concomitante d’un antiacide, le plus souvent un inhibiteur de la pompe à protons, prévient les effets indésirables gastriques mais pas les saignements occultes intestinaux, assez fréquents chez les patients âgés) lors d’administrations prolongées implique un usage prudent en privilégiant les cures courtes. Leur prescription ne doit donc être envisagée qu’en deuxième intention, le plus souvent en association avec le paracétamol, après évaluation précise du risque cardiovasculaire et digestif.
Si les produits à demi-vie longue ou à libération prolongée sont intéressants chez l’adulte non âgé, il est plus prudent de recourir à des médicaments à demi-vie courte chez le sujet âgé. Chez ce dernier, mieux vaut administrer la dose minimale efficace (attention au risque d’insuffisance rénale).
La voie locale a une efficacité intéressante. Les AINS sous forme de gel ont une bonne pénétration locale dans les structures périarticulaires et le liquide synovial. Ils sont encore plus efficaces si on utilise un pansement occlusif (le passage transcutané est alors multiplié par 4).
Le recours aux antalgiques opiacés/morphiniques faibles du palier 2 (codéine, tramadol ; très souvent associés au paracétamol) peut être envisagé lorsque le paracétamol utilisé à dose suffisante est inefficace ou trop peu efficace. Attention néanmoins à la fréquence de leurs effets indésirables chez les sujets âgés, et notamment au risque d’augmentation des chutes et donc de fractures. Les antalgiques de palier 3 (morphiniques forts) n’ont théoriquement pas leur place dans le traitement de l’arthrose compte tenu de l’importance de leurs effets indésirables lors de prises au long cours ; ils présentent néanmoins un intérêt chez des patients sélectionnés (contre-indication opératoire, inefficacité antalgique des autres traitements), en utilisant les doses minimales efficaces et en veillant à prévenir leurs effets indésirables (ils majorent également le risque de chute, parmi d’autres risques).
Les infiltrations de corticoïdes (non fluorés) sont très utilisées, notamment au niveau du genou, mais pas pour la hanche, lors des poussées inflammatoires. Leur nombre ne doit pas dépasser 3 par an et par articulation. Dans certains cas, l’injection est précédée d’un lavage articulaire (arthroclyse) au sérum physiologique, réalisé sous anesthésie locale, ce qui permet d’éliminer des débris cartilagineux, la fibrine et des facteurs inflammatoires irritants pour la membrane synoviale.
Dans la catégorie des antiarthrosiques symptomatique d’action lente, on trouve des produits très différents, comme le chondroïtine sulfate - ChondroAid, Chondrosulf, Structum, les insaponifiables de soja et d’avocat (dans les proportions respectives de 2/3 et 1/3) - Piasclédine, la glucosamine, l’oxacéprol - Jonctum et la diacérhéine - Art 50, Zondar. La manifestation de leur activité (démontrée par plusieurs études) exige toujours un certain délai, de l’ordre de plusieurs semaines ; ils présenteraient un effet rémanent après leur arrêt. En outre, il a été avancé que l’emploi de certains d’entre eux pourrait permettre une réduction de la prise d’AINS.
Des injections d’acide hyaluronique (Hyalgan, Synvisc…), un polysaccharide entrant dans la composition du cartilage et de la synovie, sont pratiquées à un rythme en général d’une par semaine pendant 3 à 5 semaines. Il s’agit du concept de la viscosuppléance, essentiellement mis à profit pour le genou : la substance injectée lubrifie le cartilage, absorbe les chocs mécaniques et favorise ainsi une plus grande mobilité.
Enfin, on peut aussi penser, en complément, à la phytothérapie (reine-des-prés, saule blanc, frêne, harpagophytum, fraisier, cassis, cochléaire, cresson, raifort, raifort, argousier, églantier, groseillier, framboisier…), à l’homéopathie (Bryonia, Actea spicata, Ruta graveolens…) et aux oligo-éléments (or, zinc, sélénium, cuivre, bore).
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