Les mots du client
- « Le psoriasis est très fréquent dans ma famille.
- Je suis astreint à des bilans biologiques réguliers.
- Ma thyroïde ne fonctionne pas assez. »
Rappel physiopathologique
Les maladies auto-immunes représentent un groupe hétérogène de maladies dont l’origine précise demeure souvent partiellement inconnue Elles ont en commun le fait d’être en étroite liaison avec un dysfonctionnement immunitaire, autrement dit (globalement) un trouble de la distinction entre le « soi » et le « non-soi ». Cela étant, cette dernière notion n’est plus actuellement considérée comme essentielle dans l’expression clinique des maladies auto-immunes. Il faut aussi savoir qu’en dehors de tout contexte pathologique, il existe des lymphocytes T et B dits autoréactifs ainsi que des auto-anticorps naturels ; autoréactivité modulable par de multiples facteurs, hormonaux ou « chimiques ». Et qu’il existe un continuum entre l’autoréactivité nécessaire au fonctionnement normal du système immunitaire et l’autoréactivité pathologique, où l’extension quantitative ou qualitative peut contribuer ou induire des éléments pathogènes lésionnels.
On considère aujourd’hui que l’induction initiale résulte d’une agression peu spécifique ; la difficulté à contrôler une réponse face à ce danger étant susceptible de favoriser l’amplification de l’auto-immunité naturelle. Le passage de l’auto-immunité physiologique à l’auto-immunité pathologique implique l’association de facteurs environnementaux associés à des facteurs individuels, en particulier génétiques.
Le plus souvent, les maladies auto-immunes expérimentales ou spontanées sont transmises à un animal receveur sain par les lymphocytes T, mais pas par les anticorps. Ces pathologies sont généralement aggravées par l’injection de certaines cytokines et améliorées par d’autres. Rappelons que les cytokines sont des protéines chargées de la communication entre des cellules de différents systèmes et qu’elles agissent par l’intermédiaire de récepteurs membranaires spécifiques. Les principales cytokines de l’inflammation sont le TNF alpha (Tumor Necrosis Factor) et l’interleukine 1 (IL1). Elles contribuent au tableau clinique par des effets systémiques (asthénie, fièvre) et locaux.
Quid des auto-anticorps ?
Il en distingue plusieurs catégories. Il ne faut pas méconnaître que presque tous ces auto-anticorps peuvent aussi être mis en évidence chez des personnes ne présentant pas de manifestations cliniques.
- Anticorps anti-nucléaires.
- Anticorps anti-phospholipides.
- Anticorps dirigés contre le cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA).
- Facteurs rhumatoïdes.
- Anticorps anti-globules rouges.
- Cryoglobulines.
Exemples de cibles d’auto-anticorps pathogènes :
- Anticorps anti-récepteurs : récepteurs de l’acétylcholine (myasthénie), récepteur de la TSH (maladie de Basedow), facteur intrinsèque (anémie de Biermer)
- Anticorps anti-érythrocytes, anti-neutrophiles, anti-plaquettes : anémies hémolytiques, neutropénies, thrombocytopénies
- Anticorps dirigés contre les protéines de jonction entre les kératinocytes (pemphigus), contre les membranes basales (syndrome de Goodpasture), contre certaines activités enzymatiques (anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles reconnaissant des protéases dans les vascularites), contre des facteurs de la coagulation (anticorps anti-phospholipides responsables de thromboses)
Maladies auto-immunes
On distingue :
- Les maladies auto-immunes systémiques : connectivites (lupus érythémateux disséminé, sclérodermie, dermatomyosites), connectivites mixtes, syndrome de Gougerot-Sjögren.
- Les maladies auto-immunes spécifiques d’organes ou de tissus : thyroïdite d’Hashimoto, maladie de Basedow, diabète insulinodépendant, myasthénie, certains pemphigus, hépatites auto-immunes, anémie de Biermer, cytopénies auto-immunes…
On y associe la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques, le psoriasis, la sarcoïdose et les maladies intestinales inflammatoires chroniques ou MICI (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique).
Les allergies ne sont pas considérées comme des maladies auto-immunes.
De nombreux facteurs favorisants ont été identifiés, mais le caractère multifactoriel implique qu’aucun d’entre eux ne suffit à lui seul à expliquer la maladie.
Il existe une nette prédominance féminine pour l’ensemble de ces maladies ; surtout en ce qui concerne les thyroïdites, connectivites et polyarthrites.
Parmi les facteurs favorisants identifiés, on peut citer le rôle des estrogènes pour les connectivites, l’exposition aux ultra-violets, aux poussières (silice, plastiques), à certains médicaments associés au lupus (bêta-bloquants, isoniazide, interférons alpha, anti-TNF alpha…).
Surtout, on a amplement démontré le poids d’une prédisposition génétique.
Les questions à l’officine
L’endocrinologue m’a diagnostiquée une thyroïdite mais ne m’a prescrit aucun traitement « pour l’instant », m’a-t-il dit. Je trouve cela curieux. Qu’en pensez-vous ?
Vous avez peut-être ce que l’on appelle une thyroïdite infraclinique, autrement dit accompagnée de très peu, voire pas du tout, de signes cliniques. Votre médecin vous a certainement prescrit un dosage de TSH ; son taux ne l’a apparemment pas incité à instituer un traitement par hormone thyroïdienne. Mais c’est une situation qui peut changer dans l’avenir, ce qui doit motiver de votre part un suivi régulier en fonction de ses préconisations. Les raisons qui pourraient conduire à un traitement sont représentées par l’apparition de certains symptômes et l’évolution de votre taux de TSH.
Ma femme qui a une polyarthrite rhumatoïde peut-elle faire normalement ses rappels de vaccins ?
A priori oui, la décision revenant bien entendu au médecin vaccinateur. La vraie question concerne plutôt le traitement en cours. Si votre femme reçoit un immunosuppresseur, comme une biothérapie par exemple, cela contre-indique en principe les vaccins vivants et l’efficacité des vaccins inactivés peut être diminuée. Néanmoins, la réponse immunitaire à une dose de rappel semble moins influencée par un traitement immunosuppresseur que pour une primovaccination. Enfin, il ne faut pas oublier que la protection des patients recevant un tel traitement passe aussi par la vaccination de son entourage.
Je suis un traitement prolongé par Cortancyl et je m’inquiète des possibles effets indésirables. Que dois-je faire ?
Il convient de suivre attentivement les préconisations de votre médecin. Tout dépend de la dose et de la durée des prises. On estime généralement qu’en traitement d’entretien prolongé à une posologie supérieure à 7,5 mg/j doit faire l’objet d’une particulière vigilance.
La surveillance et la prévention des effets indésirables sont en effet très importantes. Cela concerne les os, avec un risque majoré d’ostéoporose (vitamine D, calcium, biphosphonates), le tube digestif avec un risque d’ulcère (inhibiteurs de la pompe à protons ; attention à une majoration du risque en cas de prise concomitante d’un anti-inflammatoire non stéroïdien), une augmentation du risque infectieux, une hypertension artérielle (réduire fortement sa consommation de sel), un diabète (régime, diminution des sucres rapides).
Chez le médecin
Les maladies auto-immunes surviennent souvent chez des sujets jeunes, avant 50 ans, mais la fréquence des auto-anticorps augmente avec l’âge.
Les associations de maladies auto-immunes sont fréquentes d’emblée ou au cours de l’évolution. Le profil clinique de ces affections est très variable et le pronostic difficile à prévoir.
En dehors bien entendu du tableau clinique propre à chaque maladie auto-immune, la recherche d’auto-anticorps représente une aide puissante au diagnostic… tout en sachant que leur présence ne signe pas obligatoirement une maladie auto-immune (tout au moins dans l’immédiat).
Une demande de dosage d’auto-anticorps (qui peuvent être spécifiques ou non spécifiques d’organes), est recommandée devant un tableau clinico-biologique d’emblée évocateur d’une maladie auto-immune particulière (par exemple chez une femme jeune présentant des arthralgies inflammatoires associées à un vespertilio : une variété de pathologie cutanée appartenant aux lupus érythémateux, se traduisant par une rougeur, accompagnée de plaques de peau, localisée sur les pommettes, la tranche du nez, le front, le cou et parfois la région du décolleté), des manifestations systémiques dont l’ensemble n’oriente pas vers une maladie auto-immune spécifique (par exemple chez un homme d’âge moyen des arthralgies et des myalgies diffuses associées à une altération de l’état général et à syndrome inflammatoire), et systématiquement dans certains bilans étiologiques (hypothyroïdie de la femme jeune où les anticorps antithyroïdiens orientent vers une thyroïdite auto-immune, des anomalies inexpliquées de tests hépatiques où les anticorps antimitochondries font évoquer une cirrhose biliaire primitive, des thromboses récidivantes chez un sujet jeune où des anticorps antiphospholipides sont en faveur d’un syndrome des antiphospholipides).
Cela étant, leur absence n’exclut pas le diagnostic de maladie auto-immune, notamment au début de l’affection ; de plus, les auto-anticorps ne sont pas toujours constants dans toutes ces pathologies et leur détection dépend de la technique utilisée ainsi que du seuil de chaque laboratoire. Enfin, un déficit immunitaire constitutionnel ou acquis (infection VIH, traitement immunosuppresseur) peut mettre en défaut leur recherche.
À l’inverse, leur présence ne signe pas obligatoirement une pathologie immune. On peut, en effet, identifier des auto-anticorps dans certaines inflammations non spécifiques, comme une infection par le VIH ou le parvovirus B19, ainsi qu’au cours des néoplasies et des hémopathies ; plus fréquents après 60 ans, ils peuvent aussi être induits par certains médicaments (bêta-bloquants, isoniazide, procaïnamide, interférons, anti-TNF alpha…).
Les traitements
Le caractère non spécifique d’une grande partie de la réaction pathogénique permet de contrôler ces maladies en agissant précisément sur ses aspects non spécifiques.
Le développement des biothérapies a été à l’origine de progrès très significatifs dans la prise en charge.
Un traitement précoce précédant la survenue de séquelles irréversibles est un facteur important.
- Corticoïdes : ce sont les médicaments les plus anciennement utilisés. Un effet anti-inflammatoire est observé à faibles doses par une action inhibitrice de l’expression des gènes des cytokines, tandis qu’à fortes doses se développe un effet immunosuppresseur et antiprolifératif. La prednisone-Cortancyl et la prednisolone-Solupred, sont les produits de référence. Les posologies utilisées dépendent de la gravité. À titre d’exemple, la posologie initiale peut être de l’ordre de 1 à 1,5 mg/kg/j, pendant plusieurs semaines, suivies d’une diminution progressive des doses, en fonction de l’évolution ; avec, si possible, une dose d’entretien autour de 7,5 à 10 mg/j.
- Immunosuppresseurs : méthotrexate (7,5 à 15 mg/semaine per os en une seule prise), ciclosporine- Sandimmun et Néoral (per os, 2,5 à 5 mg/kg/j, en 2 prises à 12 heures d’intervalle), azathioprine-Imurel (2 à 4 mg/kg/j), cyclophosphamide-Endoxan (per os, 2 à 3 mg/kg/j), léflunomide-Arava (per os, dose de charge 100 mg/j pendant 3 jours, puis 20 mg/j), hydroxychloroquine-Plaquenil (per os, 6,5 mg/kg/j, en 2 ou 3 prises, à la fin des repas).
- Biothérapies : abatacept-Orancia, (en perfusion IV, 500 à 1 000 mg une fois par mois), adalimumab- Humira (voie sous-cutanée, 40 mg toutes les 2 semaines), certolizumab-Cimzia (voie sous-cutanée, dose de charge de 400 mg à S0, S2 et S4, puis 200 mg 2 fois par mois), étanercept-Enbrel (voie sous-cutanée, 25 mg, 2 fois par semaine), infliximab-Remicade (en perfusion IV, 3 mg/kg, à S0, S2, S6, puis toutes les 8 semaines).
Traitements des dysthyroïdies
Le traitement de l’hyperthyroïdie de la maladie de Basedow consiste essentiellement à freiner l’hormonosynthèse thyroïdienne par les antithyroïdiens : carbimazole-Néo-Mercazole, thiamazole-Thyrozol, propylthiouracile-Propylex, benzylthiouracile-Basdène.
La durée optimale du traitement (6, 12, 24 mois ?) reste inconnue. L’association de thyroxine ne diminue pas le taux de rechute, mais semble faciliter le maintien de l’euthyroïdie ainsi que le suivi (moins d’examens biologiques et de visites spécialisées). Attention aux risques associés aux antithyroïdiens : agranulocytose (fièvre, angine), cytolyse hépatique (nausées, prurit, ictère).
La prise en charge de l’hypothyroïdie de la thyroïdite d’Hashimoto repose sur l’administration d’hormone thyroïdienne à dose substitutive, soit, en moyenne, 1,6 microgramme/kg/j de lévothyroxine (à absorber chaque jour dans les mêmes conditions, à distance des éventuelles autres thérapeutiques susceptibles de diminuer son absorption intestinale : sels de fer ou de magnésium, inhibiteurs de la pompe à protons).
À savoir : le taux des auto-anticorps ne représente pas toujours un marqueur fiable de surveillance.
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