Les principaux médicaments
Fentanyl-Abstral, Actiq, Effentora et Instanyl, oxycodone-Oxynormoro, tramadol + paracétamol-Ixprim et Zaldiar.
Mécanismes d’action
Les opioïdes exercent leurs effets en agissant sur des récepteurs spécifiques : mu (analgésie, sédation, bradycardie, dépression respiratoire, dysphorie, dépendance physique), delta (analgésie, dépression respiratoire) et kappa (analgésie, sédation, dépression respiratoire), situés au niveau des nocicepteurs périphériques, de la moelle épinière et du cerveau.
Le fentanyl est un très puissant agoniste des récepteurs opioïdes mu. Il est classé dans les antalgiques de palier 3.
L’oxycodone correspond à la codéine dans laquelle un atome d’hydrogène a été remplacé par un groupe hydroxyle OH.
Le tramadol, dont l’efficacité est environ le 10e de celle de la morphine, bloque les récepteurs mu, inhibe la libération de la substance P (un neuropeptide physiologique notamment associé dans le système nerveux à la régulation des messages nociceptifs) ainsi que la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, deux neurotransmetteurs impliqués dans l’inhibition descendante de la douleur au niveau de la moelle épinière ; son association au paracétamol apporte une complémentarité d’action, associée à des demi-vies compatibles.
Dans quelles situations cliniques ?
Effentora, Instanyl, Abstral et Actiq sont indiqués dans le traitement des accès douloureux paroxystiques des patients cancéreux recevant déjà un traitement de fond opioïde.
Il s’agit de nouvelles formes transmuqueuses (passage direct dans la circulation sanguine, sans effet de premier passage hépatique, avec une cinétique proche de celle d’une injection intraveineuse) de fentanyl agissant rapidement (moins d’un quart d’heure) et durant un temps limité (entre 1 et 2 heures).
Oxynormoro est indiqué, à partir de 18 ans, dans les douleurs cancéreuses, intenses ou rebelles aux antalgiques de niveau plus faible.
Le tramadol est efficace sur les douleurs modérées à intenses. Son association au paracétamol (Ixprim, Zaldiar), un antalgique de palier I, est intéressante car elle permet de diminuer les posologies à efficacité similaire et ainsi de réduire les effets indésirables.
Posologies recommandées chez l’adulte et plans de prise
Fentanyl
Rappelons que les formes transmuqueuses de fentanyl ne doivent être mises en œuvre qu’au bénéfice de patients recevant déjà un traitement de fond opioïde adéquats et ne souffrant pas de plus de quatre accès douloureux paroxystiques par jour.
La posologie des formes transmuqueuses, qui doit donc être déterminée individuellement afin d’obtenir l’effet analgésique approprié avec le minimum d’effets indésirables, est souvent indépendante de la dose quotidienne du traitement de fond. Les patients doivent faire l’objet d’une surveillance attentive durant la phase de titration.
Comprimé sublingual
• Abstral : il s’agit de la première présentation du fentanyl en comprimés sublinguaux. Six dosages sont disponibles : 100, 200, 300, 400, 600 et 800 microgrammes. Il est recommandé de commencer la titration en utilisant les comprimés dosés à 100 microgrammes. Les comprimés doivent être placés directement sous la langue, le plus loin possible et y fondre entièrement, sans être ni sucés ni mâchés. Les patients ne doivent pas manger ni boire avant la dissolution complète. Si une analgésie adéquate n’est pas obtenue dans les 15 à 30 minutes, un second comprimé peut être administré. Si cela s’avère insuffisant, il faut envisager l’utilisation du dosage immédiatement supérieur lors de l’accès douloureux paroxystique suivant.
On peut conseiller aux patients présentant une sécheresse buccale, comme pour tous les produits destinés à se dissoudre dans la cavité buccale, de boire un peu d’eau avant l’administration du médicament.
Comprimé gingival
• Actiq : il s’agit de comprimés avec applicateur buccal existant sous six dosages (200, 400, 600, 800 1 200 et 1 600 microgrammes). Le comprimé doit être placé contre la face interne de la joue et celui-ci doit être déplacé, grâce à l’applicateur, contre la muqueuse afin d’améliorer l’absorption du principe actif. Il faut laisser fondre le comprimé (environ 15 minutes) sans le sucer, le mâcher ou le croquer, car l’absorption est plus rapide à travers la muqueuse buccale que par voie digestive. La titration commence avec la dose de 200 microgrammes. Si une analgésie satisfaisante n’est pas obtenue dans le quart d’heure qui suit la dissolution complète, une seconde unité d’Actiq de même dosage peut être utilisée. Il ne faut pas utiliser plus de deux unités d’Actiq pour traiter un même accès douloureux paroxystique.
• Effentora : les comprimés d’Effentora sont dosés à 100, 200, 400, 600 ou 800 microgrammes de fentanyl. Pour extraire les comprimés, ne pas les pousser à travers la feuille de couverture car cela risquerait de les endommager : détacher chaque alvéole de la plaquette, plier l’alvéole selon la ligne imprimée et retirer la feuille de couverture pour laisser apparaître le comprimé ; le comprimé ne doit pas être conservé une fois la feuille de couverture retirée.
Les comprimés doivent être retirés de l’emballage juste avant d’être placés entre la gencive et la joue ou sous la langue et se dissolvent en général entre 14 et 25 minutes. Après 30 minutes, tous les morceaux de comprimés restants peuvent être avalés avec un verre d’eau.
Les comprimés ne doivent être ni brisés, écrasés, avalés, sucés ou mâchés.
Il ne faut rien boire ni manger tant que le comprimé demeure dans la bouche.
La dose initiale doit être de 100 microgrammes, avec une augmentation progressive de la posologie.
Spray nasal
• Instanyl : Instanyl est la première présentation de fentanyl en spray nasal. Il existe sous trois dosages, 50, 100 et 200 microgrammes par dose et est conditionné dans une boîte sécurisée dotée d’une protection enfant.
Cette forme présente notamment l’avantage d’être aussi utilisable chez les patients souffrant de nausées et/ou de vomissements, de syndrome de la bouche sèche ou de mucite.
Lors de l’administration, il est recommandé au patient de se mettre en position assise ou debout. L’embout du flacon pulvérisateur doit être nettoyé après chaque utilisation. Avant la première utilisation le flacon doit être amorcé jusqu’à l’apparition d’une fine brume (soit 3 ou 4 actionnements) et si le médicament n’a pas été utilisé pendant plus de 7 jours, il faut actionner le flacon pulvérisateur une fois à l’air libre avant d’administrer la dose suivante.
Comme tous les morphiniques, Instanyl doit faire l’objet d’une titration soigneuse et progressive, en commençant par une dose de 50 microgrammes dans une narine. Si une analgésie satisfaisante n’est pas obtenue, la même dose peut être réadministrée après un délai d’au moins 10 minutes. À chaque étape de la titration, une même dose doit être évaluée lors de plusieurs accès. Toujours attendre 10 minutes avant d’administrer une seconde dose.
Lors des essais cliniques, les doses les plus fréquemment utilisées ont été 100 et 200 microgrammes.
Oxycodone
• Oxynormoro : il s’agit de comprimés orodispersibles dosés à 5, 10 ou 20 mg. Le comprimé se délite rapidement dans la bouche et est ensuite avalé. Ce médicament peut être utilisé en traitement continu ou utilisé pour la prise en charge des accès douloureux non contrôlés par un traitement de fond (notamment par une forme à libération prolongée d’oxycodone). Chez les patients recevant des morphiniques pour la première fois, il est conseillé de commencer par administrer 5 mg toutes les 4 à 6 heures. Pour ceux en ayant déjà reçu antérieurement, la dose initiale est déterminée en tenant compte de la dose de morphine prise auparavant. À titre d’exemple, par voie orale, 10 mg d’oxycodone sont équivalents à 20 mg de morphine.
Tramadol associé au paracétamol
• Ixprim et Zaldiar : il est conseillé de commencer par une dose de 2 cp (tramadol 37,5 mg + paracétamol 375 mg par comprimé), la posologie maximale étant de 8 comprimés par jour (ce qui correspond à 300 mg de tramadol et 2 600 mg de paracétamol), en espaçant les prises d’au moins 6 heures. Les comprimés pelliculés doivent être avalés tels quels et les comprimés effervescents doivent être dissous dans un verre d’eau.
Cas particuliers
Grossesse et allaitement
Sauf nécessité absolue, les opioïdes ne doivent pas être utilisés durant la grossesse. L’allaitement doit être évité durant le traitement (ces produits sont excrétés dans le lait) et ne peut reprendre qu’au moins 48 heures après la dernière administration.
Vigilance requise !
Contre-indications absolues, en dehors de la grossesse et de l’allaitement.
Les opioïdes sont contre-indiqués en cas de dépression respiratoire sévère ou d’obstruction sévère des voies aériennes.
L’emploi d’Instanyl est déconseillé en cas de radiothérapie antérieure du visage ou d’épisodes récurrents de saignements de nez.
Le paracétamol est déconseillé chez les personnes dont le fonctionnement hépatique est gravement altéré, en raison d’un risque d’hépatite grave.
Insuffisance rénale ou hépatique
La prudence s’impose chez les patients âgés ou atteints d’une insuffisance rénale ou hépatique modérée à sévère, en raison du risque de réduction de la clairance et d’une augmentation de la demi-vie.
Effets indésirables
Tous les morphiniques exposent peu ou prou aux mêmes types d’effets indésirables : dépression respiratoire (en rythme et amplitude) via des actions au niveau des centres respiratoires (diminution de leur sensibilité à la concentration en CO
Le tramadol entraîne surtout des nausées et des vertiges.
Du fait du risque potentiel de sédation, d’étourdissements ou de troubles de la vision, la plus grande prudence est recommandée aux patients au regard de la conduite d’un véhicule ou de l’utilisation d’une machine.
Symptômes d’un surdosage en fentanyl : sédation profonde, dépression respiratoire (symptôme principal), ataxie (altération de la coordination fine des mouvements volontaires : troubles de la marche, de l’équilibre et de la station debout, du guidage des mouvements par la vue...), myosis (diminution du diamètre de la pupille), convulsions.
Interactions médicamenteuses
D’une manière générale, l’administration concomitante d’opioïdes et d’autres dépresseurs du système nerveux central (autres opioïdes, psychotropes, antihistaminiques H1 sédatifs, alcool) expose au risque d’une majoration des effets dépresseurs de chaque produit.
Les effets des opioïdes sont pharmacologiquement entravés (blocage compétitif des récepteurs) par l’association à un agoniste – antagoniste, comme la buprénorphine ; il faut penser à l’éventualité d’un traitement de substitution aux opiacés par buprénorphine haut dosage.
L’association aux IMAO n’est pas recommandée, ainsi que durant les 14 jours qui suivent l’arrêt de ces derniers.
Les inducteurs (rifampicine) du cytochrome P 450 CYP 3A4 diminuent l’activité du fentanyl et des autres opioïdes et les inhibiteurs (ritonavir, kétoconazole, itraconazole, clarithromycine, jus de pamplemousse...) l’augmentent (augmentation des effets indésirables).
La pulvérisation intranasale d’un vasoconstricteur local (oxymétazoline) diminue très significativement l’absorption du fentanyl et donc l’efficacité d’Instanyl. En l’absence de données, il est prudent d’éviter l’association d’Instanyl à n’importe quelle catégorie de médicaments administrés par voie nasale.
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