C’EST un patient pas ordinaire qui se présente en salle d’examen. Le scanner vrombit déjà et les opérateurs s’affairent pour installer le sujet sur la nacelle mobile. Exiger l’immobilité absolue ? Cela ne sera pas nécessaire, car le malade, bandé de la tête aux pieds, est décédé il y a un peu plus de 3 500 ans. Comme une vingtaine de ses camarades, cette momie a été réveillée de son long sommeil au musée des Antiquités égyptiennes du Caire pour passer au crible du tomodensitomètre. Si la démarche n’est pas vraiment nouvelle, le résultat obtenu par l’équipe du Dr Grégory Thomas*, professeur de cardiologie à l’Université de Californie, n’en n’est pas moins surprenant.
Vers 1 200 avant notre ère, le Pharaon Mérenptah serait apparemment mort d’athérosclérose vers l’âge de 60 ans. Voilà ce qui a inspiré sa recherche au cardiologue américain, bien décidé à démontrer le fait que l’affection était déjà répandue dans la haute société égyptienne. Vingt momies ont donc été sélectionnées, avec l’aide d’égyptologues et de spécialistes en préservation des corps. Sans toucher aux bandelettes, une attention particulière a été portée à leur système cardiovasculaire. Un diagnostic, Docteur ? Si l’on ne peut affirmer qu’elles en sont décédées, 9 des 16 momies qui avaient encore des artères identifiables ou leur cœur, malgré la momification, présentaient une calcification coronarienne. Un résultat qui suggère que les maladies cardio-vasculaires ne sont pas le seul apanage de nos sociétés contemporaines. Et qui nous « conduit à penser qu’il convient de regarder au-delà des facteurs de risque modernes pour réellement comprendre cette affection », interprète le Dr Grégory Thomas. Alimentation riche en graisse, sédentarité ou tabagisme, quelle fâcheuse habitude encrassait les artères des anciens égyptiens ? À ce stade de l’enquête, les paléopathologistes passent la main à leurs collègues archéologues et autres éthologues.
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