En France, près de trois millions de personnes prennent un traitement médicamenteux pour un diabète (4,7 % de la population). Chaque année, 8 000 patients diabétiques sont amputés, 12 000 hospitalisés pour infarctus du myocarde et près de 4 000 nouveaux cas d’insuffisance rénale terminale sont enregistrés. En 2012, l'assurance-maladie a consacré 15 % de ses dépenses aux remboursements des patients diabétiques.
Face à cette épidémie, les professionnels de santé libéraux et hospitaliers ont compris très tôt l'intérêt de travailler de façon plus collégiale à la création de réseaux de soins ou de programmes d'éducation thérapeutique. Cette coordination ville/hôpital a été érigée en exemple à l'occasion d'une table ronde de la Paris Healthcare Week où sont intervenus des pharmaciens et des médecins des deux secteurs. Mais jusqu'où aller dans la redéfinition de la prise en charge ?
Réduire les erreurs médicamenteuses
La conciliation médicamenteuse est déjà un terrain largement partagé. Estampillée « HAS » (Haute Autorité de santé), cette démarche de prévention des erreurs médicamenteuses prend la forme d'un document (écrit ou digital) commun à tous les professionnels autour d'un même patient. Ces derniers y répertorient les informations nécessaires, en particulier à chaque point de transition (admission à l'hôpital, sortie ou transferts). Le CHU de Nîmes estime corriger par cette méthode 75 % des erreurs médicamenteuses liées à un défaut d'informations. En Seine-Saint-Denis et dans les Yvelines, les données compilées sont directement agrafées à l'ordonnance de sortie pour que les libéraux en prennent plus facilement connaissance.
Toujours pour améliorer la coordination, le pharmacien clinicien, au lit du patient hospitalisé, reste trop rarement utilisé. Ce professionnel est pourtant le contact privilégié des praticiens libéraux, qui s'interrogent parfois sur le bien-fondé des modifications apportées par l'hôpital à l'ordonnance de leur patient. « Le pharmacien clinicien est un point d'ouverture vers la ville, mais il reste hélas anecdotique », se désole Patrick Léglise, vice-président du syndicat national des pharmaciens des établissements publics de santé (SYNPREFH). Seulement une poignée d'hôpitaux (CHU de Nîmes et de Grenoble ; hôpital d'Annecy) ont généralisé cet outil.
Les dispositifs et objets de santé connectés, de plus en plus présents, contribuent aussi au décloisonnement. En avril, un arrêté a précisé le cahier des charges de la télésurveillance du diabète (expérimentation). La Sécurité sociale étudie un éventuel remboursement d'une première application de suivi (Diabeo, sur avis favorable de la HAS).
Un mode de financement à revoir
Face à la volonté assumée des pharmaciens de s'impliquer plus fortement dans le suivi du diabète (nouvelles missions, utilisation massive des outils numériques), la méfiance des médecins est parfois de mise. La question de la valorisation du diagnostic et de l'expertise médicale est posée. « Toute la question est de savoir si la technique est utilisée au service du progrès ou si elle contribue à l'éclatement de la prise en charge », analyse le Pr André Grimaldi, diabétologue à la Pitié-Salpétrière (AP-HP).
Au nom du conseil national de l'Ordre des médecins, le Dr Jacques Lucas explique que le principal « facteur de résistance » de la profession est le manque d'incitation financière. « Les médecins sont intellectuellement prêts à déléguer mais pourquoi le faire quand on a des charges aussi lourdes ? La création d'un nouveau mode de financement conditionne clairement leur coopération. »
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