Les mots du client
- « Depuis quelques jours j’ai mal au mollet de la jambe gauche.
- Ma fille, dont l’une des jambes est plâtrée, a une petite fièvre.
- Je me demande pourquoi il faut que je prenne des médicaments avant de me faire opérer ».
Rappel physiopathologique
La thrombose veineuse profonde (TVP), également dénommée thrombophlébite, est un événement cardiovasculaire correspondant à la formation d’un caillot sanguin, ou thrombus, dans une veine ; dans l’immense majorité des cas au niveau d’une veine des membres inférieurs, bloquant partiellement ou complètement la circulation et entraînant une inflammation des parois du vaisseau atteint.
Exceptionnelle chez l’enfant, l’incidence de la TVP augmente avec l’âge, après 40 ans dépassant 1 % au-delà de 60 ans.
Trois facteurs jouent un rôle essentiel dans la survenue d’une thrombose veineuse profonde, à savoir une stase veineuse, des lésions vasculaires et un état d’hypercoagulabilité.
L’obésité ou encore l’insuffisance veineuse chronique, représentent autant de facteurs de risque fréquents.
Les signes cliniques sont peu spécifiques, parfois très discrets, voire même inexistants. Il faut savoir y penser devant des symptômes, surtout unilatéraux, comme une douleur spontanée (plante du pied, talon, mollet, cuisse), parfois transitoire, une sensation de chaleur accompagnée d’une rougeur de la peau, un œdème douloureux et inflammatoire du membre inférieur. Il faut aussi se méfier d’une fièvre inexpliquée chez une personne ayant une jambe plâtrée.
Les complications les plus graves sont dominées par le risque d’embolie pulmonaire. Cela étant, on sait maintenant que la majorité des TVP s’accompagne d’une embolie pulmonaire asymptomatique.
Représentant une urgence absolue, celle-ci doit être systématiquement évoquée devant une douleur thoracique souvent intense et augmentée à l’inspiration, une difficulté à respirer d’apparition souvent brutale (mais attention, elle peut aussi se développer progressivement), des expectorations striées de sang (hémoptysie), une toux et une fièvre souvent modérées, un malaise, voire une syncope.
Attention : ces symptômes peuvent être transitoires, au moment de la migration du caillot, disparaître puis réapparaître quelques heures ou jours plus tard.
Une autre complication importante à connaître, et extrêmement fréquente, est représentée par la maladie post-phlébitique. Apparaissant parfois des mois ou des années (2 ou 3) après un épisode de thrombose veineuse profond, elle est la conséquence de la prise en charge du retour veineux par le réseau veineux superficiel ; les veines superficielles se dilatent, deviennent incontinentes et des varices apparaissent. On observe alors un ensemble de signes fonctionnels : douleurs, jambes lourdes, œdèmes, troubles trophiques cutanés. En outre, ces modifications accroissent la stase et ainsi le risque de récidive phlébitique.
En résumé, tout phénomène douloureux au niveau d’un membre inférieur doit attirer l’attention, surtout s’il s’accompagne d’un gonflement et d’autant plus qu’existent des facteurs de risque.
Les questions à l’officine
J’ai une mauvaise circulation et je crains de faire un long vol en avion. Que faire ?
Des mesures de prévention particulières s’imposent surtout pour des vols d’une durée supérieure à 4 heures. Dans ce cas, il est conseillé de recourir à une contention veineuse, de boire régulièrement de l’eau, d’éviter les boissons alcoolisées qui aggravent le risque de déshydratation et de déambuler de temps à autre dans l’avion, par exemple toutes les 2 heures. S’il existe des facteurs fortement favorisants, et naturellement a fortiori en cas d’antécédents thrombotiques, une prévention pharmacologique pourra s’ajouter aux mesures précédentes. L’aspirine et les antiagrégants plaquettaires ne sont pas conseillés car leur efficacité n’est que de l’ordre de 30 % vis-à-vis des accidents thrombotiques veineux, alors que celle des anticoagulants type héparine est d’environ 90 %. Une injection d’une héparine de bas poids moléculaire juste avant le départ peut alors être prescrite par le médecin s’il le juge utile.
Quelles précautions dois-je observer pour mon traitement par antivitamine K ?
D’abord suivre strictement la prescription du médecin quant à la progressivité des doses et des contrôles biologiques. Il est recommandé de prendre le médicament toujours à la même heure. Bien qu’aucun régime particulier ne soit conseillé, il est tout de même recommandé d’éviter de consommer en grande quantité certains aliments présentant une teneur élevée en vitamine K, comme les abats, la choucroute et tous les types de choux, le fenouil, les avocats, les brocolis, carottes, laitues, épinards, tomates, navets ainsi que le thé vert. Il convient de prévenir sans délai le médecin en cas de saignements (nez, gencives, ecchymoses), d’urines rouges, de selles rouges ou noires, de fièvre, d’éruptions cutanées et d’une manière générale en cas de problème de santé, quel qu’il soit.
Précaution de bon sens, il est aussi bien entendu fortement recommandé d’éviter les sports violents et toutes les activités impliquant l’emploi d’objets tranchants (bricolage), sauf à observer des précautions adéquates.
On va me poser une prothèse de hanche et le médecin m’a prescrit des comprimés pour éviter la phlébite. De quoi s’agit-il au juste ?
Il s’agit d’un nouveau médicament destiné à remplacer des injections d’héparine dans le but de prévenir une possible phlébite. Le médecin prescrira, selon son choix, du Pradaxa ou du Xarelto, qui inhibent chacun un point différent de la coagulation du sang. Mais, leur efficacité est similaire et identique à celle des injections d’héparine et le traitement est plus facile à suivre. Dans les deux cas, la première dose doit être absorbée juste après l’intervention et le traitement doit être scrupuleusement suivi pendant le temps prescrit par le médecin.
Chez le médecin
Le diagnostic « standard » repose sur la réalisation systématique d’un écho-doppler veineux bilatéral des membres inférieurs dans les 24 heures qui suivent l’apparition des symptômes. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, une échographie normale ne permet pas d’exclure formellement une thrombose veineuse, en raison d’une sensibilité insuffisante. Seul un examen positif permet de l’affirmer.
Dans certains cas, il peut être utile de doser les D-dimères (taux normal : inférieur à 500 microgrammes/l), qui sont des produits de dégradation de la fibrine. Bien qu’ils ne soient pas spécifiques d’une thrombose veineuse, un taux faible est un argument fort pour éliminer ce diagnostic.
Parmi les autres examens biologiques de rigueur : numération formule sanguine, numération des plaquettes, ECG.
En cas de phlébite inexpliquée, il faut rechercher un déficit constitutionnel en antithrombine III, protéine C, protéine S, ainsi qu’une résistance à la protéine C activée.
Chez un homme de plus de 50 ans, la survenue d’une phlébite doit inciter à rechercher un éventuel cancer de la prostate.
Le diagnostic de l’embolie pulmonaire, qui est parfois difficile, met à profit la radiographie thoracique, la détermination des gaz du sang artériel, la scintigraphie pulmonaire et l’angioscanner spiralé des artères pulmonaires (examen exigeant l’injection d’un produit de contraste iodé), qui est un examen très sensible.
Les traitements
La thérapeutique d’une thrombose veineuse comprend, deux phases : une phase initiale représentée par l’administration d’un anticoagulant injectable, de type héparine ou héparinoïdes, suivi d’un relais rapide par antivitamine K dès confirmation du diagnostic. Cette dernière peut être commencée vers la 24e heure, avec un chevauchement minimal de 5 jours ; l’arrêt de l’anticoagulant injectable est réalisé quand l’INR est compris entre 2 et 3.
Si l’évolution d’un épisode aigu est favorable dans la majorité des cas, l’accent doit être mis sur le suivi du patient, comprenant le maintien d’une anticoagulation efficace durant plusieurs mois (de l’ordre de 6 mois) - un arrêt trop précoce expose à un risque de récidive, tenant compte de l’éventuelle persistance de facteurs de risque. S’il existe une anomalie constitutionnelle de la coagulation, il pourra être envisagé de poursuivre à vie l’administration d’une antivitamine K.
S’il s’agit d’une femme en âge de procréer, ou d’une femme ayant atteint l’âge de la ménopause, le choix de la contraception ou du traitement substitutif de la ménopause devra tenir compte de l’accident phlébitique.
La prise en charge d’une embolie pulmonaire exige une hospitalisation, au cours de laquelle seront administrés en plus de l’anticoagulation, et sous surveillance des paramètres vitaux, une oxygénothérapie et éventuellement des antalgiques.
Dans les cas les plus graves (état de choc), l’administration d’un fibrinolytique peut être nécessaire.
Un contrôle par écho-doppler plusieurs mois après une thrombose veineuse profonde est hautement souhaitable.
Héparines et fondaparinux.
Leur posologie est fonction du poids du patient.
- Héparines non fractionnées, préférées chez le patient âgé ou en cas d’insuffisance rénale : 80 UI/kg/j en dose de charge, puis 18 UI/kg/h à débit continu.
- Héparines de bas poids moléculaire : énoxaparine - Lovénox ou daltéparine - Fragmine, 100 UI anti-Xa/kg, par injection, à raison de 2 injections sous-cutanées par jour, ou nadroparine calcique - Fraxiparine, 85 UI anti-Xa/kg 2 fois par jour ; cette dernière peut aussi être utilisée en une seule injection quotidienne avec une posologie double. Il en est de même de la tinzaparine sodique - Innohep (175 UI/kg). Ces médicaments sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère (clairance à la créatinine inférieure à 30 ml/mn).
- Fondaparinux - Arixtra : une seule injection sous-cutanée par jour de 5 mg si le patient a un poids inférieur à 50 kg, 7,5 mg pour un poids compris entre 50 et 100 kg et 10 mg au-delà de 100 kg. Celui-ci est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale sévère.
Dans le cas général d’une thrombose veineuse non compliquée, l’héparine est arrêtée après au moins 5 jours de traitement par antivitamine K et quand deux INR espacés d’au moins 24 heures sont supérieurs à 2.
La surveillance biologique des héparines standard est assurée par le temps de céphaline activée ou TCA, la mesure de l’activité anti-IIa ou anti-Xa.
Pour les HBPM, le test utilisé est la mesure de l’activité anti-Xa.
Enfin, dans tous les cas, il convient de surveiller régulièrement le chiffre des plaquettes, afin de dépister suffisamment tôt la survenue d’une éventuelle thrombopénie.
L’effet indésirable classique des héparines est représenté par la thrombopénie. Si elle est précoce, survenant le plus souvent avant le 5e jour, elle est souvent bénigne ou modérée et ne nécessite pas l’arrêt du produit. En revanche, une thrombopénie tardive, après le 5e jour, est souvent profonde et sévère, imposant l’arrêt de l’héparine. Le relais peut alors être pris par la danaparoïde – Orgaran ou la lépirudine – Refludan.
Antivitamines K.
Il est conseillé de privilégier les antivitamines K de longue durée d’action, en respectant une augmentation progressive des doses sous contrôle biologique. La posologie est plus faible chez les sujets âgés.
Les posologies suivantes ne sont donc qu’indicatives.
Fluindione - Préviscan : 1 comprimé le soir ;
Acénocoumarol - Sintrom : un demi-comprimé matin et soir ;
Leur surveillance fait appel au temps de Quick, exprimé en INR (International Normalised Ratio) calculé par rapport à un témoin.
Une anticoagulation efficace suppose un INR entre 2 et 3.
L’INR doit être déterminé 2 fois par semaine au début (de préférence à la suite de la 2e prise), puis une fois par semaine durant le premier mois et enfin 1 fois par mois.
Rappelons que les antivitamines K sont contre-indiquées au cours du premier et du troisième trimestre de la grossesse ; l’héparinothérapie doit être poursuivie jusqu’à l’accouchement.
Les autres mesures.
Un repos au lit avec les jambes surélevées d’environ 10 cm est conseillé.
La marche, avec contention élastique, sera reprise dès que le médecin aura donné son accord.
Le lever sera autorisé après la disparition des signes inflammatoires, sous anticoagulation efficace et avec une contention veineuse moyenne ou forte, par bas ou collant.
Rappelons que la contention, qui doit être poursuivie plusieurs mois, oblige le retour veineux à se faire par le réseau profond, ce qui prévient l’atteinte du réseau superficiel et ainsi le syndrome post-phlébitique ; en outre, elle accélère la reperméabilisation du réseau profond.
Elle doit être portée dès le lever et toute la journée, mais jamais durant la nuit.
On recommande aussi de boire suffisamment tout au long de la journée, de ne pas porter de chaussures à semelle plate (talon de 3 à 4 cm), d’éviter toute source de chaleur sur les jambes (bains chauds, douches chaudes, exposition au soleil, sauna, chauffage par le sol, couverture chauffante, vêtements serrant les jambes), mais aussi de perdre du poids en cas de surpoids et de lutter contre une éventuelle constipation.
Enfin, un sevrage tabagique s’impose, le cas échéant.
Ligue Française contre la maladie Veineuse thromboembolique (LIVE) :
Tél. : 01 45 87 77 04 ; site : www.live-mvte.org
Société Française de Médecine Vasculaire
Site : www.sfmv.fr
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques