« La PrEP est autorisée dans notre pays, depuis janvier 2016, sur la base d’études qui ont été menées, en partie en France et qui ont démontré son efficacité à l’échelon individuel. Ces études se sont terminées au début de l’année 2015 : l’autorisation de mise sur le marché a donc été très rapide », souligne le Pr Jean-Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Louis (Paris).
Présentées en juillet dernier, lors de la 22e conférence internationale sur le VIH/Sida à Amsterdam, les conclusions de l’étude « Prévenir » menée par le Pr Molina avec le soutien de Agence nationale de recherche contre le sida (ANRS), confirment l’efficacité et la bonne tolérance de la PrEP lorsqu’elle est prise de manière continue (à raison d’un comprimé par jour) ou à la demande, dans les heures précédant et suivant un rapport sexuel à risque.
Aucun cas d’infection enregistré avec la PrEP
« Prévenir » a été conduite entre mai 2017 et mai 2018, auprès de 1 435 volontaires séronégatifs : la grande majorité était des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Parmi ces volontaires, 44 % prenaient la PrEP tous les jours, et 53 % l’utilisaient à la demande : en un an, aucun cas d’infection par le VIH n’a été recensé. « Aujourd’hui, nous constatons une assez large utilisation de la PrEP dans le milieu gay en France, population la plus touchée par l’épidémie. Désormais, nous souhaitons évaluer si ce bénéfice individuel se traduira par un bénéfice sur le plan épidémiologique, comme cela est déjà le cas dans d’autres pays », indique le Pr Molina.
À Londres, par exemple, le nombre de nouvelles infections chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes a diminué de 29 % entre 2015 et 2017.
« Nous attendons également les données épidémiologiques de l’année 2018 pour la France. Grâce à la déclaration électronique des nouveaux cas d’infection par le VIH, nous devrions, en principe, avoir accès à ces informations au premier trimestre 2019. Nous pourrons alors savoir si l’utilisation de la PrEP a engendré ou non une inflexion du nombre de nouveaux diagnostics de VIH dans le milieu gay », note le Pr Molina. Ces données seront essentielles.
De fait, depuis 10 ans, l’incidence du VIH chez les hommes homosexuels est en constante augmentation. « Si la PrEP est associée à une décroissance de nouveaux cas de VIH dans les milieux gay, nous serons encouragés à développer davantage cette stratégie, y compris auprès des populations qui en ont peu bénéficié jusqu’à présent (populations migrantes, notamment) », précise le Pr Molina.
Mieux dépister les infections sexuellement transmissibles
En attendant, certains experts craignent qu’in fine les campagnes de communication en faveur de la PrEP détournent les populations à risque du préservatif. Une tendance observée dans plusieurs pays, notamment en Australie, où la PrEP – utilisée depuis mars 2016 – gagne du terrain. Or, contrairement au préservatif, la PrEP ne protège pas des infections sexuellement transmissibles (IST). « Les IST sont en augmentation depuis une vingtaine d’années, notamment depuis la mise à disposition de trithérapies efficaces permettant, dans la plupart des cas, de gérer le Sida, devenu une maladie chronique », rappelle le Pr Molina. Le préservatif reste l’outil indispensable de prévention des IST même s’il ne protège pas forcément de toutes les infections (les rapports oraux induisent un risque de transmission des IST).
Dans l’idéal, la PrEP devrait être utilisée de façon complémentaire au préservatif. Néanmoins, selon le Pr Molina, le suivi médical qui accompagne la prescription de la PrEP devrait permettre de dépister les IST de façon précoce. Les patients qui recourent à la PrEP doivent, en effet, être vus en consultation tous les trois mois. Un rendez-vous au cours duquel ils bénéficient de multiples de dépistage : VIH, hépatites et IST.
Renforcer la recherche
La question de la transmission des IST est importante, aussi bien chez les personnes séropositives que chez celles qui ne le sont pas, mais qui ont des partenaires multiples. « Ce qui favorise les IST, ce n’est pas seulement le non-port (ou le port inconstant) du préservatif, c’est aussi le nombre de partenaires des patients. Nous sommes conscients de l’importance du problème, même si nous ne pouvons pas mettre sur le même plan une infection à Chlamydia, qui se soigne par le biais d’antibiotiques, et le VIH que l’on garde toute sa vie et qui,sans traitement, mène au décès. Nous avons besoin de renforcer la recherche dans le domaine des IST (sciences humaines, sociales, épidémiologie, stratégie de traitement) pour mieux les prévenir et les prendre en charge », conclut le Pr Molina.
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