ON SE SOUVIENT de l’onde choc qui a secoué le monde de la santé suite à la plainte d’une jeune femme accusant une pilule de 3e?génération d’avoir provoqué son accident vasculaire cérébral. Les pilules de 3e et 4e génération se retrouvent alors au centre de bien des polémiques et controverses car accusées de sur-risques de complications thrombo-veineuses. Le battage médiatique va cristalliser l’amalgame pilule-danger. Le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) craint que l’abandon inopinée de la contraception par les patientes n’entraine un rebond de grossesses non désirées et donc d’IVG. Les autorités françaises décident de durcir les conditions de prescription des pilules de 3e et 4e?génération. On parle de leur déremboursement. Les jeunes médecins généralistes sont pointés du doigt pour leurs prescriptions jugées excessives. Et que dire aux patientes pour les rassurer ?
Il faudra près d’une année, l’année 2013, pour clarifier la situation et que la lumière soit en partie faite sur les contraceptifs. Les débats, études et enquêtes vont largement contribuer aux prises de décisions et recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS), de l’Académie de Médecine et de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM).
Mieux encadrer les prescriptions.
L’ANSM émet rapidement le souhait de modifier les conditions de délivrance. L’objectif affiché est d’encadrer la prescription et de donner toute l’information sur les effets secondaires. Les prescripteurs sont invités à mentionner de façon manuscrite sur l’ordonnance que la patiente est bien informée des sur-risques et que les facteurs de risque ont été recherchés. De plus, ils doivent s’assurer que la patiente est avertie des signes cliniques de thrombose et d’embolie pulmonaire. Ce nouveau format de délivrance doit être mis en application rapidement, une fois validé par les laboratoires pharmaceutiques. La date avancée est début Juin 2013.
L’Académie de Médecine juge également pertinent de publier un rapport sur la « contraception orale et le risque vasculaire ». Les Académiciens mettent en exergue les règles qu’il convient de respecter pour la prescription des pilules y compris pour celles de dernières générations. Ils insistent sur la première prescription qui ne doit pas être banalisé ni son renouvellement d’ailleurs. La pilule contraceptive se prescrit face à une patiente que l’on interroge soigneusement sur ses antécédents personnels et familiaux, que l’on examine, à laquelle on prescrit les examens complémentaires indispensables et que l’on revoit et que l’on suit. Ce qui permet d’évaluer à chaque instant les risques artériels et veineux. Le médecin doit également accompagner sa prescription d’oestroprogestatifs d’une information, précisant les risques et les signes de phlébite et d’embolie pulmonaire. Concernant l’augmentation des risques des contraceptifs de 3e génération, reconnus dès 1995, elle est, pour les Académiciens, la conséquence de l’usage important des contraceptifs de 3e génération mais pourrait aussi être due à une dérive des indications de prescriptions vers les femmes à risque.
Le risque thromboembolique veineux : 2500 accidents par an.
L’affaire des pilules de 3e et 4e?génération a mis en lumière les failles du dispositif de pharmacovigilance. Les remontées de pharmacovigilance, bien qu’obligatoires, ne sont pas toujours réalisées. L’ANSM a cependant pu estimer (années 2000 à 2011) le nombre d’accidents thromboemboliques veineux attribuables aux différentes générations de pilules contraceptives, ainsi que la mortalité liée à ces événements. Les contraceptifs oraux combinés, toutes générations confondues, entraineraient chaque année plus de 2500 accidents thromboemboliques veineux et seraient responsables de 20 décès « prématurés ». 1751 accidents seraient attribuables aux pilules de 3e et 4e génération. Ce risque d’accidents thromboemboliques veineux qui est faible dans la population générale serait multiplié par 2 chez les utilisatrices de pilules de 1e et 2e génération et par 4 chez les femmes sous pilules de 3e et 4e génération. Sur les 20 décès annuels par embolie pulmonaire, 6?seraient attribuables aux 1re et 2e génération et 14 aux pilules de 3e et 4e génération. Toutes ces données sont intégrées au rapport remis aux instances européennes par l’ANSM qui a demandé, dès le début de la crise, une révision des recommandations européennes sur ces produits.
Arbitrage européen en faveur des pilules de 3e et 4e génération.
Le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) a finalement rendu un avis favorable en Octobre 2013 jugeant que les bénéfices de tous les contraceptifs oraux combinés continuent d’être supérieurs aux risques, malgré un taux un peu plus élevé d’accidents par thromboses veineuses pour les pilules de 3e et 4e génération.
– Le PRAC a choisi de ne pas faire de distinction claire entre les pilules de 1re et 2e génération et celles de 3e et 4e génération comme l’avaient fait les Autorités françaises faisant des pilules de 3e et 4e génération des produits de 2e intention.
– Le PRAC estime que le risque d’accident thromboembolique veineux reste faible avec peu de différence entre les pilules. Il est de 9 a 12 cas pour 10 000 femmes sous pilule de 3e et 4e génération contre 5 à 7 cas pour 10 000 sous pilules de 1re et 2e génération tandis que naturellement il est de 2 cas pour 10 000 femmes qui ne prennent pas la pilule et ne sont pas enceinte.
L’Agence Européenne du Médicament propose cependant une mise à jour des informations sur les pilules contraceptives dans les notices des boites pour aider les femmes à prendre leur décision avec les professionnels de santé. Ceux-ci sont également invités à prendre en considération les facteurs de risque individuels au moment de la prescription d’un contraceptif.
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