IMPRESSIONNÉ, le trio franchit le perron du laboratoire de la rue d’Ulm, ignorant qu’il entre dans l’Histoire de la médecine : Angélique Meister, boulangère à Steige, un village proche de Sélestat, maman de Joseph, le petit garçon de 9 ans l’accompagnant, et Théodore Vonné, aubergiste à Maisonsgoutte.
Nous sommes le lundi 6 juillet 1885. Deux jours auparavant, le chien de chasse de Théodore a mordu son maître mais surtout, à quatorze reprises, Joseph qui passait devant le 61 Grand Rue à Maisonsgoutte, allant chercher de la levure pour la boulangerie familiale dans une brasserie. L’enfant a été soigné par le médecin de la vallée, le docteur Weber, de Villé, et ses plaies ont été désinfectées à l’acide phénique, mais l’espoir qu’il survive est quasi nul : le chien est enragé et la maladie, qui se déclare environ un mois après la morsure contaminante, entraîne inéluctablement le décès.
L’idée est-elle venue du médecin ou de proches ? Toujours est-il que la maman part avec son fils pour Paris, espérant que Pasteur, dont les travaux ont été évoqués dans la presse, pourra le sauver. Le savant n’a pas réussi à isoler le virus de la rage mais l’a affaibli en laissant s’assécher de la moelle contaminée dans un bocal et en a fait un vaccin.
Guéri en 10 injections.
Pasteur hésite à appliquer à l’enfant une technique simplement testée sur des chiens (et, en mai et juin 1885, sur deux patients, décédés rapidement : le diagnostic de rage était douteux pour l’un et la maladie trop évoluée chez l’autre). L’académicien Alfred Vulpian (1826-1887) et un pédiatre, Jacques Joseph Grancher (1843-1907), l’incitent toutefois à essayer, et ce d’autant que la rage n’est pas encore déclarée chez Joseph.
Mère et enfant sont hébergés rue d’Ulm ; Vonné repart car sa blessure, légère, ne l’expose à aucun risque. Le soir même, Grancher injecte en sous-cutanée à l’enfant une suspension de broyat de moelle de lapin enragé inactivée. Les inoculations se succèdent dix jours d’affilée. Joseph, sauvé, retrouve l’Alsace le 27 juillet.
Second vacciné, Jean-Baptiste Jupille (1869-1923), berger de 14 ans, bénéficie également d’un traitement antirabique entrepris le 20 octobre : il s’était battu corps à corps avec un chien enragé pour défendre, à Villers-Farlay, dans le Jura, de jeunes camarades.
La réputation de Pasteur connaît alors un essor considérable : les patients affluent d’Europe comme de Russie. Le dispensaire de la rue d’Ulm devenu trop petit, un centre plus vaste et moderne est édifié grâce à une souscription : devenu l’Institut Pasteur, il sera inauguré le 14 novembre 1888 par Sadi Carnot.
Pasteur conserva des relations avec Joseph, qui devient finalement gardien à l’Institut en 1918 : le premier vacciné se suicida peu après l’entrée des Allemands dans Paris, le 24 juin 1940. Jean-Baptiste devint concierge de l’Institut Pasteur, où il côtoya… Joseph. Sa statue, œuvre d’Émile Louis Truffot (1843-1895), orne la crypte mortuaire de Pasteur et figura sur un billet de 5 francs émis par la Banque de France de 1966 à 1972. Quant au vaccin de Pasteur, il connut une rapide infortune liée à sa relative inefficacité : des vaccins antirabiques fruits d’une inactivation différente lui furent préférés dès le début du XXe siècle…
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